11) "Toutes voiles dehors !"

De Marches du Nord
Version du 13 février 2016 à 22:34 par Seb (discuter | contributions)

(diff) ← Version précédente | Voir la version courante (diff) | Version suivante → (diff)
Aller à : Navigation, rechercher

Pour le bref épisode maritime dont je voulais qu'un maximum de joueurs puissent faire l'expérience (depuis le temps qu'ils préparaient ça), j'avais accepté plus de joueurs que d'ordinaire (de 4 à 6 selon les séances) dont quelques remplacements, puisque pas moins de 8 PJ se sont embarqués ensemble dans cette aventure. En l'occurrence étaient à bord (avec une 15aine de PNJ) :


Départ

Une aurore brumeuse se lève sur le Lac Troisième

Lorsque, fatiguée et pressée mais victorieuse, Islinna "Maliamn'id" saute directement de la pirogue qui la ramène du Cercle des Cascades sur un ponton du quartier lacustre où se trouve déjà massée plus de la moitié du village de Tal Endhil, venue saluer le départ des derniers voyageurs en partance pour Aroche. L'équipage du Coppavento, réduit par les pertes sévères des Kerdans lors de la bataille, et l'importante cargaison de métaux, de laine fraîchement filée, de teinture, de peaux, de fourrures et de mille autres babioles ("Et du vin de sureau ! _Non mais ça va pas se vendre, ça... _Qué que t'en sait ?! C'est pas à 'Roche qu'on en trouve du comme ça ! _Hé ben putain, j'espère...") les ont précédé la veille pour laisser aux marins le temps de charger. Le sergent Le Cornu rappelle pour la énième fois ses consignes de prudence et de de bonnes manières aux mercenaires constituant l'escorte (facturée à la guilde au nom du Capitaine :P ), Ranyella Sotorine confie sa fille au cousin Bartolome, quelques colons ajoutent au dernier moment de nouvelles commandes à la "liste de courses" fournies aux voyageurs et, dans leur coin, les cousins Pratesh s'engueulent au sujet du nouveau garde-du-corps d'Adira, une espèce d'ex-mercenaire pouilleux dénommé Brannock ("Mais on sait même pas d'où il sort, ce type ! _Si je dois aller à Aroche sans toi, faut bien que j'ai un peu de protection. _Mais t'as vu sa dégaine ? _Oui bon, je l'ai eut pas cher : il était offert gracieusement avec une certaine affaire, je t'expliquerai à mon retour...").

Discours d'adieu

Le Capitaine est en train de regarder les derniers préparatifs d'embarquement quand il avise soudain une caisse sur le quai, monte dessus et prend la parole:

« Mes très chers tous, vous voir vous afférer ainsi, prêt à partir, me serre le coeur tout autant que cela me le remplit de joie et de fierté. Cela me serre le cœur car je sais que ce voyage ne se fera pas sur une mer d'huile, que lorsque votre voile aura disparu j'aurai ce sentiment de vide provoqué par l'absence de connaissances proches, de compagnons et même d'amis; car aussi cette nef et ce qu'elle transporte, en plus de ceux qu'elle transporte, représentent de nombreux espoirs pour notre communauté de Tal Endhil. Pour pouvoir survivre puis prospérer, nous devons attirer plus de bonne volonté ici, entendre les railleries des artisans sur leur apprentis, les aboiements des chiens autours des troupeaux, les notes de musique que les bardes joueront dans les tavernes, les cris des enfants jouant dans les basses-cours... Et c'est ce qui me remplit de joie et de fierté: VOUS êtes les porteurs de ces espoirs. Vous qui vous êtes de multiples fois illustrés, vous allez porter haut les couleurs de Tal Endhil à Aroche. Vous êtes nos diplomates, nos émissaires, nos représentants. Soyez courageux et francs, soyez fier d'être Talendan ! Propagez à Aroche cette image de paix, de sérénité et de tolérance ! Et quand vous reviendrez avec matériaux et artisans, la première chose que nous ferons sera de rebâtir notre village lacustre ! »

Puis, sur un ton plus doux : « Je compte sur vous.»

