28) "La Malédiction de l'Écorce"

De Marches du Nord
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La Grande Expédition Boréale qui traversera l'immense territoire forestier des nomades Liam'Lon est sur le point de partir: "des marchands-diplomates y vont pour établir de nouveaux accords commerciaux et négocier des traités territoriaux, des cartographes y cherchent un mythique passage vers l'Ouest inconnu, des archéologues vont y ausculter de vieux cailloux, des baroudeurs escorteront tous ceux-là et des guerriers indigènes comptent y mener une "quête spirituelle". Ce qu'ils ignorent encore, c'est que la première partie de leur voyage va les amener à découvrir les mystérieuses racines de la Malédiction de l'Écorce...

PROTAGONISTES :


Le Vaillant équipage de l'Orso :

  • Ertond, charpentier du bord et apprenti marin
  • Yanta Celsine, marinière et ex-comptable de Ranyella
  • Gregorio, marin un peu simple, frère cadet de la précédente,
  • Islinna Sotorine, qui accompagne l'expédition à la Croisée des Pistes
  • les passagers Adira et Vighnu Pratesh


Prologue : trois jours à quai

Sur le ponton d’Écume 6, c'est le jour du grand départ. Perché sur le pont de l'Orso, Bartolome Sotorine fait des nœuds, tend des voiles, vérifie des cordages. "Hissez-haut les amis ! Nous allons prendre le large !" Tous les regards se tournent vers lui.
"D'accord capitaine, mais on va où exactement ?" demande Ertond, le charpentier de bord.
"Et puis, il nous manque encore des instruments de navigation pour la cartographie", précise Vera.
"Tu as une idée des distances, dans le Grand Nord ? Il faut qu'on se déplace à cheval !", s'inquiète Falnen.
"Personne ne se déplace à pied, c'est n'importe quoi. Il nous faut des chevaux," ajoute Nil Sholenshen.
Bartolome soupire. Il regarde ce beau ciel, et ce vent puissant qui soufflait vers le large, prêt à porter son navire. "Bon, d'accord. On a encore quelques points à régler. Installons-nous dans la grande maison, nous allons régler les détails".

Ces "détails" prendront trois jours pleins à régler. Trois jours sous les regards noirs des Sotorine du comptoir, impatients de voir les bruyants Talendans dégager de leur ponton. Vera et Ésébilio commencent par expliquer l'étrange concept dirsen de "carte" à Falnen et Nil. Avec leur aide, une première ébauche de carte de la région à explorer est mise au point. Vera et Bart découvrent avec surprise le gigantisme du Grand Nord : clairement, une exploration à pied parait remise en cause. Selon les Liam'Lon, il leur faudrait probablement deux semaines minimum pour rallier la Croisée des Pistes depuis Écume 7. Les deux Emishen plaident longuement pour qu'on prenne des chevaux pour explorer.
"Mais enfin, nous sommes plusieurs à ne pas savoir monter, moi le premier !
- Et bien ce n'est pas grave, tu auras le cul tanné. On ne va pas en faire un drame, non ?
- Pas question. On va explorer en utilisant une méthode qui a fait ses preuves. La méthode Kerdane. On explore depuis la mer en remontant les fleuves."
Pour trancher cette question, Vera se décide à fouiller les archives des Sotorine, et en particulier les fameux carnets de navigation d'Arenzio Sotorine. Elle peut alors identifier plusieurs fleuves que le navire du fameux navigateur Kerdan a déjà remonté, et commencer à préparer un itinéraire crédible, en recoupant les informations des carnets avec les connaissances de terrain des deux Liam'Lon.

Pendant ce temps, Bartolome recherche un octant pour aider l'expédition à se diriger et à cartographier ces nouvelles terres. Diovire a accepté de prêter sa longue-vue à son frérot, mais malheureusement, les Sotorine ne possèdent qu'un seul octant et ils en auront besoin pour le prochain voyage du Coppavento. Adira a bien proposé à Vera "d'emprunter" l'octant de Diovire sans trop lui demander son avis, mais Bart ne semble pas prêt à risquer les foudres de Ranyella et de son frère. C'est alors qu'Esébilio lève timidement le doigt : "Mais vous savez Monsieur Bartolome, je pense que je pourrai en fabriquer un, avec un peu de matériel..." Et effectivement, à la stupéfaction générale, l'ingénieux Brasain fabriquera un octant tout à fait fonctionnel en une paire de jours de travail. De son côté, Adira a réussi à acquérir des canoés Emishen aptes à remonter les fleuves. Après trois jours d'intenses préparatifs, l'expédition serait-elle enfin prête à partir ? Bart en semble en tout cas convaincu, et il remonte sur l'Orso pour haranguer son équipage et ses passagers.

Première ébauche de carte réalisée avant le départ par Vera Sotorine avec l'aide de Nils Sholenshen et Falnen.

"Les amis ! Il est enfin temps de dresser les voiles et de quitter Écume 6 ! Nous sommes restés trois jours ici pour nous préparer, mais je pense que ce n’était pas du temps de perdu. Nous avons pu nous mettre d’accord sur un itinéraire clair et qui je crois nous fera gagner du temps au final. Vera et Ésébilio ont conjugué leurs talents de cartographes aux connaissances de Nil et Falnen pour établir une première carte, encore approximative, des terres que nous allons traverser. On peut voir que les distances sont colossales, ne serait-ce que pour atteindre la Croisée des Pistes. Pas question d’y aller à pied, or beaucoup d’entre-nous sont de piètres cavaliers. Nous allons donc procéder à la Kerdane : en remontant les fleuves le plus en amont possible avec l’Orso, puis en continuant en canoë. Nous pourrons ainsi aisément transporter du matériel et des marchandises, tout en ayant une base arrière à portée. Notre itinéraire sera le suivant.
Tout d’abord, une fois sortis des Baies Jumelles nous irons faire étape au comptoir d’Écume 7. Puis nous remonterons le bras le plus à l’est du Fleuve aux Cinq Bras. Les carnets de navigation de la famille Sotorine indiquent que ce bras de fleuve peut être remonté assez haut, à peu près jusqu’ici (Bart indique sur la carte, dans le cadran tout en bas au milieu, le bras de fleuve le plus à l’est et remonte jusqu’au petit trait bleu horizontal). De là, nous serons à une journée de canoë du Pays des Gens de Pierre que notre ami Ésébilio souhaite tant découvrir. Le reste de l’équipage pourra nous attendre sur l’Orso qui restera à l’ancre quelques jours le temps de l’exploration des lieux... ou quoi que messire Ésébilio désire faire là-bas. Ensuite, retour sur l’Orso, qui redescendra le fleuve vers la Mer d'Écume.
Nous suivrons ensuite la côte est (le doigt de Bartolome remonte le long de la carte) jusqu’à un fjord bien précis (il désigne l’embouchure du fleuve juste au nord de la barrière des Géants). Comme précédemment, nous le remonterons le plus loin possible avec l’Orso et continuerons en canoë jusqu’à la Croisée des Pistes. Chacun pourra y conduire ses affaires et ses négociations diplomatiques, et nous en profiterons pour essayer de négocier un droit de passage pour la suite de notre exploration. Les canoës pourront rapporter vers l’Orso les marchandises que les marchands auront troquées. A ce stade, il faudra que ceux qui ne veulent pas continuer plus au nord fassent un choix, car l’Orso repartira ensuite vers les terres boréales. Ceux qui ne veulent pas nous suivre dans cette dernière aventure, risquée j’en conviens, pourront sans doute négocier un voyage retour vers le sud en accompagnant une des manades Liam’Lon.
Les explorateurs restant retrouveront l’Orso qui reprendra le chemin vers la mer. De là, nous repiquerons plein nord, jusqu’à ce long fleuve, celui-là même qui mène jusqu’à la Mer Intérieure. Nous savons que la Frontosa d’Arenzio Sotorine l’a remonté presque jusqu’au niveau des Monts Décorés (Bart indique le petit trait bleu sur le fleuve). Mais l’Orso a un tirant d’eau bien plus faible que la Frontosa, nous pourrons aller plus loin que lui, jusqu’à la Mer Intérieure, je l’espère ! Et sinon, nous reprendrons nos pirogues. Au-delà de la Mer Intérieure commencent les Landes Pales, et le début de l’inconnu pour nous. Et ce sera une course contre la montre, contre l’hiver et la neige, dont l’arrivée sonnera le moment où il faudra faire demi-tour, avant que l’Orso ne se retrouve prisonnier des glaces...
Ah, j’oubliais : notre Ésébilio est décidément plein de ressources, puisqu’il a confectionné un Octant ! Regardez-moi cette merveille ! Il nous sera fort utile pour cartographier ces terres lointaines. Voilà, des questions ?"

Après avoir écouté les explications de son Tonton préféré, et manifestement ravie de naviguer à nouveau, Islinna demande d'un air gentiment circonspect : "Et comment L'Orso va-t-il les remonter, ces fleuves ? Savez-vous s'ils sont assez larges pour y naviguer à la voile, avez-vous prévu de grands avirons ou des perches pour nous propulser ? Ces fameux canoës sauront-ils remorquer le navire ou comptez-vous sur notre seul âne pour nous haler ? - Et bien, ah ah, excellente remarque, Islinna ! Évidemment, on compte d’abord sur nos voiles. Ensuite, sur des avirons que nous avions évidemment prévus. C’était tellement évident que j’ai oublié de le dire, ah ah ah ! Et Anzio l’a fait, hein. Ses carnets expliquent en détail sa méthode. Bon, elle était assez aventureuse, pour ne pas dire risquée, mais on a les grands principes : alléger le navire au maximum pour diminuer son tirant d'eau, et le hâler avec nos canoës, propulsés à la force des bras par plusieurs rameurs. Ce ne sera pas une partie de plaisir, mais c'est possible !” Un grand sourire se dessina sur le visage de Bartolome.

"Mais assez perdu de temps ! Tout le monde à bord !" Une large main prit alors Bartolome par l'épaule. Diovire le regardait d'un air sévère.
"Bon... Tu me ramèneras ma longue-vue, hein ?
- Ça... J'aurais trop peur que tu me poursuives jusqu'aux landes pales pour la récupérer, radin comme tu es !"
Et c'est sur cette émouvante démonstration d'amour fraternel que l'Orso put enfin prendre la mer.

Voyage vers Écume 7

"Hissez-haut ! Levez l'ancre !
- Un instant ! On ne peut pas partir comme ça."
L'espace d'un moment, Bartolome croit vouloir étrangler Nil Sholenshen : pourquoi diable veut-elle encore retarder le départ ? En fait, elle souhaite effectuer un rituel Emishen pour l'Esprit Faucon, l'Esprit des terres qu'ils vont explorer. Bartolome accepte l'idée de bonne grâce et suggère à l'équipage d'y participer, provoquant les récriminations d'Ertond : l'Ondrène est bien trop pieux pour participer à un rite païen. Tandis qu'Ertond boude en récitant le nom des Premiers, les autres écoutent Nil invoquer les Esprits. Mais il se passe un truc bizarre : tous les participants ont soudain l'impression que la Liam'Lon essaie, d'une certaine façon, de prendre une forme d'autorité morale sur l'expédition. Et à ce moment là, un rai de lumière perce entre les nuages, donnant un caractère surnaturel au rituel qui fait douter même Ertond. Mais il en faut plus pour impressionner l'équipage et les passagers de l'Orso. "Bon, il est content le faucon, on peut y aller, maintenant ?", demande un brin sèchement Bartolome. Cela rompt un peu la magie de l'instant et tout le monde se met à son poste. Il n'y a guère que Ésébilio qui reste un peu troublé par ce qui vient de se produire.

Il fait donc grand beau quand l'Orso quitte enfin le ponton d'Écume 6. Beau, mais avec un vent faible et contraire qui fait que le brigantino n'avance guère. Bartolome donne le cap, tandis que le selon la tradition Kerdane, c'est la quartier-maître Vera qui tient la barre. Malgré les efforts de Bartolome qui essaie d'attraper le vent, l'allure reste faible, suscitant les moqueries de Vighnu "Ça allait plus vite quand on voyageait avec Diovire", persifle-t-il. En tout cas, si le pauvre Ésébilio découvre avec Adira les joies du mal de mer, Vighnu et Nil décident de mettre la main à la pâte et de participer au manœuvres. Nil s'en sort bien, mais Vighnu se révèle d'une agilité surprenante dans les haubans. En fin d'après-midi, on arrive enfin au Détroit des Oubliés, au devant de ses traitres tourbillons. L'Orso s'avance pour le traverser, mais avec un excès de prudence qui ne lui ressemble pas, Vera ne prend pas assez de vitesse et le navire est repoussé par le force du tourbillon. Il faut reprendre une nouvelle trajectoire, et cette fois Vera ne s'y trompe pas : l'Orso prend de la vitesse et passe les deux tourbillons, se laissant porter par le second qui les amène au nord du détroit. Le crépuscule s'annonce, et l'endroit est fort peu propice au mouillage : la côte est entièrement formée de falaises. Mais l'équipage trouve une crique suffisamment peu profonde pour qu'on puisse y jeter l'ancre. Le temps restant calme, l'équipage pourra se reposer - et Ésébilio prendre un remède contre le mal de mer concocté par Vighnu.

