Librairie des Âges

De Marches du Nord
Version du 1 mars 2020 à 20:00 par Florent (discuter | contributions)

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Le "Songe Blanc" semble être le royaume onirique de la Dame Blanche. Depuis peu, elle y entraîne ses Rêveurs.

La première fois qu'elle y entrée,Meryle s'est trouvée dans un immense corridor, voûté et obscur, aux parois de pierre lisse. Au loin, une silhouette pâle, presque luisante, s'éloignait d'un pas régulier avant de disparaître par un autre couloir qui sentait la poussière et le vieux papier.
En bonne chasseresse, Meryle la suivit à pas de loup et, après une succession de galeries bordées d'arches par lesquelles elle entrevoyait un vaste jardin nocturne, elle atteignit une grande salle anguleuse où brûlait une unique torchère : à l'autre bout du carrelage en damier noir et blanc, la haute silhouette blanche gravissait posément un large escalier de marbre clair. Lorsque Meryle posa le pied sur la première marche, la Dame sembla lui jeter un regard par-dessus Son épaule où cascadaient de longues boucles argentées :
« Viens : ils nous attendent » dit-Elle d'une voix douce, avant de reprendre Son ascension.

Atteignant un palier carré où deux portes en ogives s'ouvrent dans un mur de pierres grossièrement taillées, Elle tambourina doucement des doigts contre le battant. Pendant qu'Elle attendait tranquillement, la jeune patrouilleuse la rejoignit enfin, réalisant que la noble stature de la Dame la dominait de la tête et des épaules. Mais Son visage, brillant d'une lueur presque lunaire, restait difficile à distinguer : Meryle n'arriva à y lire qu'une infinie patience.
Alors, la porte de vieux chêne ferré, striée de griffures aussi profondes que des coups d'épées, s'entrouvrit avec un grincement geignard : « Viens, dit à nouveau la Dame, ils nous attendent.
_J'suis... fatigué, répondit par la porte une voix masculine mal assurée.
_Évidemment, puisque tu m'as aidé à les sauver tous. Il est temps qu'ils te remercient, Écuyer aux Poches Profondes. »
Après une hésitation grinçante, le battant laissa sortir un jeune homme trapu et mal fagoté, sa ceinture alourdie par une besace joufflue et une épée géante, qui traînait sur le carrelage plusieurs coudées derrière ses bottines crottées. Il lança un coup d’œil perplexe à Meryle mais, comme la Dame rayonnait d'un sourire, il s'engagea en soupirant dans l'escalier suivant, à angle droit du premier.
Risquant un œil par-dessus la rambarde de pierre ajourée, la patrouilleuse distingua tout en bas la torchère solitaire qui s'éteignait, alors qu'une autre s'allumait bien plus haut, révélant un nouveau palier...

Lorsque le trio y arriva, quatre porte distinctes perçaient les deux murs en coin : la première était vermoulue mais s'ouvrit au premier effleurement de la Dame, et un moine grisonnant, sa tonsure curieusement ornée de deux petites tresses, en sortit en boitillant pour adresser un grand sourire à ses visiteurs : « Scribe Fidèle, notre compagnie s'étoffe » le salua la Dame en désignant Meryle et le jeune homme, que la patrouilleuse a l'impression persistante d'avoir déjà croisé à Tal Endhil.
La deuxième porte était faite de roseaux, et s'ouvrit d'elle-même sur un Venteux très grand, très beau, qui salue la compagnie d'une lente inclinaison de la tête avant de poser une main protectrice sur l'épaule du moine : « Je suis le Chant d'Innombrables Blessures, énonça-t-il d'un ton aussi triste que mélodieux : l'heure est-elle venue ?
_Ils nous attendent » répondit simplement la Dame, passant tendrement ses doigts sur le front altier de l'indigène.
Se tournant vers la troisième porte, elle poussa délicatement le panneau de sapin blond, d’où émerge en bâillant un jeune homme au nez rosi de froid, emmitouflé d'une grande cape bordée de fourrure.
« Viens, Murmure des Carrefours : ils nous attendent. »
Puis Elle ouvrit la quatrième porte, ajourée et de guingois comme celle d'une vieille grange, par laquelle une femme en tablier s'avance, un petit garçon dans les bras : « Venez, Marraine des Assiégés et son Vaillant Agneau : ils nous attendent. »