Descendant alors de sa caisse, le Capitaine vient personnellement serrer la main ou adresser un petit personnel à chaque membre en partance. Il attend alors patiemment la fin des préparatifs et au fameux "larguez les amarres !", il répond "Bon vent !" et vous regarde vous éloignez lentement.

Préparation

Embarqués dans les deux dernières barges kerdanes pour Écume 6, nos héros passent sous le pont de Tal Endhil (où la population s'est massée pour leur lancer des au-revoir et des pétales de fleurs), ils descendent le fleuve pendant une journée jusqu'au comptoir où le Coppavento est encore en réparation : après avoir déposé les PJ de l'Opération Tréfonds, il a été poursuivit par un équipage Arkonnelkan qui a tiré des flèches enflammés dans la voilures et la nef s'est réfugiée au comptoir Écume 7 fondé par Bartolome Sotorine (ce n'est encore qu'une bite d'amarrage à côté d'une hutte en bois dans une crique du territoire des Liam'Lon, mais si le commerce des peaux pouvait augmenter...) et un méchant grain a ensuite cassé pas mal de bois dans la mâture affaiblie par le feu lors du retour vers Écume 6. Avec un équipage déjà minimal, un chargement important et une course difficile devant eux, les Kerdans ne peuvent pas se permettre de prendre la mer sur un navire endommagé. Heureusement, Mérane Roulier s'y connaît assez en navigation et en charpenterie pour filer un coup de main décisif aux kerdans et après avoir travaillé une partie de la nuit, le Coppavento est prêt à appareillé comme prévu le lendemain à l'aube [et ces réparations, en le débarrassant de ses derniers pions de Dommages, vont vraiment lui "sauver la Mise"].

Malgré leurs fréquentes engueulades, le capitaine Diovire (à nouveau joué par Loriel) et son bosco de frère Bartolome dirigent plutôt efficacement leur équipage largement inexpérimenté, composés de plus de bateliers que de marins kerdans, des mercenaires impériaux qui n'ont que de vagues notions maritimes et des marchands plus volontaires que vraiment habiles.

[Techniquement, on a trois catégories de « marins » à bord : _les "matelots" qui possèdent effectivement le domaine Marine et les talents qui en découlent représentent chacun un pion d'Énergie pour le navire, _les "mousses" qui n'ont qu'un vague talent de Navigation (souvent orienté "barques et pirogues") ou des aptitudes physiques assez exceptionnelles pour être utiles : ceux-ci doivent réussir un jet (dont la Difficulté varie avec la situation) pour effectivement fournir 1 pion au navire ; c'est notamment le cas de Bahardabras à la barre ou d'Islinna. _les "passagers volontaires" qui n'ont aucune capacité dédiée mais sont prêt à filer un coup de main et peuvent fournir un peu de Soutien en cas de coup dur. Au final, la Mise du Coppavento alourdi par sa cargaison variera entre 9 et 15 suivant les moments, sachant qu'il est plutôt conçu pour être manœuvré par 20-25 marins...

Premier jour de navigation

Profitant du courant que lui offre l'embouchure du fleuve, le Coppavento négocie habilement les marais, gagne la Baie des Langueurs et, dès qu'un puissant vent se lève, manœuvre pour en tirer tout le parti possible, filant bientôt à un impressionnant "10 nœuds à la planche" (car les kerdans emploient des lochs relativement précis pour cet univers).

Une vitesse que nos navigateurs vont bientôt perdre, reprendre, reperdre... à cause du vent perpétuellement tournant et d'un équipage qui s'habitue peu à peu à travailler ensemble. Le caractère "mysandre" de Mérane s'emmanchant d'ailleurs assez mal avec certains comportements machistes des frères Sotorine ou du barreur Hornois, le premier jour de mer commence avec moult gueulantes, pendant que le malheureux Adira Pratesh vomit tripes et boyaux par-dessus le bastingage [tous les PJ n'ayant aucune expérience maritime ont du faire des jets de résistance physique contre le mal de mer et Adira, de constitution fragile, a beaucoup souffert...].