Le lendemain, malgré un départ un peu tardif qui lui fait rater la marée, Vera et Bart sont bien décidés à rattraper leur retard. Ce fichu vent est toujours contraire, mais grâce à d'ingénieuses manœuvres l'Orso prend de la vitesse. Il se présente devant le Détroit des Griffes, que Vera passe sans presque ralentir. Devant, Ésébilio s'est muni de la longue-vue et a pris le rôle de vigie. Il annonce au capitaine que cinq ou six petites voiles semblent attendre l'Orso à la sortie du détroit. Il s'agit de petites embarcations Oloden, positionnées en arc de cercle, comme pour bloquer la route de l'Orso. Mais les marins Oloden n'avaient sans doute pas prévu que l'Orso sortirait du détroit à une telle vitesse : paniqués, les Emishens manoeuvre pour se sortir de la trajectoire du brigantino. Bartolome fait légèrement descendre les voiles pour ralentir l'allure, tandis que Vera s'arrange pour éviter toute collision. Malgré les protestations de Nils qui demande à ce qu'on s'arrête, Bartolome refuse absolument : il estime que l'expédition a déjà assez perdu de temps comme ça. Il se contente donc de saluer les Oloden d'un large geste, tandis que ces derniers s'époumonent. On entend à peine leurs "Revenez !" alors que l'Orso file vers Écume 7.

Pendant ce temps, Esébilio s'était un peu écarté de l'agitation pour scruter le fond du détroit, semblant chercher quelque chose. Il finit par remarquer sous l'eau une longue formation rocheuse rectiligne, sans nul doute artificielle. Et qui se situe probablement dans le prolongement direct de la Grande Chaussée...

Le reste de l'équipage ne semble pas s'intéresser aux observations archéologiques du Brasain, mais plutôt à maintenir l'allure. Et celle-ci ne faiblira pas, et c'est en milieu d'après-midi que l'Orso se présentera devant le large chenal qui mène au comptoir.

Rencontre avec les Oloden

Dès l'entrée du chenal, la vigie note la présence de cavaliers sur les hauteurs entourant le chenal. Plus étrange, alors que le navire s'approche du comptoir, Bartolome constate que les guirlandes et les fanions qu'il installe d'habitude pour indiquer le comptoir est ouvert au commerce ont été sortis. Et sur le ponton d’Écume 7, une foule de petites embarcations très semblables à celles qu'ils viennent de croiser sont amarrées... Rapidement, un comité d'accueil Oloden se forme sur le ponton. Un homme fend la foule et se dirige vers le navire. Tout à coup, un grand sourire illumine son visage et il agite la main en direction du pont :
"Islinna ! s'exclame-t-il
- Mil'orind !" répond une Islinna visiblement ravie, en agitant elle-aussi la main.
Vighnu, au contraire, a l'air beaucoup moins ravi devant ces retrouvailles entre sa fiancée et le play-boy des fonds marins Oloden. En tout cas, Mil'orind a l'air concerné par une autre question : il brûle de savoir si Bartolome est bien "le chef des marchands secrets". Un bref dialogue permet d'éclaircir cette histoire : les Olodens ont été informés par une corneille (pas un Esprit-Corneille, une corneille littérale) que des Kerdans viendraient vendre des armes à Écume 7. Or les Oloden ont un besoin pressant d'armes dans la sanglante guerre qui les oppose au Prévôt de la Marche des Lacs, Rhilder le Fou. Ils sont donc venus avec des marchandises pour troquer : quelques poteries, et surtout... des huîtres. Trois grands sacs d'huîtres puant le varech. Sauf que voilà : on ne doit pas vendre d'armes dans la Frontière de l'Orage. Et que deux sentinelles de l'orage accompagnent le groupe...

Tout le monde se retrouve dans la grande maison en bois qui forme le centre du comptoir. Autour d'un repas de fruits de mer, on négocie. Bartolome, poussé par Adira et Vighnu, n'est pas contre vendre une partie de son stock d'armes, surtout quand il apparaît que les Oloden ont accès à des huîtres perlières dont ils seraient disposés à faire commerce. Edianan Gehil, la négociante des Oloden, essaie de convaincre Nil Sholenshen de la justesse de son combat. Les armes négociées ne serviront qu'à faire la guerre contre ce monstre de Rhilder. Nil est prise dans un puissant dilemme moral : elle sait que ce combat est juste, qu'elle devrait le soutenir, et pourtant le Hagad ne permet pas de transiger : on ne peut pas faire entrer la Guerre dans la Zone de Paix. Sous aucun prétexte. Vighnu tente bien une ruse pour contourner cette règle : "Mais on a bien le droit de troquer des armes aux Liam'Lon, non ? Et de les troquer contre des huîtres ? Après, comment les Liam'Lon obtiennent les huîtres, ce n'est pas notre affaire. N'est-ce pas ?" Bartolome approuve, tout en disant qu'il respectera la décision de Nil. Déchirée par ce choix, Nil sort s'isoler, mais Edianan Gehil la suit pour continuer son discours : il faut sauver les enfants des griffes de Rhilder. C'est la seule décision juste, comment le Hagad pourrait-il l'interdire ? Nil réfléchit un long moment, puis rentre pour faire part de sa décision : il n'y aura aucun trafic d'armes dans la zone de paix. Quelques qu'en soient les intermédiaires. Bartolome hausse les épaules, mais Vighnu n'a pas l'air de s'avouer vaincu. Le Fehnri sort en compagnie de Edianan Gehil et tous les deux s'embarquent sur un canoë afin de discuter loin des oreilles indiscrètes. Pourtant, au bout de quelques minutes, les deux conspirateurs se mettent à pagayer frénétiquement en direction de la rive, et les voilà qui rentrent tous penauds, à pied, portant sur leurs têtes l'encombrant canoë. Vighnu expliquera qu'ils ont vu des formes sombres dans l'eau, et que des pointes osseuses en perçaient la surface. Des pointes d'une bonne taille, rappelant celles des étranges anguilles que Vighnu avait croisé lors de la traque de Soashna, mais en bien plus gros...

Les Enfants-Arbres

L'embouchure du bras du Fleuve-aux-Cinq-Bras que l'Orso s'apprête à remonter.

Le lendemain matin, alors que Bartolome décroche les guirlandes et les pièges à vent indiquant que le comptoir est ouvert, de nouvelles embarcations Oloden arrivent à Ecume 7. Il s'agit du petit groupe que l'Orso avait croisé la veille en sortant du Détroit des Griffres et ouvertement snobé. Les Oloden n'ont pas l'air très contents et font état à Mil'orind du comportement des Talendans. Mil'orind soupire et dit que Talendans n'ont pas été très sympathiques ici non plus, et l'affaire en reste là. L'Orso peut alors appareiller en direction du Fleuve au Cinq Bras, qu'il entreprend de remonter. Le bras est large et l'Orso peu le remonter à la voile durant un bon moment. Toutefois, le courant finit par se renforcer et les Sotorine décident alors d'appliquer la technique de leur illustre ancêtre. Deux canoës sont mis à l'eau, avec de solides rameurs : les deux Liam'Lon en occupe eux, tandis que l'autre est occupé par Islinna, Vighnu et... Adira. Charge à eux de hâler l'Orso, dont l'équipage surveille la direction et navigue "à la sonde". Un échouage sur un banc de sable est d'ailleurs évité de justesse. Penché sur le bastingage, Ésébilio s'occupe de cartographier plus précisément les nombreux méandres du fleuve. Tout en ramant, Nil Sholenshen remarque un petit groupe de cavaliers qui semblent les suivre à bonne distance. Si Falnen est convaincu qu'il ne peut s'agir que d'autres Liam'lon, Nil est surprise quand les cavaliers ne répondent pas à ses saluts.

Le soir, Bartolome décide d'ancrer le navire au milieu du fleuve, position qui lui semble plus sûre. Nil décide d'aller quand même à terre pour confronter les cavaliers au comportement si... cavalier. Falnen, mais aussi Vera et Ésébilio (qui semblent désireux de se dégourdir les jambes sur le plancher des vaches) l'accompagnent. Restés sur l'Orso, Bart, Ertond et Adira pèchent. Si le Kerdan semble plus faire la sieste que réellement pécher, Adira semble avoir ferré une grosse prise. Sa ligne est tendue, et il n'arrive pas à la remonter. Ertond vient l'aider, mais ça ne suffit pas : ça tire vraiment très fort, apparemment. En grognant un peu, Bart vient prêter main forte : ses efforts ne parviennent qu'à rompre brutalement la ligne. Quoi que ce fut, c'était vraiment gros. "Je vous avais bien dit qu'il y avait de gros poissons par ici !", dit Vighnu.

Pendant ce temps, la nuit tombe rapidement sur la petite expédition descendue à terre. Nil est tellement décidée à retrouver les cavaliers qu'elle finit par se perdre dans la nature. Après plusieurs tentatives d'orientation infructueuses, il faut admettre qu'il est tard et ils n'ont pas la moindre idée d'où ils sont. Le petit groupe décide de monter un bivouac pour attendre l'aube. Falnen est nerveux : il est persuadé qu'on l'observe. Vera monte le bivouac tandis que les deux Emishen surveillent les environs. Elle remarque soudain, comme surgie d'un buisson, une fillette Emishen. Elle semble s'être éveillée brutalement, comme si elle dormait dans ce buisson. Une petite branche est encore attrapée comiquement dans ses cheveux. Puis c'est un petit garçon, tout jeune, qui apparait. Tous deux sont étrangement silencieux et regardent dans le vide. Vera essaie de communiquer avec la fillette, sans succès. Elle remarque que ses cheveux bougent étrangement dans le vent, et que la branche semble arrimée à son crâne bien plus solidement que ses cheveux. Que cette branche semble faire partie intégrante de la fillette. Cette dernière produit tout à coup une sorte d'horrible grincement, un son affreux qui donne la chair de poule à Vera qui en lâche sa torche. Falnen attrape alors Vera par l'épaule et la force à reculer. "Il ne faut surtout pas les toucher !", affirme-t-il dans un souffle. Les deux enfants disparaissent dans l'obscurité.

Nil, qui était partie explorer les environs immédiats, revient sur ces entrefaites. Mise au courant de la situation, elle explique qu'il s'agit "d'esprits de la forêt" et qu'il convient de leur faire une offrande. Tout le monde constate alors que les étranges enfants mêlés de bois sont en réalité cinq ou six, tout autour du bivouac. Ésébilio, que l'horrible grincement a lui-aussi fortement effrayé, s'avance vers eux, bien décidé à faire offrande d'un de ses carnets. Mais les enfants n'ont d'yeux que pour sa lanterne, qu'ils regardent plus fascinés qu'une phalène par le lueur d'une flamme. Inquiet, le moine finit par reculer et se placer sous la protection de Falnen. Les Enfants-Arbres ont l'air assez irrités de la retraite d'Ésébilio et ils s'avancent vers lui, les mains tendues. Ils se remettent alors tous à faire l'horrible grincement et nos héros, horrifiés, en comprennent alors l'origine. Il s'agit du bruit produit par leurs mâchoires qui se déboitent alors qu'elles essaient de s'ouvrir selon un angle bien trop trop grand...
Nil, qui s'était avancée un peu plus loin que les autres, est alors attaquée par les Enfants-Arbres. Elle parvient à les repousser, mais ces derniers parviennent tout de même à la griffer. Lorsque Nil revient près d'eux, Vera remarque que Falnen a pâlit en envoyant les écorchures dont les bras d'Avant l'Aube sont désormais couverts...


Les tueurs aux visages noirs

Les méandres du Fleuve-aux-Cinq-Bras, où il est si simple de se perdre...