Pendant que la troupe gravit une autre volée de marches, le garçonnet remarque Meryle par-dessus l'épaule maternelle, et lui chuchote d'un air sérieux : « J'm'appelle pas vraiment Agneau, mais la Dame dit qui faut pas dire son Vrai Nom avant qu'on est dans la bibi... bili... _Bibliothèque » termine le Moine en approuvant d'un hochement de tonsure : « Toutes sortes de malveillances rôdent hors des murs sacrés de la Librairie des Âges ».
Huit portes donnent sur le palier suivant, mais seulement cinq s'ouvrent pour qu'une Ondrène très fardée, un soldat du bailliage au casque cabossé, une Korme au crâne rasé et aux seins nus portant un grand nerhil, un jeune scribe des Offices et une adolescente fehnri se joignent à la troupe.
Une silhouette sombre est assise dans l'escalier suivant et, à l'approche du cortège, relève son crâne couturé de cicatrices, des larmes plein les yeux : « Elle m'a abandonné, dit-il d'une voix brisée.
_Encore ? demande la petite Fehnri avec un soupir exaspéré.
_Mais nous t'avons trouvé une fois de plus » répond la Dame avec tendresse. Alors, essuyant ses larmes de ses poings, le Bouquetin Éperdu se range au côté de Meryle.

Les paliers se succèdent, la plupart des portes s'ouvrant l'une après l'autre sur près d'une centaine de personnes, femmes et hommes, jeunes et vieilles, Remanes, Emishen, plus rarement Fehnri et même un Hornois aux yeux clairs, répondant à l'invitation de la Dame jusqu'à ce que la procession atteignent un haut portail aux ferrures ornées de motifs complexes, dont les deux battants s'ouvrent sous la traction d'un guerrier colossal aux tempes grises, une épée d'airain à chaque hanche et un grand bouclier d'argent au bras. Un léger sourire ourle ses lèvres lorsqu'il contemple la cohorte gravissant les derniers degrés, puis il s'incline profondément devant la Dame.
« Le Héraut du Dernier Âge est-il prêt, Ô Protecteur des Songes Plus Anciens que les Trônes ?
_Nous vous attendions, Ô Mère des Aspirants et des Insoumis.
_Cette nuit, nous accueillons l'Archère des Forêts Vengeresses, annonce la Dame en tendant une main pâle vers la patrouilleuse émue.
_Les rêveurs sont-ils enfin au complet, Ô ma Dame ?
_Non, cher Protecteur : cette nuit encore, certaines portes restent scellées par la veille ou la peur, et celle du Greffier des Vestiges par le pouvoir des Eaux Jumelles. Mais accueille la multitude dont les paupières sont closes et les cœurs épanouis. »

Avec un bref salut de la tête, le colosse s'efface alors pour laisser entrer les visiteurs dans une immense salle dallée de marbre blanc, qui s'illumine à l'approche de la Dame pour révéler une futaie de colonnades où s'alignent des milliers de rayonnages tous emplis de grimoires, de tablettes et de parchemins à perte de vue.
Et, tout au bout de l'allée qui s'ouvre face au portail, drapé d'un somptueux manteau de fourrure blanche et noire, le Héraut du Dernier Âge se lève d'un des nombreux fauteuils entourant un immense brasier dont les flammes se reflètent sur le dallage.
Brandissant un globe rayonnant tel un astre, il déclame alors d'une voix puissante :
« N'empêche que, décoincé ou pas, moi, je sais toujours pas déchiffrer ce foutu machin ! »