C'est en début d'après-midi que Bartolome repère bientôt un gros paquet de nuages grisâtres poussé par un méchant vent de travers et accompagné par des vagues bien cabrées... Le navire essuie bientôt son premier grain [un "petit", à 15 pions de Mise] : Herle de Lorune et Trevan se joignent courageusement aux marins, Diovire et Bartolome cessent de s'engueuler et, pendant que le pauvre fehnri hurle d'effroi, on déploie la voilure. ( "Faudrait pas réduire plutôt, là ? _Non ma petite : chez vous on laisse peut-être passer le gros temps, mais chez les Sotorine, on l'affronte... surtout quand on tire une vitesse de merde depuis des plombes !" Réalistement, c'est complètement idiot, hein, mais les joueurs avaient envie de s'amuser, alors...).

Le Coppavento commence à prendre une méchante gîte, un peu d'eau balaie le pont, le tangage produit quelques gamelles mais la "méthode Sotorine" semble faire ses preuves puisque, rapidement, le "corsaro" s'échappe des turbulences... vers une mer étale et un vent presque nul. "Mais alors, vraiment, vous, vous basez votre civilisation sur un machin complètement aléatoire et dangereux qui file mal au bide ? Et vous vous enrichissez ? C'est invraisemblable..." observe Adira.

L'après-midi touche à sa fin lorsque le vent permet enfin à la nef d'accélérer un brin et Diovire décide d'en profiter ("Mais vous aviez pas parlé de brisants, dans ce coin ? _Oui ben on va pas dormir là, hein : y a pas de mouillage avant l'autre côté. Alors on fait un peu gaffe et puis on y va.") : il fait presque nuit noire quand, grâce à un savant calcul des deux frangins et à leurs carnets, le Coppavento double le Brise-Langueur comme une fleur, remonte au nord et jette l'encre pour la nuit dans la crique où, quelques semaines plus tôt, Kal Kirhan et Bahardabras avait enterré les Arkonnelkan vaincu.

Le Hornois profite d'ailleurs du dîner pour mettre l'ambiance en expliquant le "Barad'mohn" (l'enterrement emishen rituel des "vaincus sans honneur", face contre terre pour que leurs âmes ne rejoignent jamais le vent : sic), Islinna raconte les événements de la mission diplomatique autour de la "Frontière de l'Orage" et Adira vérifie une fois de plus l'emballage de ses ballots « de laine » ("Vous êtes un peu maniaque, vous en fait. _Non, mais je voudrais pas que ça prenne l'eau. _Quelle importance ? C'est pas comme si ça pouvait vraiment pourrir... _Dans un métier commercial, c'est important d'avoir la laine fraîche..." Je t'avais prévenu, Kobal, que ce jeu de mots minable serait révélé au monde.).

On organise une garde minimale pour la nuit et l'on s'endort bientôt, le premier jour en mer ayant déjà été assez éprouvant.

Baies-Jumelles.jpg 1) Les marais - 2) récifs de "Brise-Langueur" - 3) tourbillons - 4) hauts-fonds - 5) marécages des Eaux-Noires - 6) détroit des griffes

Second jour de navigation

Le lendemain, l'équipage se lève un peu tard pour devancer la marée et les Sotorine décident d'attendre carrément la fin de la matinée et la mer descendante pour s'attaquer les tourbillons du Détroit des Oubliés... Mais le temps est spécialement mauvais aujourd'hui et après avoir manqué de dessaler carrément au premier essai [merci les pH], le navire doit s'arracher laborieusement au premier tourbillon, changer d'angle d'attaque et y retourner en profitant d'un vent favorable.

Le second tourbillon secoue le Coppavento dans tous les sens ("Manmaaaaan ! Je veux pas mouriiiir paaaauuuuvre !" pleure Adira) mais nos héros atteignent finalement la Baie des Oubliés dans l'après-midi, fatigués, meurtris et trempés comme des soupes, au point que même Mérane s'étonne :