Après une heure d'attente angoissée, les "explorateurs" perdus dans la nuit finissent par poser leurs armes et à souffler quelque peu. Les Enfants-Arbres ne semblent pas décider à revenir. Falnen, moins épuisé que ses compagnons, monte la garde pendant que les trois autres s'endorment difficilement. Des craquements, des mouvements diffus lui laissent penser que les Enfants ne se sont guère éloignés et rôdent encore, mais ils n'approchent plus. La nuit se termine sans autre incident.
Au matin, après un point rapide sur les blessures de Nil, plus inquiétantes par la possibilité de la malédiction que par leur profondeur, les environs sont explorés dans l'espoir de trouver quelques renseignements sur ces étranges et malheureuses créatures. Tous furètent dans le périmètre de l'attaque, avant de remonter une série de trace. Les Enfants-Arbres semblent se déplacer en ligne, se touchant presque. Leurs pieds nus laissent des empreintes visibles, mais impossible d'y distinguer une quelconque marque végétale "en plus". Les traces montrent aussi que le "plus grand" semble mener la marche.
Continuant à remonter la piste, il devient clair pour Véra et Falnen, qui sont en pointe, que les Enfants-Arbres sont "sortis" d'un large buisson avant de se rapprocher du campement. Ils se sont alors séparés pour "attaquer", avant de se regrouper, peut-être à la fin de la nuit, pour revenir vers le buisson puis repartir en direction du nord-ouest : vers le Cercle Maudit, sans nul doute.
Les hypothèses fusent entre les présents. Nil et Falnen s'efforcent de répondre aux questions, souvent étranges et indélicates des deux Dirsens. Ésébilio semble nettement perturbé : lui si sérieux accorderait presque du crédit à la conviction de Nil qu'il s'agit d'esprits. Pourtant, des esprits qui laissent des traces... et surtout qui s'habillent ? Falnen confirme que les tenues des Enfants-Arbres lui paraissent être des fourrures mal préparées et mal agencées. Un travail primitif, comme l'aurait pu faire des enfants peu compétents et très mal équipés. Et certains d'entre eux n'étaient guère habillés, malgré le froid de la nuit. Les Dirsens s'interrogent sur les liens possibles entre le Cercle et les créatures, sur leur âge aussi : serait-il possible que seuls les jeunes survivent, sous cette forme, à la malédiction ? que la malédiction tuerait trop vite, sans laisser le temps aux victimes trop éloignées de revenir au Cercle ? Les Emishen, eux, se demandent d'où viennent les enfants, si ce sont, très probablement, des Liam'Lon à l'origine : ils auraient été abandonnés ? se seraient enfuis ? Il semble presque impossible qu'un groupe, même petit, se soit fait décimé par la malédiction au point qu'aucun ne puisse rejoindre une manade. Tout le monde est pensif, morose et inquiet.
Véra, en botaniste, observe le buisson avec attention. Ce sont des ronces, et pour le moins étranges. Falnen confirme que l'espèce, si c'en est une, n'est pas locale. Le roncier est très dense, avec de fortes épines d'à peine moins d'un pouce, rigide et acérées. Les Enfants-Arbres l'ont pourtant traversé sans dommages apparents... Plus étrange encore, des bourgeons sont visibles par endroit, tout comme de jeunes pousses : ce n'est pourtant pas la saison, loin de là... Ésébilio prélève avec précaution quelques branches, épines et feuilles. Il les enferme à plat dans son carnet, promu herbier. Des lambeaux de fourrures, sans doute arrachés des "vêtements" finissent aussi dans ses poches.

Satisfaits, dans une certaine mesure, de leurs découvertes et inquiets de rejoindre l'Orso au plus vite pour rassurer son capitaine, la petite troupe commence à remonter la piste des Enfants-Arbres en direction du nord-ouest. Nil est certaine que, dans cette direction, elle retrouvera aussi le bras du fleuve sur lequel est ancré le navire. Elle ne se trompe pas et, après une courte marche, un méandre se distingue entre les fourrés.
La piste continue, bientôt rejointe par des traces de sabots. Il semble alors clair pour les deux Emishen que les mystérieux cavaliers n'ont cessé de suivre Nil et ses compagnons qu'en raison de la nuit, mais qu'ils n'ont pas quitté le secteur.
Leur piste croise celle des Enfants-Arbres puis la suit. Nil suppose que les cavaliers ont d'abord cherché à retrouver les "explorateurs" puis ont changé d'avis en repérant les créatures ou leurs traces. Un bref conciliabule s'ensuit. Fatigués, affamés et inquiets, Ésébilio et Véra ne désirent rien d'autre que retourner à l'Orso. Nil et Falnen, bien que guère plus en forme, veulent suivre la piste des cavaliers - persuadés de pouvoir les rattraper et, enfin, les identifier. Qui sait, peut-être sauront-ils des choses sur les Enfants-Arbres ? Les deux Dirsen argumentent peu : le chemin pour l'Orso est clair, il leur suffit de suivre le fleuve pour rentrer. Nil et Falnen s'engagent à ne pas tarder, ou, au pire, à les rejoindre plus loin - après tout, le navire ne peut pas vraiment s'éloigner du fleuve et il devra sans doute s'arrêter au lac.
Le groupe se sépare donc, non sans un peu d'inquiétude.

Les deux Emishen suivent sans attendre la piste, désormais commune, des cavaliers et des Enfants-Arbres. Après une petite heure de marche, une odeur de feu leur parvient aux narines puis une épaisse fumée se fait voir par dessus la cime des arbres. S'ils pensent tout d'abord à un début d'incendie, Nil et Falnen se rendent rapidement compte qu'il s'agit d'un bûcher, volontaire, dont les flammes se sont propagées aux alentours. Il n'y a guère de risque pourtant que le feu s'étendent, le bois est bien trop humide en cette saison. Aux aguets, armes prêtes, ils se rapprochent. Rien ne bouge dans la clairière.
Nil repère soudain un corps, un peu à l'écart. Un Enfant-Arbre, ou ce qui l'en reste. Du petit corps en partie calciné se distingue encore les hampes des flèches.
Les traces sont vite claires aux yeux des deux chasseurs. Les cavaliers ont rattrapés les Enfants-Arbres. Ils ont chargé, sans hésiter. De leurs flèches et de leurs lances, ils ont abattus leurs victimes avant d'entasser les corps pour les brûler. Ce n'est pas une rencontre de hasard, c'est une attaque délibérée. Sur des enfants. Avec, dans les fontes des chevaux, de quoi faire partir un bûcher vite et fort. Nil et Falnen sont abasourdis par le sacrilège dont ils sont témoins. Choquée, Nil s'éloigne pour tenter de s'adresser aux esprits.
Elle n'en a pas le temps. Falnen, le visage rouge de colère, les mâchoires serrées, se lance sur la piste encore fraîche des cavaliers. Sans guère de précautions, il file sur leurs traces au milieu des bois. Nil abandonne sa prière et le suit. Il ne faut pas longtemps aux Emishen pour apercevoir les cavaliers : sept hommes et femmes montés, qui traînent derrière eux des branchages pour effacer, sans grand succès, leurs traces. Même de loin, il est clair qu'ils ne portent pas leurs tresses, que les chevaux ne sont pas marqués. Ce sont pourtant clairement des Emishen, sans grand doute des Liam'Lon. Falnen redouble d'efforts pour les doubler, sans attendre Nil qui souffle lourdement derrière. Le chasseur est déterminé à confronter ceux qu'il considère comme des assassins - et surtout à savoir qui ils sont.
Mais il est seul, fatigué, alors que ses proies sont nombreuses, montées et sans doute prêtes à tout pour rester anonymes. Falnen parvient à se dissimuler en aval de leur piste. Les cavaliers s'arrêtent à sa hauteur, circonspects. Un énorme rapace passe alors au ras de leurs têtes. Le signe des Esprits est clair, l'occasion est belle : le chasseur se lance contre la cavalière la plus proche, la démonte d'un coup d'épaule et se hisse à sa place.

Il volte immédiatement et lance le cheval dans une course éperdue, les cavaliers mystérieux sur ses talons. L'attaque a été si vive que Falnen a à peine pu remarquer les visages peints de noir de ses adversaires. Il talonne son cheval alors qu'une poursuite s'engage. A travers les bois, puis les collines, puis à nouveau les bois, Falnen comme ses poursuivants ne ménagent ni eux-même, ni leurs montures. La distance commence à peine à se creuser quand Nil se retrouve sur la piste. Elle plonge dans les buissons pour s'y dissimuler mais n'est pas assez vive. Un des cavaliers aperçoit le mouvement et s'arrête.
Il fouille l'orée des bois du regard. Nil ne bouge pas alors qu'il encoche une flèche. Elle se plante dans un tronc pas bien loin de la guerrière. Le cavalier approche, tirant flèche sur flèche pour immobiliser sa cible. Nil attend, se ramasse sur elle-même. Un appel de corne depuis l'Orso, pas si loin, trouble le cavalier. Nil saisit l'opportunité et bondit. Lance en pointe, elle fonce vers son adversaire.
Une flèche la cueille en pleine course. La poitrine transpercée, Nil s'écroule et perd conscience.

Plus loin, Falnen s'épuise à relancer son cheval. L'appel de corne le galvanise. Il jette ses dernière forces dans la course pour déboucher sur la plage. L'Orso est là, à quelques centaines de mètres. Les cavaliers sont sur ses talons. Le plus rapide surgit de sa droite, lance au poing. La route vers le navire est coupée. Falnen s’apprête à se défendre tant bien que mal mais le lancier s'écroule. C'est Bartolome qui vient de réussir un splendide tir d'arbalète, plantant son carreau dans une cible presque hors de sa portée. Falnen gagne encore quelques foulées mais il n'en peut plus. Deux autres cavaliers le rattrapent. Un nehril s'abat sur son front. Le chasseur s'écroule.

L'équipage de l'Orso a réagi vivement à l'arrivée des cavaliers. Des hommes ont sauté dans le canoë et s'activent vers la rive. Adira menace, de toutes ses forces et dans un langage fleuri, les cavaliers qui s'approchent. Des flèches et des carreaux commencent à pleuvoir vers la plage. Ramassant leurs blessés, les cavaliers renoncent à achever Falnen et s'enfuient. Mais Nil est désormais portée manquante...


La Manade de la Côte

Vera panse les blessures de Falnen avec efficacité. Bien qu'encore sous le choc, Traque-les-Ours est prêt à escorter les Talendans là où il pense avoir laissé Nil. Tout le monde se met en route, Vera mène la marche et le pauvre Esebilio est bien vite distancé. Vera, Bart' et Falnen passent sur les lieux où les Enfants ont péri par les flammes, mais ne s'arrêtent pas et arrivent près de l'endroit où ils espèrent trouver Nil. Ils ne trouvent qu'une lance brisée : visiblement les tueurs masqués voulaient humilier leur adversaire. Élargissant leur zone de recherches, les Talendans finissent heureusement par retrouver un une Nil inconsciente, mais vivante. Vera fait à nouveau des miracles en soins et Avant-l'-Aube reprend connaissance et un peu de sa contenance. C'est alors qu'un bruit de cavalcade se fait entendre. Le petit groupe se dissimule sous le couvert des arbres tandis que Bartolome s'approche pour voir les cavaliers. Il constate avec soulagement qu'ils portent des couleurs qu'il reconnait : ce sont des membres de la Manade de la Côte, menés par une femme qu'il ne connait pas. Un cavalier transporte un curieux paquet, posé comme un vulgaire sac à patates en travers de la croupe de sa monture : c'est Esébilio, que les Emishen ont pris en stop d'une bien curieuse façon ! Et comme Bart' commence à en avoir l'ennuyeuse habitude, le meneuse des cavaliers le toise en faisant une moue digne d'un client d'une auberge chic qui viendrait de trouver une mouche dans son potage. "Et mince, de quoi va-t-on encore m'accuser cette fois-ci ?" se demande intérieurement Bart...

Et il ne s'était pas trompé. Il faut l'intervention de Traque-les-Ours et Avant l'Aube pour dissiper le malentendu et éviter que les Talendans ne se voient accusés d'avoir tué les enfants. Mais cela ne suffit pas à calmer leur cheffe, Retour-du-Matin. Cette dernière n'est autre que la femme du chef de la Manade de la Côte, Cimier Verdoyant, apprend Bartolome. Le Kerdan remarque également une figure familière, celle d'un vieil Emishen : c'est Coutelas-d'Ivoire, le seul Liam'Lon qui avait pris leur défense, à Dario, Herle, Nadine, Maliam et lui lorsqu'il avait été accusés d'avoir commis un massacre à la place du sorcier Urgrand, lors d'une précédente aventure. Bart n'a pas le temps de saluer son ancien compagnon, car Retour-du-Matin n'a pas l'air spécialement heureuse de voir des Dirsen au beau milieu de son territoire. Plus embêtant, la voilà qui reproche à Bart' d'avoir ouvert Écume 7 au commerce en mettant les guirlandes "pièges à vent", sans avoir attendu l'arrivée de la Manade. Car visiblement, Retour du Matin vient de se taper l'aller-retour à Écume 7 pour le trouver fermé. Et ça l'agace. Bart' maudit en son fort intérieur ce crétin de Mil'orind qui avait installé les pièges à vent, et réalise que ces derniers fonctionnent vraiment bien, puisque les Liam'Lon les ont d'une certaine façon "entendu" à plusieurs dizaines de kilomètres de distance... Quoi qu'il en soit, Retour du Matin entend parlementer avec "Outre-Feu" afin de régler les conditions de sa présence ici. Tout le monde convient de retourner auprès de l'Orso pour y mener les négociations. Là, Bart' réalise que les négociations vont être compliquées. Retour du Matin semble être une personne tout à fait différente d'Œil-des-Lacs, la maîtresse du négoce de la Manade de la Côte et son contact auprès du Clan. Retour du Matin semble être bien plus stricte sur le respect des traditions et des formalités. Bartolome tente d'expliquer que Œil-des-Lacs l'a invité à se rendre à la Croisée des Pistes, visiblement l'invitation n'a avait pas l'air de comprendre le droit de passage...