"Sérieusement, c'est une vraie voie maritime, ça ?
_Ah ben j'dis pas, on la fait que quand on a vraiment une cargaison à vendre, hein, parce que ça secoue un peu...
_Ça secoue un peu ? Vous êtes des malades, vous ?! On manqué y rester trois fois en deux jours !
_Meuuuh non, on a les choses bien en mains, là. Vous verriez le temps qu'on a quand on arrive pour le Marché de Printemps, avec les tempêtes hivernales et les blocs de glace qui croisent dans les Griffes...
_Mais comment on peut espérer faire des liaisons commerciales régulières avec Aroche dans des conditions pareilles ?
_Houlà dîtes, hein, moi j'ai rien promis de tel : Ranyella m'a demandé comment je le sentais et je lui ai promis un naufrage la première année, mais il paraît que votre guilde d'andouilles a insisté, alors bon. Notez que, une fois qu'il aura fini de dégobiller sur mon bordé, vous pourrez peut-être demander à Maître Pratesh s'il a changé d'avis, hein..."

Après avoir tout de même sérieusement envisagé de s'enfiler la baie au plus vite et de s'attaquer le terrible Détroit des Griffes de nuit "pour rattraper le temps perdu" (option abandonnée quand le MJ a répondu : « Pour faire une approximation raisonnable, ça serait comme de rouler sur un chemin de montagne par une nuit d'hiver sur un vélo sans phare, dont on peut pas descendre : la probabilité d'y faire les 22km du détroit est à peu près la même. Maintenant, ajoutez la probabilité bien plus élevée d'une tempête... »), Diovire admet qu'il vaut finalement mieux mouiller à Écume 5 pour la nuit et engage le navire au ralenti parmi les hauts-fonds ("C'est vraiment une bonne chose qu'Islinna ait pu arranger vos rapports avec les Oloden, quand-même ! _Je ne sais pas si j'irai jusqu'à dire que c'est "arrangé" : disons qu'ils ne nous attaquerons probablement pas à vue, puisque on a retrouvé le droit de remonter éventuellement jusqu'au cercle des Hautes-Pierres, mais je doute qu'ils soient très content de nous voir pour autant...").

Et, de fait, la nef n'a même pas atteint la côte qu'une douzaine de voiles triangulaires apparaissent dans le delta du Cainil (fleuve) :

"Bon, ben ils nous ont vu venir, donc. Tout le monde sourit et on est bien polis, merci.
_Mais, juste pour savoir, s'ils nous attaquaient, on pourrait se défendre ?
_On est bien 12 ou 15 combattants, en face ils sont de 6 à 10 par voile : j'vous laisse compter ma p'tite dame.
_Et repartir, finalement, ce serait pas plus prudent ?
_Vous vous croyez en barque ? Vous savez le temps qu'il faut à un navire pour faire demi-tour ? Surtout que les hauts-fonds, c'est beaucoup plus gênants pour nos 4m de tirant d'eau que pour leurs pirogues à fond plat. Pis qu'on a pas d'autre endroit pour passer la nuit, passque la baie elle restera pas calme longtemps. Ayez confiance en ma nièce, Ma'ame Mérane : elle va nous négocier ça très bien..."

Mil'orind

Pendant que le navire, ses voiles orange largement déployées pour contrer le courant du fleuve Cainil (qui à cet endroit fait pas loin de 2km de large), vient à l'appontage contre le quai de bois pourri par les marais qu'on ose appeler "Écume 5", les pirogues aux voiles turquoise-blanc-noir (couleurs des Oloden) mais notamment occupées par quelques Liam'Lon et autres So'Sherkan (ça se reconnait aux fringues et aux coiffures), se déploient tout autour des Talendan. Visés par au moins une 20aine d'archers et deux fois plus de javelots, l'équipage tente de conserver son calme et d'avoir l'air amical... jusqu'à ce qu'un grand guerrier à la carrure d'athlète bondisse d'une des pirogues en brandissant une lance de 8 pieds, pour atterrir souplement sur le ponton de bois vermoulu : "Mil'orind ! Mil'orind !" s'écrie alors Islinna, soudain ravie. Et quand le héros des Oloden retire son casque de bronze pour libérer sa longue chevelure dorée et l'agiter dans le crépuscule, Mérane elle-même ressent un petit frisson : "hou le bel animal !"

Islinna descend du pont sans que Bahardabras ou Herle de Lorune (officiellement chargés par le Cap' de veiller à la protection des deux diplomatEs) n'ait le temps de l'y précéder et saute au coup de son amant local pour lui claquer un long baiser. Les Talendan, la main sur leurs armes, et les Oloden en formation d'encerclement échangent pendant ce temps des regards circonspects ou compassés devant un salut si peu protocolaire et puis, finalement, décident d'un commun accord que c'est pas encore cette fois qu'ils vont s'entretuer (surtout que les Oloden en ont marre de pagayer contre le courant pour maintenir l'encerclement de pirogues pendant que leur chef lèche la poire des étrangères).

"Mais qu'est-ce que tu fais là ?" fini par demander Islinna, sa langue une fois libre. Le grand blond lui explique alors volontiers qu'il dirige une force de quelques 500 guerriers (mariniers et cavaliers) déployée le long du littoral pour prévenir une incursion ennemie, depuis qu'on a repéré des navires "dirsen" croisant au nord du Golfe Cinglant.

À nouveau, les Talendan lui expliquent que ce sont probablement de méchants Arkonnelkan qui naviguent en secret de leurs alliés pour tout un tas de viles opérations clandestines, mais le concept semble laborieux au magnifique guerrier (qui n'a pas inventé l'eau tiède, faut dire) : si c'était le cas, où diable ces navires pourraient-ils bien mouiller dans une région dont les rares havres sont habités par les Oloden ?

Le dîner qui suit (et qui va consommer une bonne part des réserves gastronomiques Kerdanes : il y a quelques dizaines d'invités) est émaillé de quelques frivolités, potins (dont l'incontournable "avec qui couche le barde Tael Shannan cette semaine") et récits des combats qui embrasent toujours la vallée de Cainil : Kainen Tahrel ayant été repoussés loin des murs de Darverane, il adopte pour l'instant une stratégie plutôt défensive, jouant la montre en attendant que ses alliés So'Sherkan ouvrent un second front sur les arrières impériaux.

Pendant que le fier soldat balance sans y penser des secrets militaires aux premiers venus, Mérane entreprend d'avoir une discussion "entre filles" avec son "second", la guerrière Sewil Nilliendin (qui est beaucoup moins cruche et arrêta Nevel et Lidel'Agilon en pleine nuit sur la lande, toujours lors de "Tréfonds") : ce n'est que lorsque le dîner se termine, Islinna et Mil'orind s'éloignant parmi les joncs pour aller « prendre le dessert », que la négociante s'aperçoit que, mine de rien, la guerrière oloden lui a tiré les vers du nez toute la soirée sur leur expédition commerciale, l'Assemblée Tribale et les forces impériales dans leur secteur...

Troisième jour de navigation

Le lendemain à l'aube, Mil'orind est bien triste de regarder partir sa belle, un bon vent gonflant les voiles du Coppavento qui vogue plein nord, pour traverser la baie et avoir franchi le Détroit des Griffes avant le soir. Bien lui en prend parce que le détroit se révèle "un peu agité" à marée descendante, et que le corsaro doit y louvoyer de son mieux, Bartolome secondant la vigie depuis la proue, une sonde en main pour surveiller le fond, pendant que Diovire tente de rester au vent et d'anticiper les manœuvres pour éviter les méchants récifs pointus qui bordent le chenal (ça racle un peu et, sans les carnets de navigation +qq pH, ils eussent fait naufrage).

Mais c'est en quittant enfin le détroit que le temps se gâte : au tourbillon de nuages noirs qui couvre la crête écumante des vagues venant du large, Bartolome comprend illico que, cette fois, c'est carrément la grosse tempête [de fait : face aux 17 pions du Coppavento, je viens d'aligner une Mise de 30]. Malgré une tentative de contourner par le nord et longeant la côte, le navire malmené par les déferlantes et battu par la pluie doit bientôt s'en éloigner pour éviter d'être drossé sur les falaises de la Baie des Griffes. Sur le pont, ça ne rigole plus du tout : Diovire hurle ses ordres à travers la tourmente, Bartolome mène l'équipage au pas de charge pour abattre une voile qui menace de claquer, Bahardabras peine à tenir la barre sous les coups de butoir de la mer qui tabasse le gouvernail. Soudain, plusieurs mousses manquent d'être emportés par une vague et les matelots perdent le contrôle... [Là, les joueurs comprennent qu'ils vont tous mourir et payent 4pH pour s'en sortir avec un préjudice mineur.]