Traque-les-Ours et Avant-l'Aube font ensuite récit de leurs aventures et de leur affrontement avec les mystérieux tueurs aux visages noirs. Bart' en profite pour poser des questions sur cette "malédiction" qui transforme les gens en arbres. Visiblement, la Malédiction de l'Écorce n'est pas récente mais existe depuis des générations. Différents traitements ont été essayés, y compris par les Chaman, mais aucun n'a fonctionné jusqu'à présent. Personne ne sait d'où viennent les Enfants-Arbres, que les Liam'Lon appellent "les Rejetons". Plus inquiétant, leur nombre semble croitre depuis quelque mois. Pourrait-il s'agir d'enfants enlevés ? Retour-du-matin n'en sait rien, mais ce qui est certain c'est qu'aucun clan n'a, à sa connaissance, reporté d'enlèvement d'enfants ou d'enfants perdus. Retour-du-matin fait alors mention d'un évènement étrange. La Manade de la Côte a en son sein une sorte, disons, d'"artisan-mystique" qui travaille le bois. Bercé-par-les-Esprits (c'est son nom) a été adopté par Cimier Verdoyant et Retour-du-Matin, "parle" avec les Esprits, ou plus précisément est visité par les Esprits. Et un jour qu'on lui rapportait du bois, il a compris que ce bois était en quelque sorte "infecté" par un Esprit lupin. A cette référence, Bart' ne peut réprimer un frisson : ce n'est pas loin d'ici qu'il a affronté Urgrand, dont la mort a "libéré" Chacal. Les dates du début de l'augmentation du nombre de rejetons et celles de la mort d'Urgrand sont bien trop proches pour que cela ne soit qu'une simple coïncidence...

Après toutes ces révélations, il est convenu que les Talendan accompagnent les éclaireurs de la Manade à quelques kilomètres au nord-est, vers un Cairn où le reste de la Manade s'est installé et où Œil des Lacs se trouve. Au passage, Bart' comprend que Traque-les-Ours n'est autre que le propre fils d'Œil-des-Lacs ! Le monde est petit... ou les familles Emishen sont grandes. En plus, une fois arrivés au cairn, ils devraient pouvoir goûter au supposément fameux "ragoût éternel", un ragoût de viande qui mijoterait depuis plusieurs générations.

Pendant ce temps sur le navire, Vera surprend Esébilio en train de bricoler un bien étrange appareil. Elle ne sait d'ailleurs pas comment le qualifier, ce bidule, mais cela ressemblerait à une sorte de "cornemuse à bougies" : un ensemble de soufflets et de tubes contenant une sorte de lanterne en son cœur. Vera se dit que le moine a des jouets bien étranges, mais le laisse à son travail. Il faut dire qu'on s'apprête à appareiller : l'Orso va être guidé par la Manade jusqu'au cairn. Mieux que guidé, en fait : tracté.

Au Cairn

Au cairn, la Manade de la Côte s'est installée : de nombreuses yourtes ont été assemblées au centre du cairn, formant une sorte de tente géante. Traque-les-Ours et Avant l'Aube ont le plaisir de retrouver une amie et Sentinelle de l'Orage : Chêne des Anciens. Le neveu de cette dernière, Éclat de Glace, qui les avait accompagné à la recherche de Nevel, est également au cairn, mais il est, euh... gardé un peu à part des autres. Et il a changé de nom, aussi : désormais, on l'appelle Éclat de Bois. En effet, lors de la traversée de la vallée des Ossements, le jeune homme avait dû être amputé d'un bras. Et depuis, ce fameux artisan, Bercé-par-les-Esprits, lui a fabriqué une sorte de prothèse en bois. Et la prothèse, tout aussi incroyable que cela paraisse, semble fonctionner. Éclat de Bois/de Glace serait apparemment capable de tirer à l'arc avec son bras en bois. Inutile de dire que le reste du Clan trouve cela plus qu'étrange et que le jeune guerrier est traité un peu comme un paria.

Avant l'Aube entreprend alors de présenter les membres de l'expédition à Chêne des Anciens, et la petite troupe s'installe dans une yourte pour discuter. Bart' fait état de ses inquiétudes aux autres : il raconte la mort d'Urgrand, et comme Herle a vu la forme spirituelle de Chacal quitter le corps du sorcier Sylvain. Ne pourrait-il pas avoir été attiré comme par un aimant par le Cercle Maudit, et s'être mis à répandre son influence maléfique sur toute la région ? Avant l'Aube prend alors la parole d'un ton grave, pour résumer ce que Chêne des Anciens et elle ont vu dans la vallée des Ossements. Elles ont croisé la route de la meute d'une vieille ennemie de Tal Endhil, Etayn-la-Louve. Cette dernière avait semble-t-il trouvé le moyen d'être fécondée par Chacal a accouché de son "enfant", le Fils du Chacal, l'Enfant-démon. La fécondation fut rendue possible par un rituel permettant au Chacal de prendre une forme suffisamment solide, rituel impliquant le sacrifice d'une soixantaine de personnes... Et ce n'est pas tout : Avant-l'Aube évoque alors ce qu'elle appelle le Dieu du Fleuve, une créature gigantesque vivant dans les méandres du Fleuve aux Cinq Bras et ressemblant à une version géante des étranges "anguilles à piquants" que Vighnu a aperçu près d’Écume 7. Pourrait-il s'agir du "dragon" dont certaines cartes Kerdanes évoquent la présence près du détroit des Griffes ? En tout cas, Etayn-la-Louve communique avec cette créature, au point de pouvoir la monter : Avant-l'Aube l'a vue de ses yeux circuler sur le fleuve à dos de dragon...

Pendant que les Talendans se demandent s'ils doivent vraiment s'aventurer dans cette zone maudite pour y visiter le Pays des Gens de Pierre, Traque-les-Ours se rappelle à voix haute ses expéditions dans la zone interdite où, encore enfant, il se rendait par bravade. Il entendant alors derrière lui un toussotement légèrement réprobateur qu'il ne connait que trop bien : celui de sa mère. Il se lève pour embrasser avec effusion Œil-des-Lacs, qui vient d'entrer dans la yourte. Bart salue également avec amitié la maîtresse du négoce de la Manade. Rapidement, Œil-des-Lacs est au courant des aventures et des interrogations de l'expédition. Elle trouve toutefois le temps de discuter affaire avec Bartolome. Elle lui remet cinq défenses de morse, soit plusieurs kilos d'ivoire. Cela ne couvre toutefois pas encore ce qu'elle doit à Bartolome, et Œil-des-Lacs explique que la meilleure source d'ivoire sera un clan qui vit loin au nord, dans les Monts Décorés, avec qui elle a été en contact récemment. Bartolome se demande s'il ne s'agit pas de la tribu que son aïeul Arenzio Sotorine avait croisé loin au nord. Les Carnets d'Arenzio mentionnent que l'intrépide navigateur avait trouvé un havre pour la Frontosa au sein d'un réseau de grottes immergées, mais que sa rencontre avec les locaux s'était visiblement mal déroulée. Œil-des-Lacs confirme : à vrai dire, les locaux s'en souviennent encore et lui en ont parlé. Visiblement, le passage d'un navire aux voiles oranges a laissé des traces. Œil-des-Lacs demande alors à Bartolome si son expédition a prévu de passer par les Monts Décorés et si elle peut se joindre à eux. Elle pourrait alors alors négocier directement l'ivoire et lui payer ce qu'elle lui doit. Bartolome accepte immédiatement. Œil-des-Lacs demande aussi à Bart' s'il a des nouvelles de Tael Shannan. Le barde est sensé les rejoindre à la Croisée des Pistes et elle pensait qu'il viendrait avec eux, mais Bart' explique que l'Orso était complet.

Pour essayer d'en apprendre plus sur la malédiction de l'écorce, le groupe se rend sous la yourte de Bercé-par-les-Esprits. Ils le trouvent en compagnie d'Éclat de Glace, semblant étudier le fonctionnement de sa prothèse. Bercé-par-les-Esprits est un Emishen affecté de différentes difformités physiques, il est en particulier bossu. Toutefois, les Protagonistes sont estomaqués de voir la prothèse qu'il a crée en action. Alors qu'il ne s'agit en apparence que d'un simple morceau de bois, même pas articulé, avec ce qui ressemble à une pince grossière en guise de main, Éclat de Glace vient de réussir avec un superbe lancé de couteau... Une discussion franche s'installe avec l'artisan lorsque Bart lui parle de sa vision d'un "esprit lupin" dans le bois. Bercé-par-les-Esprits explique que les Esprits lui envoient parfois des rêves, des visions. Et parfois, il y a des loups dans ses visions. Il a ainsi rêvé d'un "apprenti-Chaman" qui allait dans le Grand Nord (en tout cas, dans un endroit enneigé) avec deux loups. En parallèle, il a eu des visions d'un autre loup, dont il sait qu'il n'est pas vraiment un loup. Quant à la "malédiction" du bois, pour Bercé-par-les-Esprits, c'est un comme si le loup avait pissé dessus (spirituellement parlant). Il a compris cela après une série d'incident impliquant des objets faits avec le bois provenant de cette "forêt maudite". Par exemple, il avait fabriqué une lyre, que son propriétaire lui a rendu après quelques jours parce qu'elle lui faisait faire des cauchemars. Et lorsque les Talendans lui posent la question, c'est un Bercé-par-les-Esprits un peu gêné aux entournures qui leur avoue que oui, la prothèse de bras d’Éclat de Glace est bien faite de ce bois... Avant l'Aube et Traque-les-Ours commencent alors à interroger le jeune guerrier.
"Tu ne ferais pas des rêves bizarres, depuis que tu as ce bras en bois ? Des rêves de loup ou de chacal ?
- Euh... Si... Mais ce n'est pas grave, il n'est pas si méchant que ça.
- Pas si méchant ? Chacal ?
- Ben non, il m'a dit que si j'allais ouvrir une porte, près du Pays des Gens de Pierre, alors il me rendrait mon bras. J'ai dit oui, et c'est vrai, il remarche mon bras..."
Les Protagonistes en restent les bras ballants et ne savent plus comment regarder le jeune Éclat-de-Glace et son bras animé. En tout cas, ils sont décidés à se rendre sur place pour comprendre ce qui se passe et, qui sait, vaincre la malédiction de l'écorce.

Nos Protagonistes se rendent alors sous la grande yourte afin de plaider leur cause auprès de Cimier Verdoyant. Ils sont accompagnés de Bercé-par-les-Esprits et de Coutelas d'Ivoire, qui ne les a pas quitté. Bart' est le porte-parole du groupe, aidé d'Islinna, de Couteau d'Ivoire et d'Avant l'Aube (qui se pose en garante du respect du Hagad par les Dirsen en goguette). Bart' essaie d'expliquer que le Loup Efflanqué est un ennemi commun, et qu'un groupe mêlant Dirsen et Emishen est le plus à même de résoudre le problème. Cimier Verdoyant n'a pas l'air très convaincu, et semble plus préoccupé par le fait qu'il est tard et qu'il irait bien se pieuter. Esébilio explique alors qu'il dispose d'une arme capable de repousser les Rejetons et d'éviter d'être contaminé : la fameuse "cornemuse à bougies" serait en fait une arme... Il propose alors une démonstration et sort de la yourte. Il allume la bougie, actionne les soufflets... et sortent alors de la bouche de l'appareil quelques flammèches faméliques. Les Liam'Lon qui l'avaient accompagnés rentrent dans la yourte en haussant les épaules. Cimier Verdoyant s'apprète alors à congédier tout le monde. De rage, Esébilio frappe sa cornemuse à bougie : tout à coup, des flammes immenses en sortent, projetant des ombres impressionnantes à l'intérieur de la yourte ! Des "ooohhh" admiratifs saluent la prestation du Brasain, et Bartolome en profite pour réaffirmer ses arguments. C'est en réalité plus par lassitude que par conviction que Cimier Verdoyant finit par donner aux Dirsen l'autorisation d'aller au Pays des Gens de Pierre. Et tout le monde peut enfin aller se coucher, alors qu'une pluie battante, presque une petite tempête, commence à tomber sur le Cairn.