Les heures qui suivent sont un enfer : sur le pont lessivé par les trombes d'eau, les Talendan s'accrochent de toutes leurs forces au moindre cordage, la cargaison dansant dans la cale de la nef qui tournoie follement, ballotée comme un bouchon et embarquant des paquets de mer. Cognés contre la coque, rincés et suffoquant, il leur faut un moment pour réaliser qu'ils ont été recrachés presque indemnes par la tempête, et dérivent maintenant vers le sud de la Baie des Griffes. Observant la côte, les frères Sotorine repèrent un possible mouillage entre les îlots qui criblent le littoral et finissent par jeter l'ancre à moins d'un mile des falaises où, lorsque la nuit tombe, l’œil exercé de Bahardabras distingue le probable feu d'un bivouac oloden.

Quatrième, Cinquième et Sixième jour de navigation

Le 4° jour se lève sur un temps superbe, le ciel nettoyé à grande eau par la tempête et un bon petit vent frais soufflant bientôt sous un angle idéal : après avoir séché toute la nuit autour des braséros, l'équipage appareille et met cap au nord-ouest. Pour aborder le golfe et son perpétuel tourbillon, Diovire Sotorine a en effet décidé d'un plan assez futé : remonter au vent bien au large de la Pointe d'Arenzio, virer plein sud puis donner toute la voile par vent arrière pour prendre un maximum d'élan et chevaucher le courant de reflux du tourbillon, cap au sud-est. Et comme le temps se maintient [à partir de là, ils ont plutôt de la veine sur les jets de Vent], c'est à plus de 8 nœuds que le Coppavento croise bientôt les îles Shilorken... d'où surgissent soudain deux formes aux voiles noires : "Arkonnelkan !" crie la vigie.

Mais l'agile coursier se moquent des lourdes cogues et, hissant jusqu'au dernier perroquet pour déployer toute la voilure, il laisse bientôt les apprentis pirates peiner en vain sur leurs rames insuffisantes, filant à pleine vitesse vers la Côte de Marbre et la marche des Lisières.

Maintenant une excellente allure jusqu'au soir, l'équipage ne réduit la voilure que pour continuer sa navigation de nuit (profitant du temps clément et de l'absence de piège dans le secteur), perd un peu de vitesse le lendemain (moins de vent, plus de vague). Croisant de nuit très au large du phare de Grésil, le premier port de pêche sur la côte, le 6° matin trouve le Coppavento au large d'Éclisse.

Contre toute attente, la rade de ce petit village portuaire se trouve alors encombrée de 2 grandes caraques remanes (à se demander comment elles sont arrivées là) et 4 cogues plus petites, affichant les pavillons des Maisons (nobles) de Lorune, d'Orsane ou de Salviane et manifestement armées pour la guerre. Les Talendan n'aillant pas très envie de voisiner la marine impériale, ils changent de cap et, tant qu'ils ont assez de vent, remontent l'estuaire du puissant fleuve Dramghil jusqu'au port de "l'Ancre", un village de pêcheur accroché à la falaise.

Bientôt amarrés à l'unique quai (que leur nef envahit à moitié : heureusement que les locaux sont à la pêche), les Talendan débarquent à la taverne du bled, une gargote "lourdement rurale" où la modeste bière fait des heureux pendant que les langues se délient un peu. Le temps de récolter quelques infos sur Aroche, le trafic maritime ou la flotte de guerre qui stagne apparemment à Éclisse depuis une semaine et Diovire rappelle son équipage à grands cris : le vent s'est levé, s'ils veulent en profiter pour tailler contre le courant du fleuve jusqu'à leur destination, il faut que ce soit maintenant !

Terre !

Dans l'après-midi finissant, nos marins doublent bientôt la pointe du Roi et, sous la puissante citadelle qui domine la falaise, découvrent ébahis la grande cité en terrasses descendant vers le plus grand port des Marches : après seulement 6 jours de mer, les voilà sains et saufs à Aroche !


Épisode Précédent ← | → Épisode Suivant
<< retour à la LISTE des ÉPISODES