Dans la forêt maudite

Le lendemain, après une mauvaise nuit, trois canoës prennent le chemin du Pays des gens de Pierre, laissant l'Orso amarré près du cairn. Le canoë de tête emporte Bart' et Traque-les-Ours, qui donne la direction. Derrière, Chêne-des-Anciens, Éclat de Glace, Ésébilio, puis Vera et Avant-l'Aube, suivent dans deux canoës. La trajet est rendu désagréable par les averses à répétition, mais la petite file de canoës avance à un rythme soutenu. Le paysage change petit à petit lors de la traversée de cette zone marécageuse. Bart' constate bien vite que même s'il est déjà venu dans les environs, il ne reconnait absolument rien. Certes, la saison était différente, le temps plus clément, mais une telle différence l'étonne. De plus, tout le monde remarque l'absence de bruits d'animaux : la forêt est étrangement silencieuse. Vera, qui observe plus particulièrement la végétation sur les berges, remarque la présence de ronces comme celles qu'elle vu lorsqu'elle rencontré les Enfants-Arbres. Malgré cet environnement inquiétant, nos Protagonistes atteignent en début d'après-midi le petit lac qu'ils savent être proche du Pays des Gens de Pierre. Ils traversent le lac et sur sa rive est trouvent un lieu propice à un bivouac. Avant-l'Aube prépare un feu, Vera et Traque-les-Ours font un tour des environs pour sécuriser les lieux, et Bart' prépare un petit frichti pour tout le monde. Tout en mâchouillant du saucisson, on discute de la façon la plus simple d'atteindre le Pays des Gens de Pierre, où Traque-les-Ours voudrait poser le camp pour la nuit. C'est alors que Chêne-des-Anciens demande "Mais au fait, il est où Éclat de Bois ? Il était pas parti chercher du bois pour le feu ? "

Sans plus attendre, Chêne, Traque-les-Ours se lancent à sa poursuite, suivis de peu de Vera qui prend juste le temps d'attraper son arbalète. Les trois autres restent au bivouac. Les deux Emishens trouvent bien vite une piste, pas trop difficile à suivre, au milieu des buissons de ronces. A vrai dire, on croirait presque que les ronces se sont écartées pour laisser passer Éclat de Bois... Alors qu'ils s'enfoncent dans la forêt, rapidement des hurlements de loups de font entendre. Tout le monde est au aguets... et ils entendent pas très loin la voix d'Éclat de Bois, qui leur crie "Attention, il y a des loups !" Traque-les-Ours dit à Vera de retourner au bivouac pendant que Chêne et lui poursuivent dans la direction des cris d'Éclat de Bois, et Vera tourne les talons. Malheureusement, Vera n'a pas fait cinquante pas qu'elle comprend qu'elle est poursuivie par les loups ! Elle se met à courir de façon effrénée en direction du bivouac. Elle croit un moment avoir échappé aux loups, lorsqu'elle voit un loup la dépasser par le côté. Elle est en train de se faire enfermer dans une nasse ! Les loups se jettent alors sur leur proie, mais Vera parvient in extremis à grimper dans un arbre, tandis qu'un loup lui arrache une botte.

Pendant ce temps, Traque-les-Ours et Chêne suivent Éclat de Bois. (à compléter)

Détail des méandres du Fleuve-aux-Cinq-Bras et, en plus sombre, l'étendue de la "Forêt Maudite" (carte dressée par Esébilio le Brasain à partir de celle de Nadine "la Moucheuse"):
A - Mer Cernée, B - lac des Eaux Noires, C - côte du Golfe Cinglant / 1) Pays des Gens de Pierre, 2) Cercle Maudit, 3) Cairn des marais, 4) Première rencontre avec les "Rejetons de la Forêt", 5) Massacre des rejetons et altercation avec les "cavaliers aux visages noircis"

Au bivouac, Ésébilio, Avant-l'Aube et Bart attendent avec inquiétude le retour de leurs compagnons. Bart' entend des cris, et le hurlement de loups : c'est Vera qui semble appeler à l'aide ! Sans réfléchir, et malgré les protestations d'Avant-l'Aube qui voudrait rester sur un terrain défensif, Bart' se précipite au secours de sa quartier-maître. Ésébilio demande timidement si on ne devrait pas aller aider le capitaine, et une Nil agacée est bien obligée d’acquiescer. Tous les trois finissent par retrouver Vera en haut de son arbre, entourée d'une bonne dizaine de loups, dont un semble clairement être le mâle alpha. Avant-l'Aube s'avancent discrètement au milieu des ronces en visant ce dernier, mais ses deux compagnons ne lui laissent pas le temps d'ajuster son tir : ils déboulent comme deux chiens dans un jeu de quilles et se font immédiatement repérer. Bart', épée et bouclier en main, regarde Ésébilio et sa "cornemuse à bougie".
"Et ça s'appelle comment ton machin, au fait ?
- Un briquet infernal", répond Ésébilio avec un sourire. Et comme les loups s'approchent, il déclenche sa machine, justifiant immédiatement auprès de Bart' l'emploi de l'adjectif "infernal". C'est un torrent de flammes qui se déverse sur les loups, qui fuient immédiatement sans demander leur reste - d'autant plus qu'Avant-l'Aube vient de décocher un trait sur l'alpha. Toute la végétation aux alentours prend feu, y compris la base de l'arbre où se trouve Vera. Bart' remarque que le feu est en réalité une sorte de feu grégeois, et qu'il sent curieusement la genièvre. "Je crois savoir quelle est la base de la recette d'Ésébilio" se dit Bartolome en se remémorant son expérience avec l'alcool de genièvre Liam'Lon, qui lui a valu son surnom d'Outre-Feu. Vera descend souplement de l'arbre et tout le monde retourne au camp.

Lorsque Chêne-des-Anciens (couverte d'entailles) et Traque-les-Ours rejoignent finalement Bart', Vera, Ésébilio et Avant-l'Aube, c'est pour annoncer que "les loups ont enlevé Éclat-de-Glace !" Ce qui n'est hélas pas le seul problème puisque, pendant qu'on secourait Vera, le bivouac a été pillé : les canoës ont disparu, les sacs ont été retournés et leur contenu en partie volé. Volé un peu au hasard apparemment : il reste un peu de tout... Examinant le bivouac, les pisteurs ne tardent pas à découvrir de petites empreintes de pieds nus : les voleurs sont plus que probablement des Rejetons. Bart' et Vera entreprennent de faire le tour du bivouac pour ramasser ce qui est récupérable. Ils retrouvent ainsi quelques vivres, la précieuse lanterne d'Ésébilio, un peu d'alcool de genièvre, des couvertures et des pagaies. Ésébilio s'empresse d'empocher l'alcool, afin de servir de carburant à son Briquet Infernal, qu'il entreprend de remettre en état. Pendant ce temps, Nil et Falnen cherche les canoës. Ils les retrouvent... au fond du fleuve. L'un a été déchiré sur toute sa longueur, et dérive un peu au loin. Un autre gît au fond de l'eau. Falnen et Nil se jettent à l'eau, et parviennent à en récupérer deux. Ils sont toutefois très endommagés et Bartolome doit passer du temps, armé d'un nécessaire à couture, pour les rendre à nouveau opérationnels. Un débat à lieu entre nos Protagonistes sur la marche à suivre. Avant-l'Aube souhaitait traquer les loups pour retrouver Éclat-de-Bois, mais le reste du groupe préfère continuer à remonter le cours d'eau droit vers le Pays des Gens de Pierre. En effet, c'est là qu'en songe, Chacal a dit à Éclat-de-Bois qu'il devait se rendre pour "ouvrir une porte". Tout le monde se prépare à embarquer, mais Vera ne veut pas partir sans ses herbes médicinales et son Chiro et elle a entrepris de fouiller les abords du bivouac à la recherche du reste du matériel de l'expédition. Bart' se résout à l'aider, et bien leur en prend. Outre le précieux Chiro et le nécessaire à premiers soins, on retrouve le matériel de cartographie d'Ésébilio, l'arc de Traque-les-Ours, des flèches et des carreaux, ainsi que la lance brisée d'Avant-l'Aube. Guidé par Traque-les-Ours, le groupe peut enfin se mettre en route, pagayant en direction du nord et du Pays-des-Gens-de-Pierre.

C'est la fin d'après-midi lorsque Falnen indique le point où il va falloir bifurquer. Sur le rive nord du Fleuve, à quelques heures de marche et sur une hauteur, il y a le Cercle Maudit. Sur la rive sud, pas très loin non plus, c'est le Pays des Gens de Pierre. Un petit cours d'eau remonte dans sa direction. Ce dernier est trop peu profond pour être remonté en canoë, mais il donne une direction claire. Plus étonnant, tout autour du cours d'eau, la nature semble avoir repris ses droits : on entend à nouveau le vrombissement des insectes et le chant des oiseaux. Mais dès qu'on s'éloigne de plus d'une dizaine de mètres de la rive du ruisseau, d'épaisses ronces noires forment presque une muraille. Les ronces semblent en fait enserrer d'un anneau le Pays des Gens de Pierre, et le ruisseau qui coule depuis ce dernier semble être la seule trouée praticable dans cette épaisse muraille végétale. Plus étonnant, Avant-l'Aube repère, posée sur un rocher comme une offrande, sa gourde. Celle qui lui vient de lui être dérobée au bivouac. Pensant que les Rejetons lui ont laissé là à dessein, Avant-l'Aube la remplit de l'eau claire du ruisseau qu'elle boit à grandes gorgées. Ainsi rassérénée, elle remplit à nouveau sa gourde qu'elle tend à Bart : "Tu as l'air épuisé. Bois donc un coup". Même si ses aventures avec Herle l'ont plutôt habitué à boire des boissons fortement alcoolisées en cas de coup de mou, Bart se laisse tenter. Et effectivement, la fatigue qui le tiraillait après ces heures de canotage s'évanouit en partie. "Et bien dis-donc, elle est bonne ton eau !" s'écrie-t-il tout étonné.

Ésébilio est pressé de questions concernant ce Pays des Gens de Pierre qu'il souhaite tant visiter. D'humeur explicative, le Brasain se lance dans une longue digression sur la nature de l'endroit. Construction des Premiers sans nul doute, situé approximativement dans le prolongement de la Grande Chaussée, Ésébilio est persuadé qu'il pourrait s'agit là d'une sorte d'avant-poste de la légendaire Citadelle Boréale. Pendant ce temps, Bart et Falnen cherchent un endroit où mettre les canoës à l'abri : le ruisseau étant trop peu profond, il va falloir continuer à pied et il est hors de question que les Rejetons ne coulent à nouveau les seules embarcations de l'expédition. Cherchant un arbre aux hautes branches, Bart repère un magnifique spécimen dans la forêt, un peu plus loin. Il est grand pour un pin. Mais est-ce réellement un pin ? Bart se gratte la barbe en se maudissant de ne pas le reconnaître. Il interroge Vera, qui est catégorique : ils sont en présence d'un jeune arbre-ancêtre ! Arbres-ancêtres qui sont la raison profonde pour laquelle cette expédition a été organisée : la famille Melangoline cherche le mythique "passage du nord-ouest" parce qu'elle recherche une route alternative pour atteindre les réserves d'arbres-ancêtres des Sylves. Voilà une découverte qui ouvre des perspectives, et qui explique pourquoi Avant-l'Aube était si réticente à ce qu'ils traversent ce que les Liam'Lon appellent la Forêt des Grands Pins... ce sont pas des grands pins.

Arme au poing et aux aguets, tout le monde commence à remonter le cours du ruisseau. Alors qu'ils avancent, ils commencent à repérer la présence de loups autour d'eux. Présence qui se fait de plus en plus forte au fur et à mesure qu'ils avancent. Au bout d'un moment, les loups s'organisent et forment une ligne qui leur barre le passage. Derrière eux, on peut distinguer l'entrée du vallon que Bart sait être le Pays des Gens de Pierre. Les Talendans se mettent eux-aussi en formation : Traque-les-Ours, Chêne-des-Anciens et Bart ont sortis leurs boucliers, formant un rempart protégeant Vera (et son arbalète) et Ésébilio (et son briquet). Derrière, Nil sert d'arrière garde. Criant, frappant sur leurs boucliers, la petite troupe avance, faisant reculer la meute. Ce petit jeu dure un moment, avant que les Talendans ne comprennent en réalités les loups de reculent pas : ils se placent en position d'attaque. Légèrement en arrière, un loup plus massif que les autres : c'est l'alpha que Chêne et Traque-les-Ours ont déjà affronté.
Mais Avant-l'Aube le reconnait aussi : ce n'est autre que l'hôte actuel du Loup Efflanqué. Ils sont face à Chacal...

Le Pays des Gens de Pierre

Devant la menace, Avant-l'Aube tente un coup de bluff : elle s'avance en direction de Chacal, cherchant à provoquer le chef. Mais sa manoeuvre, au lieu de déstabiliser la meute, renforce sa motivation : les loups s'appuient sur leurs pattes arrière, en position d'attaque ! Un frisson parcours nos Protagonistes : ils sont en sous nombre et pas très en forme. Bart se rapproche de Vera pour la couvrir de son bouclier, Traque-les-Ours fait de même avec Ésébilio. Mais juste avant que les loups ne bondissent à l'attaque, Ésébilio les devance en déclenchant son Briquet Infernal en direction de Chacal. Le torrent de flammes qui se déverse est impressionnant. Chacal prend instantanément feu, tout comme deux loups qui se trouvaient sur la ligne de tir. Les autres prennent immédiatement leurs pattes à leur cou. Le combat est terminé avant même d'avoir commencé...

Le loup possédé par Chacal pousse des cris suraigus, et une sorte de fumée extrêmement étrange se met à sortir du corps, formant une sorte de tourbillon. Bartolome reconnait le phénomène dont il avait été témoin lors de la mort d'Urgrand. Pas trop rassuré, il demande à tout le monde de dégager et se met à courir vers le vallon dont l'accès est désormais libre. Les autres le suivent, seule Avant-l'Aube reste un peu en arrière a regarder l'étrange colonne noire qui s'est élevée dans le ciel. Elle murmure alors une prière à l'Esprit Faucon. C'est alors qu'elle voit passer dans le ciel la silhouette d'un rapace. Ce dernier croise la colonne de fumée, qui disparait alors soudainement. Pour Avant-l'Aube il n'y a pas de doute : l'esprit Totem a chassé le Démon !

Carte du Pays des Gens de Pierre. Au centre, les ruines et le bassin, d'où s'écoulent deux ruisseaux. La tour la mieux conservée se trouve juste au nord du bassin. L'allée des statues est à l'est des ruines.

Remontant toujours le ruisseau, la petite troupe entre alors dans le vallon. Une centaine de mètres plus loin se trouvent les ruines que Bart a déjà contemplées, entourées d'une végétation incroyablement luxuriante. C'est de là d'où coule le ruisseau. Devant ces ruines, formant une sorte d'allée, il y a huit piédestaux, dont cinq supportent encore une statue plus ou moins complète : un guerrier Hornois en armure, la partie inférieure d'une personne en robe, un archer, une femme tenant une sorte de vase et un vieillard. Passant entre les vénérables statues, les Talendans pénètrent dans les ruines, d'autant plus vite qu'ils entendent la voix d'Éclat-de-Glace qui appelle à l'aide. Ce dernier se trouve dans un coin des ruines, sa "main" de bois accrochée dans un entrelacs de bois. Il faudra que Traque-les-Ours et Chêne-des-Anciens bûcheronnent pendant de longues minutes pour dégager le malheureux de sa prison sylvestre. Éclat-de-Glace raconte ce qui lui est arrivé. Il se souvient aider Chêne-des-Anciens à chercher du bois pour le bivouac, puis il s'est comme "réveillé" au milieu des loups. Malgré l'intervention de Chêne et de Traque-les-Ours, les loups l'ont traîné par la jambe comme une vulgaire proie. Puis il s'est retrouvé devant Chacal qui lui a parlé, directement dans sa tête. Il lui a laissé le choix entre continuer à être trainé de la sorte, ou bien les suivre bien gentiment. Éclat-de-Glace a accepté, et s'est retrouvé ici, où Chacal a coincé son bras de bois dans ces branchages. C'est alors que les Talendans sont arrivés et que Chacal a eu plus urgent à régler.

Pendant ce temps, les autres examinent les ruines. Bart s'intéresse au grand bassin qui se trouve en leur centre. C'est de ce bassin, qui ressemble à une sorte de piscine ou de bain (des marches permettent d'ailleurs d'y descendre) que coule le ruisseau qu'ils ont remonté. L'eau du bassin est parfaitement claire. Tout le monde s'y abreuve... et peut constater que la fatigue s'évanouit instantanément. Il n'y a plus de doute sur le fait que cette eau est "magique". Avec ses connaissances archéologiques, Ésébilio arrive à dater approximativement l'endroit. Selon lui, les ruines évoquent indubitablement l'architecture d'une halte routière Hornoise, remontant à ce que le Brasain appelle le Royaume Solaire et datant probablement d'il y a quatre à huit siècles. Ce mystérieux Pays des Gens de Pierre serait en fait, de manière terriblement prosaïque, une sorte d'auberge qui se trouvait à proximité immédiate de la Grande Chaussée.

La partie la mieux conservée des ruines, si l'on excepte le bassin, est la tour nord. En faisant le tour, Ésébilio remarque une porte sur son mur est. L'accès menant à la porte est difficile et Falnen doit dégager partiellement les nombreuses pierres qui en obstruent l'accès. Pourtant, la porte est en bon état et semble être fermée par une sorte de "serrure à code". Il s'agit probablement de la fameuse porte que Chacal désire tant ouvrir. Traque-les-Ours fait le tour complet de la tour et remarque deux autres accès potentiels. Au nord, une large fissure au niveau du sol, mais obstruées par de gigantesques blocs de granit devant peser plusieurs tonnes et sur le mur sud, une fissure non obstruée mais située à plusieurs mètres de hauteur (au niveau du deuxième étage, probablement). Aidé par Bartolome qui lui fait la courte échelle, Traque-les-Ours parvient à escalader le mur extrêmement lisse et à se hisser au niveau de l'ouverture. Il pénètre dans la tour et constate que l'intérieur est aussi en ruine. Les planchers ont disparu, seul reste celui entre le rez-de-chaussée et le premier, et il est couvert diverses pièces de maçonnerie. Aucune ouverture permettant d'accéder au rez-de-chaussée n'est visible. Et comme la nuit vient de tomber, Traque-les-Ours est contraint d'observer les lieux à la leur de sa lanterne, ce qui ne facilite pas son exploration.

Les Protagonistes se réunissent autour d"un bivouac pour discuter de leurs découvertes. Cette histoire de "source magique" rappelle des histoires à certains. A la Mine Bénie, une telle source avait été remarquée près de la chapelle consacrée à Herem. Elle était en fait provoquée par la présence du sarcophage de pierre, et ses propriétés "magiques" ont disparu du jour où le Sarcophage a été évacué. Tout ceci évoque à Avant-l'Aube les légendes concernant son aïeule Caenniel Ghaeld ("Tresses-Innombrables"), qui était réputée posséder un lit de pierre magique qui aurait été perdu. Si ce lit possède les mêmes propriétés que le sarcophage qui avait permis à Urgrand de ressusciter certains de ses alliés Kormes, cele expliquerait pourquoi l'eau des ruisseaux est si revigorante...

Pendant la nuit, Traque-les-Ours, Bart et Avant-l'Aube se succèdent au sommet de la tour pour monter la garde. Au petit matin, pendant le tour de garde d'Avant-l'Aube, cette dernière remarque, juste au nord du fort, un Enfant-Arbre qui semble lui faire signe. Descendant de son perchoir, elle réveille le bivouac. Puis elle s'approche de l'enfant qui commence à s'éloigner lentement, comme s'il voulait l'emmener quelque part. Elle tombe rapidement sur des traces de chevaux non ferrés... les tueurs aux visages noirs seraient-ils de retour ? Effectivement, suivant les traces qui contournent largement la Halte Hornoise, Avant-l'Aube aperçoit le début d'un incendie ! Tout le monde au bivouac s'arme et se prépare au pire, mais Avant-l'Aube insiste pour partir seule en avant et essayer de négocier. Malgré leurs réticences, le reste du groupe accepte. Avançant les mains bien en vue, Avant-l'Aube s'approche des cavaliers qui fourbissent leurs armes à sa vue. Pour autant, elle parvient à les calmer et une discussion commence. Avant-l'Aube explique qu'il ne peuvent pas tuer ;les Rejetons, qu'il s'agit d'enfants. Les cavaliers, toujours masqués (même si la voix de l'un d'entre eux parait familière à Avant-l'Aube) rétorquent que les Rejetons ont déjà attaqué, sans raison apparente, des groupes de chasseurs. Comme la négociation semble au point mort, l'un des cavaliers (Brame-de-l'Élan) invoque une vieille coutume Emishen et se propose d'accompagner Avant-l'Aube et ses camarades afin d'écouter leurs arguments. Nos protagonistes expliquent qu'il veulent ouvrir la tour car ils espèrent trouver un moyen de lever la Malédiction dessous. Tout d'abord moyennement emballé par l'idée, Brame-de-l'Élan finit par être convaincu de laisser leur chances aux Talendans après une plaidoirie d'Avant-l'Aube. Cette dernière le convainc même de fournir quelques vivres à l'expédition.

Pendant ce temps, Ésebilio passe une journée à vaincre le code qui barre la porte. La porte est salement coincée par des débris de l'autre côté et il faut que Bart pousse de toutes ses forces pour parvenir à l'entr'ouvrir. Derrière, une pièce qui semblent tenir par des étais relativement récents, du moins à l'échelle de la ruine (une dizaine d'années au plus). Grâce à ses connaissances en architecture, Ésebilio comprend qu'un partie des étais est arrangée de façon à former un piège et à s'effondrer sur l'explorateur imprudent. Derrière il y a une trappe, à laquelle le brasain commence à s'intéresser.


Le piège de Chacal

La trappe est elle-aussi piégée : Ésebilio comprend qu'elle est chargée en Essence, et que l'imprudent qui la toucherait serait comme foudroyé par une décharge (qu'on osera pas appeler "électrique"). A l'aide sa lanterne, et de procédés qui échappent aux autres Talendans, Ésebilio "décharge" le piège - qui était probablement ce qui empêchait Chacal d'entrer en ces lieux. A l'intérieur, en plus du moine se trouvent Avant-l'Aube, Vera et Bartolome. Traque-les-Ours est resté à l'extérieur, installé au sommet de la tour d'où il peut surveiller les alentours. Chêne-des-Anciens, Brame-de-l'Élan et Éclat-de-Glace sont aussi à l'extérieur, non loin de l'entrée de la tour. Avec l'assentiment de ses collègues, Ésebilio entr'ouvre la trappe...

C'est alors qu'une sorte de courant d'air froid s’engouffre dans la trappe. Ce qui parait carrément étrange à Ésebilio : autant de l'air froid aurait pu s'échapper de la trappe vers l'extérieur, autant le mouvement inverse ne semble pas respecter les lois de la nature. Tout le monde ressent une sorte d'inquiétude, et c'est Vera qui crie "ferme la trappe !", avant de joindre le geste à la parole et de se jeter sur la trappe pour la fermer. Avant-l'Aube entend alors la voix d'Éclat-de-Glace juste dehors. C'est bien Éclat-de-Glace qui parle, et pourtant ce n'est pas lui. Quelque chose d'indéfinissable et d'inquiétant se trouve dans ses intonations, alors qu'il se moque des efforts des Talendans. Il ne faut pas longtemps à Avant-l'Aube pour comprendre qu'elle a affaire à Chacal, qui a repris possession du malheureux Éclat-de-Glace. Appelant Chêne-des-Anciens à l'aide, elle réalise que cette dernière a les mêmes intonations dans la voix... Pire, elle finit les phrases d'Éclat-de-Glace ! Et Brame-de-l'Élan fait de même... Chacal possède les trois Emishens simultanément ! Comme Avant-l'Aube et Bartolome bloquent la porte de la tour, Chacal essaie de négocier l'accès : "Je veux entrer, et vous voulez sortir... On devrait bien pouvoir arriver à un arrangement, non ?". Une vague négociation se met en route, tandis qu'Ésebilio essaie de rouvrir la trappe pour descendre et découvrir ce qui se cache au sous-sol.

Finalement, Avant-l'Aube claque la porte au nez des marionnettes de Chacal. On entend immédiatement le mécanisme de fermeture de la porte s'enclencher. Dehors, Traque-les-Ours assiste à la scène depuis l'étage, et n'a semble-t-il pas été repéré. Il voit alors les trois Emishens, devenu inutiles pour leur maître, se coucher au sol comme pour dormir. A l'intérieur, le mystérieux courant d'air remonte soudainement du sous-sol et Vera frisonne. La voix de Chacal sort alors de la bouche de la Kerdane : "Vous n'aviez pas compris que j'étais déjà entré ?"
"Désolé, Vera..." dit alors Bartolome, qui lance son énorme poing à la figure de sa cousine. Étonnamment agile, "Vera" esquive partiellement le coup et Chacal continue son intimidation : "A quoi espérez-vous parvenir ? Vous n'allez pas tous vous assommer ? Vous ne comprenez pas que je peux prendre qui je veux ?" Bartolome joue alors les fiers-à-bras : "Visiblement non, sinon vous n'auriez pas eu besoin de nous pour rentrer !"
Vera-Chacal soupire. Puis Bartolome sent une immense pression dans sa tête et perd le contrôle de sa personne. Il sort son sabre et se frappe violemment la jambe avec. Chacal lâche alors sa prise et Bart se met à beugler et tenant sa jambe sanglante. "C'est bon, vous avez compris ? Et qu'est-ce qu'elle croit, l'autre là-bas ? Qu'elle peut faire quelque chose ?"''

L'autre là-bas, c'est Avant-l'Aube qui, par la prière, tente d’appeler à la rescousse son Esprit tutélaire, le Faucon Chanteur. Sur son toit, Traque-les-Ours a sorti son arc et vise le corps allongé d'Éclat-de-Glace. Ce dernier semble sentir la menace et se relève. Mais Traque-les-Ours délivre un tir redoutable qui transperce la prothèse de bois du jeune guerrier ! Il y a alors comme un cri. Vera sent la pression qui la maintient hors de contrôle de son corps se relâcher et essaie de briser le joug de Chacal. Et Avant-l'Aube parvient à contacter le Faucon Chanteur ! Un rapace apparait dans le ciel. Il se pose sur le toit, non loin de Traque-les-Ours qui s'incline en signe de respect devant l'Esprit. Alors le toit s'effondre sous ses pieds et il passe, dans un éboulis de pierre et de bois, directement au rez-de-chaussée. Bart' protège du mieux qu'il le peux une Vera à moitié consciente de débris s'effondrant sur eux.

Ésebilio était, quant à lui, discrètement descendu à travers la trappe. Au sous-sol, il découvre ce qui devait être un lieu d'habitation, peut-être même une sorte d'étude, mais qui semble avoir été dévasté par une tempête. Tempête qui est toujours en cours d'ailleurs : Ésebilio n'en est pas très sûr, mais il lui semble distinguer par instant deux formes spectrales qui s'affrontent : un loup efflanqué, et une sorte de Dame Blanche.
Au centre la pièce, dans une sorte de bassin, il y une espèce de monolithe à base hexagonale. Analysant la situation, Ésebilio comprend que le monolithe est chargé d'une quantité assez colossale d'Essence. Les autres le rejoignent en bas, Bart' portant Vera toujours inconsciente comme un sac à patates. Tout le monde se demande comment intervenir dans le combat spirituel qui a lieu dans la pièce, lorsque Traque-les-Ours bande tout simplement son arc. Il se concentre, pense au Faucon Chanteur et lâche un trait dans la forme spectrale de Chacal.
La flèche la traverse... puis tout explose : les aventuriers sont projetés contre les murs, Levée-avant-l'Aube est carrément expédiée dans la citerne. Quand la poussière et les parchemins commencent à retomber en pluie dans la cave séculaire, nos héros se relèvent laborieusement : l'affrontement semble terminer, tout redevient étrangement calme. Traque-les-Ours a l'impression fugitive de voir la Dame Blanche lui sourire, comme pour le remercier.

Le cube

L'affrontement terminé, les Protagonistes examinent les lieux pour essayer de comprendre où ils se trouvent. Tout le monde se met au travail : Vera ramasse et tente d'organiser tout un ensemble de papiers qui ont été projeté dans toute la pièce par l'affrontement entre les Esprits, Bart' et Traque-les-Ours examinent les murs et entreprennent de nettoyer ce qui ressemble à une grande mosaïque, Ésebilio supervise les opérations et analyse les lieux à la lumière de son savoir archéologico-magique. La pièce où ils se trouvent, sous la Halte Hornoise, est une sorte de cube minéral. Pour le Brasain, il ne fait pas de doute que cette pièce est considérablement plus ancienne que la Halte. Surtout, le cube semble être capable, dans certaines limites, de se mouvoir ! Il est alimenté par l'Essence stockée dans le monolithe, qui a été complètement vidé par l'affrontement entre Chacal et la Dame Blanche. Le cube semble toutefois être toujours alimenté et capable de reconstituer son énergie, mais cela va prendre plusieurs semaines.

Les divers papiers éparpillés dans la pièce se révèlent être écrites en Hornois. Heureusement, Ésebilio le parle, et il découvre les notes prises par un explorateur Hornois, il y a une bonne dizaine d'années. Le Hornois campait sur place et a passé son temps a essayé de faire "fonctionner" le Cube. Au bout d'un certain temps, il semble avoir réussit à faire fonctionner un système de communication et a parlé avec quelqu'un de la Citadelle Boréale. La Citadelle était donc encore habitée il n'y a pas si longtemps !

La mosaïque révélée par Bart' se révèle être une sorte de panneau de commande (un "circuit imprimé" magique), avec lequel Ésebilio commence à jouer. Le système fonctionne toujours, même s'il contient désormais peu d'Essence. Il comprend ainsi que la principale fonction du cube est d'être une sorte de "répartiteur" magique, et en particulier d'alimenter la route (la Grande Chaussée). Encore plus étonnant, le cube semble être capable, dans certaines limites, de se mouvoir ! Selon Ésebilio, ce système de déplacement a permis au cube se prendre sa position actuelle sous terre, et de s'orienter correctement. Le cube semble reconnaitre tout les objets chargés d'Essence comme des sortes de "périphériques". Le bassin magique à l'extérieur est un périphérique, et est équipé d'un système irradiant l'eau pour tuer les petites bêtes qui vivent dans l'eau - et ainsi la purifier. A l'aide du panneau de commandes, le Brasain parvient à obtenir une sorte de retranscription de la communication passée avec la Citadelle Boréale. En fait, ce n'est pas tant l'explorateur Hornois qui a réussit à joindre la Citadelle Boréale, que la Citadelle qui a appelé le Cube voyant que quelqu'un faisait n'importe quoi. L'explorateur a demandé aux occupants de la Citadelle "Je peux venir ?", et s'est vu opposé une fin de non recevoir assez abrupte ("Non").

Le Pays des Gens de BOIS !

Se réunissant avec "Brâme-de-l'Élan" pour échanger sur leurs découvertes, les Talendans tirent un bilan mitigé. Le Cube et le bassin sont probablement un moyen de ralentir la malédiction, mais la ruine Première étant été déchargée par Chacal, il n'y a rien à faire dans l'immédiat à part attendre qu'elle se recharge naturellement. Bart' se déclare prêt à pousser au nord, au Cercle Maudit, afin de cramer cette fichue Graine-Démon. Traque-les-Ours souligne que cela serait une grave atteinte aux engagements pris avec la Manade de la Côte. Et surtout, Esébilio fait remarquer qu'il lui parait inconscient de se précipiter vers le Cercle Maudit sans avoir la moindre idée ce qu'est cette "graine" et comment la combattre. Même s'il est embêté par ce qui lui semble être un renoncement, Bartolome se range aux arguments du Brasain et annonce qu'il est temps de rentrer à l'Orso.

Toutefois, Avant-l'Aube souhaiterait, avant de partir, faire une dernière tentative de communication avec les Rejetons. Réfléchissant au meilleur moyen de communiquer avec des créatures qui ne semblent pas douées de parole, elle décide d'utiliser des jouets : une sorte de poupée, ou d'effigie en bois, fabriquée en deux exemplaires, une pour elle et une pour les Enfants. Avec l'aide des talents artisanaux d'Esébilio, une poupée à l'effigie d'un "enfant" et une à l'effigie d'un "Emishen" sont réalisées. Brâme-de-l'Élan ayant fait remarquer que les Enfants ont quitté cette rive du fleuve, Avant-l'Aube, Vera, Traque-les-Ours et Esébilio traversent le Fleuve aux Cinq bras en canoë, finissent par trouver un endroit où il y a suffisamment peu de ronces pour accoster - Bart' restant sur la berge avec les embarcations pour surveiller leurs arrières. La nuit est tombée, et des ombres se meuvent dans les ronces. Un groupe d'enfants ne tarde pas à faire son apparition, Avant-l'Aube leur tend l'effigie-enfant comme un cadeau. Finalement, un Rejeton un peu plus âgé que les autres prend l'effigie et une communication par poupées interposées se met laborieusement en place. Et cela fonctionne !

De cette étrange conversation mimée, les Talendans tireront les informations suivantes. Tout d'abord, la fameuse graine a éclos. Les Enfants, les ronces, toute la forêt maudite en sont le résultat. Les Enfants n'ont pas réellement de "but" ou "d'objectif" : ils veulent s'étendre, se propager. Comme une plante, il ne sont finalement que pur conatus et cherchent à persister dans leur Être. Et ils disent clairement aux Talendans que s'ils s'opposent eux, ils les tueront. Avant-l'Aube comprend que les Rejetons ne sont probablement pas des enfants Emishens enlevés et contaminés... Les Rejetons s'étaient un temps allié avec Chacal, qui avait négocié une sorte de "droit de passage". Lorsque les Talendans demandent s'il existe des "grands", une sorte de lourd craquement se fait entendre. A leur grand effroi, les Talendans voient lors se mouvoir lentement sur le sol ce qui ressemble à d'énormes arbres animés. Les voilà, les "grands"... Ils avancent lentement, mais sûrement et les autres Enfants font comprendre à nos Protagonistes qu'il est temps de partir. Tout le monde retraite en direction des canoës et l'on regagne la rive sud du fleuve. La petite expédition ne peut que regarder en frissonnant les ombres massives comme des arbres qui bougent dans la forêt maudite...

Épilogue

Partis à l'aube du Pays des Gens de Pierre, Bartolome et Vera Sotorine, Esébilio le Brasain, Levée-avant-l'Aube ("'Nil Sholenshen") et Traque-les-Ours ("Falnen Be'hemshar"), Chêne-des-Anciens et le jeune Éclat-de-Glace descendent le courant du Fleuve-aux-Cinq-Bras, serrés comme des sardines dans les deux canoës qu'il leur restent. Traversant les marais puis la forêt qui vire doucement à l'orangé depuis déjà quelques jours, ils rejoignent enfin L'Orso avant le soir. Quoiqu'ils aient donc perdu un canoë, des couvertures, des outils et divers autres matériels, ils ramènent un gros tas de vieux documents curieusement délavés, deux insectes très bizarres (et décédés) vite enfermés dans un bocal et une espèce de poupée en bois haute d'une coudée, vaguement articulée et chevelue, que Nil Sholenshen appelle une "effigie de palabres" (?!).

Après le dîner, une fois à terre et serrée autour d'un petit feu de camp sur la rive où l'herbe se remet doucement du passage de la manade de la Côte, presque au pied du "Cairn des marais" d'où l'on aperçoit la silhouette du navire amarré, l'équipe de Bartolome peut enfin détailler les derniers événements pour les seules oreilles d'Islinna, Adira et Vighnu. Au bout d'une petite heure, pendant laquelle la nuit et la fraicheur humide tombent sur les Talendans malgré les couvertures et le chiro bien chaud, Bart' finit son récit, entrecoupé de plusieurs exposés historiographiques d'Esébilio et quelques remarques botaniques de Vera.
Et leur auditoire se trouve aussi impressionné qu'atterré : "Donc, si j'ai bien compris, récapitule Islinna l'ambassadrice, vous revenez après cinq jours en ayant rencontré des créatures mi-hommes, mi-arbres qui sont peut-être le stade final d'évolution de la Malédiction de l'Écorce, affronté une espèce d'escadron de la mort Emishen puis le Chacal en personne, vue la fameuse Dame Blanche et accédé à une ruine "première" oubliée depuis six ou huit siècles contenant un obélisque magique... Mais techniquement, vous êtes bredouilles ?!"

Les aventuriers malheureux échangent quelques regards embarrassés avant que Nil, toujours positive, ne réponde : "On a au moins établi le contact avec les Enfants-Arbres, en leur chantant des berceuses et en leur racontant des histoires. On leur a laissé une statuette à leur propre effigie, parce qu'on s'est dit qu'ils pourraient l'utiliser pour communiquer avec les Liam'Lon plutôt que de les attaquer pour les chasser de leur territoire.
- Ben tiens... N'empêche que le message des Rejetons de la Forêt peut se résumer à "notre territoire va s'étendre et, si les Liam'Lon veulent nous en empêcher, ce sera la guerre", non ? Et vous n'avez pas non plus trouvé de moyen de lever la malédiction ?
- Euh... dis comme ça, c'est vrai que ça a l'air d'un échec mais... euh...
- Ça va encore arranger notre popularité à la Croisée des Pistes, surtout ! Et donc, ces créatures, tout comme les ronces noires et le lierre-mutant-qui-colonise-les-arbres seraient tous nés d'une seule heu... graine démoniaque plantée jadis au Cercle de Pierre ?
- Quelque chose comme ça, oui...
- Dîtes-donc, votre graine démoniaque, elle ressemblerait pas à une châtaigne de la taille d'un tonneau, par hasard ? demande finalement Vighnu, que toute cette histoire semble rendre songeur.
- Euh... c'est à dire qu'on l'a pas vue, la graine maudite, nous : on a pas réussi à atteindre le cercle. Ce sont les cavaliers "noircis" qui nous on dit que la Chamane-aux-Longues-Vies avait entrevue la graine. Quel rapport avec une châtaigne ?
- C'est les gars de Durgaut qui m'ont raconté cette histoire avant le départ : dans la cave sous la chaumière de Soashna, les hommes du guet ont trouvé une sorte d'énorme graine hérissée de pointes empoisonnées. Comme une bogue de châtaigne quoi, mais carrément méchante... En comptant les pièges que la sorcière avait tendus dans sa baraque, il a fallu que Kal Tayvohn s'en mêle pour exorciser tout ce merdier.
- Cela dit, vous pourrez toujours lui en parler, ajoute Islinna, on l'a vu passer hier avec quelques Edell'Okhil, une caravane de Lewyllen conduite par Doma Sholen et même Tael Shannan, qui chevauchaient tous vers la Croisée des Pistes.
- Mais... depuis la Cordillère des Soupirs, ça leur fait un sacré détour ! Pourquoi n'ont-ils pas suivi la piste qui borde la Mer Cernée ?
- Euh... Islinna, jette un regard gêné aux deux Sentinelles de l'Orage et puis, avec un haussement d'épaules fataliste, décide de lâcher le morceau : Apparemment, les Lewyllen avaient rendez-vous sur la côte avec une flottille d'Oloden qui cherchent à acheter des armes. Alors Tayvohn y est allé aussi, au départ pour leur faire la leçon à tous sur les règles de la Zone de Paix, mais il en est revenu convaincu qu'il allait falloir amender ces règles. Dans tous les cas, nous, rien ne nous empêchera d'écouler notre marchandise à la Croisée...


Alors que la troupe s'abîmait silencieusement dans la contemplation des complexités de la morale Emishen, c'est finalement Adira, pour une fois occupé à prendre des notes, qui relance la discussion :
"Pour revenir au Pays des Gens de Pierre, finalement, c'est une ruine hornoise bâtie sur une ruine première ?!
- Presque : en surface, ce sont les ruines d'une ancienne halte routière vers la Citadelle Boréale détruite il y a six ou huit siècles, mais effectivement bâtie sur une structure "première" d'avant les grands cataclysmes. Et techniquement, cette structure-là n'est pas en ruines du tout.
- La Citadelle Boréale ?!!
- Oui mais attention, explique Esébilio, d'après les plans et les documents qu'on a trouvé, la citadelle elle-même est très, très loin au Nord. Peut-être encore plus loin que les Landes Pâles. Simplement, entre celle-ci et les ruines où est aujourd'hui bâtie la forteresse de Bragone, à la grande époque du Royaume Solaire, il y avait des étapes fortifiées tout le long de la route entre le Royaume, loin au sud, et la Citadelle, loin au nord. Des fortins apparemment bâtis, eux-mêmes, sur les vestiges d'anciennes haltes construites par les Premier le long de la Grande Chaussée ! Malheureusement, l'étape suivante vers le nord est probablement engloutie dans la Mer Intérieure, tout comme l'étape précédente semble être aujourd'hui au fond du Lac d'Emen.
- Mais alors il y avait jadis des Hornois dans le Grand Nord ?!
- Ce n'est pas très clair, en fait, comme souvent quand on parle de l'Âge Sombre... Certaines chroniques mentionnent la Citadelle Boréale comme une sorte de colonie du Royaume Solaire, installée au nord du Pays des Vents donc, si ça se trouve, aussi loin que le Pays des Glaces. Par contre, il y a une douzaine d'années, après la bataille des Deux-Collines, une espèce de héros hornois a été adopté par les Elloran sous le nom de "Ron Nehril". Et avant de trouver la mort en combattant auprès des Kormes, il semble qu'il ait cherché à rejoindre la citadelle, accumulant des notes et des cartes dans la cave subsistant sous les ruines de notre fameuse halte...
- Mais ces documents, je peux les voir ? Et c'est quoi un... attendez, je l'ai noté... un "node" ?
- C'est-à-dire que les documents sont rédigés en Vieux Hornois sur du mauvais parchemin, et que la partie des papiers qui ne part pas en miettes est malheureusement tombée dans la citerne de la même cave. Je vais avoir besoin de temps pour restaurer, classer et traduire tout ça. Quant au node, hé bien... disons que le sous-sol est parcouru de courants géomantiques qui...
- Géo-quoi ?
- Pfff... des courant "magiques", si vous voulez, concède l'archéologue avec un dégoût évident pour cette grossière vulgarisation. À certains endroits, ces courants se croisent et sont plus forts – c'est justement ce qu'on appelle un node – et, jadis, les Premiers ont construits des structures capables de capter ces courants pour accumuler une réserve d'Ess... heu... d'énergie "magique". Et la structure en question, que les Hornois appellent un mnorgrohm...
- À tes souhaits.
Islinna colle un coup de coude à Vighnu et fait signe à Esébilio de continuer.
- Hé bien ce "mnorgrohm" forme une espèce de cave, en fait un cube minéral à peu près indestructible, protégé de la magie extérieure, planté dans le sol et doté d'une trappe d'accès, par-dessus lequel des Hornois, sans doute issus de la Citadelle Boréale, ont construit leur halte fortifiée."

Studieusement, l'Honorable Maître Pratesh prend tout ça en notes et se relit un instant avant de demander :
"Et c'est un hasard si la cave première est juste à côté du Cercle Maudit ?
- Pas forcément, non... C'est à dire que si la cave et l'obélisque qui permet d'accumuler la magie sont juste sous la colline, l'énergie est en fait captée via une source souterraine, j'entends une source d'eau, qui débouche dans une sorte de citerne où trempe le fameux obélisque. Et donc le node en tant que tel n'étant en fait relié à l'obélisque que par une rivière souterraine, il pourrait se situer très loin dans les profondeurs de la terre, et même pas nécessairement à la verticale. Alors, si ça se trouve, le Cercle de Pierres, qui est lui-même une construction Emishen ayant grossièrement la même fonction qu'un mnorgrohm, mais en beaucoup plus primitif, alors ce cercle aujourd'hui maudit pourrait bien puiser son énergie au même node que la halte hornoise. Ce qui expliquerait que deux civilisations différentes aient bâti deux "puits" à courte distance – mais à plusieurs siècles – l'un de l'autre : pour puiser à la même source.
- Mais, justement, ce mnor... cette cave, là, elle n'a pas le pouvoir de chasser la Malédiction de l'Écorce, demande Islinna ?
- C'est là que les choses se compliquent, malheureusement...
- Ah ben putain !
- Pffff. Bon ben disons juste que l'obélisque est vide, alors : quand le Chacal s'est introduit dans la cave...
- Parce que tu as oublié de protéger la trappe d'accès avant de l'ouvrir, précise Traque-les-Ours !
- Oui, bon, ça va... Quand le Chacal s'est introduit à l'intérieur de la cave pour s'emparer de la magie accumulée dans l'obélisque, la Dame Blanche y est apparue aussi pour l'en empêcher...
- Comme par hasard ?
- Euh... ça, je ne sais pas...
- Moi je dis que c'est notre glorieux totem, le Faucon-Chanteur, qui l'a prévenue ! Parce qu'il avait déjà assisté à notre combat contre le Chacal sous forme de loup !
- Attendez un peu : c'est qui, cette Dame Blanche ?
- Non mais pas tous à la fois, tranche Islinna ! Esébilio, finis ton histoire d'obélisque.
- Alors, où en étais-je... Ah oui : pour s'affronter, le Chacal et la Dame qui sont par ailleurs immatériels, ont utilisé la réserve de magie de l'obélisque au point de l'épuiser. Et au rythme où l'obélisque se remplit naturellement d'énergie, il y en a encore pour 25 ou 27 jours avant que la réserve ne se reconstitue et qu'on puisse à nouveau tenter quelque chose...
- Mais tenter quoi, justement ? Cette cave, elle renferme un moyen de lever la malédiction, oui ou non ?
- Euh... je dirais non, pas vraiment. Les ruines comprennent un bassin archom... hem... un bassin "magique", qui insuffle à l'eau de la source locale le pouvoir de repousser toutes sortes de saletés et de parasites, y compris certains effets physiques de la malédiction, à commencer par les ronces noires.
- On en est sûr, de ça ?
- Oui, intervient joyeusement Vera : j'avais aspergé du lierre maudit de quelques litres d'eau "bénite" prélevée au bassin et, une douzaine d'heures plus tard, alors qu'on levait le camp, j'ai pu vérifier que le lierre avait perdu ses épines empoisonnées. Donc c'est plutôt bon signe, quand-même...
- Alors, une fois que l'obélisque sera rechargé et que le bassin sera à nouveau actif, on pourrait éventuellement le faire déborder pour qu'il déverse de l'eau "bénite" vers le fleuve et les marais en aval.
- Mais... est-ce qu'on sait si la quantité d'eau "magique" diluée dans l'eau du fleuve suffira à... euh... "désherber" la forêt maudite ?
- Non, pas vraiment, réponds Vera. Au mieux, ça ne ferait que faciliter l'accès au secteur depuis la val, et ça freinerait l'expansion des hommes-arbres, mais ça revient à réduire un des symptômes de la malédiction, sans vraiment s'attaquer à la source du problème.
- Qui est donc un... démon-arbre ?
- Apparemment, oui.
- Et comment ça s'attaque, un truc pareil ?
- On ne sait pas. On avait un plan d'assaut un peu téméraire, mais on y a renoncé quand on a vu que le cercle était gardés par des hommes-arbres épineux de quatre mètres de haut.
- Ah ben oui, de fait..."

"Alors c'est quoi la suite du plan, demande Vighnu ?
- En fait, puisqu'il n'y a pas grand-chose à tenter avant un petit mois, on ne va pas y retourner avant d'avoir consulté les chamans à la Croisée des Pistes, explique Bartolome.
- Et pour "redorer notre blason" comme vous dîtes, on va surtout se mettre en chasse du Dieu-du-Fleuve, déclare Levée-avant-l'Aube, pleine d'entrain !
- Alors là, on peut vous aider, fait remarquer Vighnu. Les Oloden l'ont aperçu au large des Îles Déchirées. Il est même en train de leur pourrir la pêche au hareng à lui tout seul !
- Vous voulez dire que le "Dieu-du-Fleuve" s'est... barré du fleuve ?
- Ironique, non ? Moi je proposais qu'on le rebaptise "Dieu-des-Harengs", mais Islinna prétend que c'est déjà le nom d'un navire arochais... En tous cas, tant qu'il reste des poissons au large de ces îles, on sait à peu près où il est.
- Sauf qu'on ne va pas se risquer à la poursuite de ce monstre avec des passagers et la cargaison, objecte Vera, donc il faudrait d'abord croiser une première fois bien au large des îles pour ne pas risquer de le rencontrer, déposer les passagers et le matériel loin au nord puis....
- Ce n'est pas nécessaire, répond Islinna : on a qu'à décharger ici-même, et ceux qui vont directement à la Croisée des Pistes y emmèneront la marchandise. D'après Tael Shannan, la manade des Crêtes les suivait de peu au rendez-vous des Oloden et, au pire, d'ici quelques jours, les derniers Liam'Lon qui essayent encore de pêcher sur la côte reviendront par ici pour rejoindre la Croisée : pour le prix de quelques armes ou quelques chaudrons, ce serait bien le diable si des cavaliers n'acceptaient pas d'acheminer le chargement jusqu'au rassemblement.
- Alors c'est décidé, annonce Bartolome. Demain matin, on décharge les armes et Vera prend le commandement de l'Orso pour redescendre le fleuve puis remonter la côte vers les Îles Déchirées et les camps de pêche emishen. Islinna, Adira, Vighnu et moi nous débrouillerons pour finir le voyage par les terres, et tous les autres partent à la pêche au gros.
- Dans ce cas, je vous recommande d'emmener Éclat-de-Glace, suggère Levée-avant-l'Aube : Chêne-des-Anciens semblait motivée à régler ses comptes avec le monstre, mais son neveu ne sera d'aucune utilité sur votre grande pirogue et je crois qu'il est urgent de le confier à un chaman, vu qu'il a été un petit peu possédé par le Chacal, qu'il a perdu son bras de bois magique et que ça le déprime très fort..."

Une fois le feu éteint, les explorateurs regagnent le navire pour y dormir, mais la chandelle d'Adira reste encore allumée un moment. Soudain, interloqué par les notes qu'il corrigeaient, il lâche à la cantonade : "Mais c'est qui la Dame Blanche, à la fin ?"
Malheureusement, seuls quelques ronflements lui répondent...




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