Le Rêve au Sud : Différence entre versions

De Marches du Nord
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Et alors que le conseil retentit d'un concert de protestation, Ventre-d'Ourse lève ses énormes fesses pour dresser sa stature plus large que haute et balancer "''Que ceux qui préfèrent couiner jusqu'au prochain été restent donc assis dans la neige ! Qui vient avec moi ?''"
 
Et alors que le conseil retentit d'un concert de protestation, Ventre-d'Ourse lève ses énormes fesses pour dresser sa stature plus large que haute et balancer "''Que ceux qui préfèrent couiner jusqu'au prochain été restent donc assis dans la neige ! Qui vient avec moi ?''"
  
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"''La Meute Etoilée brûle de partir. S'ils restent, c'est pour moi. Je ne vais pas les retarder plus longtemps. Nous irons avec toi, Ventre d'Ourse. Les rêves nous guideront au Sud. S'il le faut, nous reviendrons vers les clans au prochain été, pour leur dire que la route est libre.''"
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Kan'shethan se tourne vers le protecteur du clan, avec l'air de s'excuser. Il sait qu'il vient de parler  contre l'ancien, mais espère tout de même son approbation. Il jette aussi un œil sur son mentor, attendant une réaction. Après tout, Kal Romlan aussi veut partir.
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Kal Romlan Onei'llon se gratte la barbe et ne dit rien. "C'est complètement idiot, vous ne pouvez pas partir à deux !" s'énerve la vieille chamane aveugle des Nev'Lonen. "C'est de la folie ! _C'est ridicule !" reprend le conseil.
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"''C'est... un peu juste'', remarque Onei'llon. ''Nous devrons être au moins 6 ou 7... ahem... il faudra un second traineau, des vivres, des armes... et... hem... la pierre-solaire de Kal Loamlin.''"
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-"''Hein ?''" s'étrangle le chaman des Delar'Ghemen, le plus jeune des trois : "''Il n'en est pas question, Onei'llon ! C'est le bien le plus précieux de notre tribu !''"
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"''Le bien le plus précieux, sûrement. Mais, Kal Loamlin, dis-moi, à quoi te sert cette si précieuse pierre ? Elle a guidé ton clan pendant des générations mais depuis vingt ans plus personne ne bouge. On se terre dans le Refuge. Qui d’entre nous s’est éloigné plusieurs mois ? Qui a voyagé au loin ?
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Pour la première fois, nous avons la chance de sortir de l’isolement, de rompre avec l’exode et la tristesse.
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Je comprends ta fureur, nous avons tous peur. Mais c’est la plus grande guerrière de notre clan qui mènera le voyage, c’est un chaman comme toi qui gardera la pierre-solaire. Si cette pierre existe, c’est pour nous guider. Pas pour être gardée bien au chaud.''"
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Le vieux Rêveur salut l'argument d'un hochement de tête appréciateur, mais Kal Loamlin n'a pas l'air de vouloir en rester là. Après un instant de trouble, il réplique en ravivant l'éternel débat : "''La pierre-solaire appartient aux Delar'Ghemen ! Nous avons juré sur nos morts qu'elle resterait dans notre clan, ce n'est pas pour la perdre dans une expédition hasardeuse aux mains d'une poignée de... d'emportés !''" Si certains parviennent à rigoler de la saillie ("''Hé Onei'llon ! Ca fait combien de temps qu'on t'avait pas appelé «emporté» ? - Hihi. - Moi ça faisait des lustres, c'est ma femme qui va être contente...''"), la discussion dégénère dans l'éternelle querelle de possession des quatre clans forcés depuis 20 ans à des partages qui ne plaisent à ne personne.
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C'est finalement Dernier-Sapin qui réclame le calme en agitant le calumet et en admonestant les râleurs : "''Assez de chamailleries ! Sommes-nous des enfants ou le conseil tribal ? Vent-Debout, tu voulais intervenir ?''"
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Le lieutenant de Né-des-Rochers, que sa masse de muscles un peu affaissée par les années n'a jamais rassuré lorsqu'il fallait parler en public, s'approche un peu timidement du coin d'ombre où il se tenait depuis plus d'une heure en grattant sa barbe hirsute où s'accroche encore des glaçons au retour de sa garde :
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"''Ben... j'ai rêvé des portes qui claquent...<br>
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- Toi ?!<br>
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- Lui ? (Kal Loamlin est un peu vexé)<br>
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- Pourquoi ne l'as-tu pas dit plus tôt ?<br>
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- Je ne savais pas que c'était important avant de vous entendre en parler ce soir. Je viens pas au conseil d'habitude...<br>
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- Tu as... rêvé du reste ? demande Onei'llon.<br>
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- Ben la dame, la cité, les portes, les quat' montagnes, le chien fielleux...<br>
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- Le loup efflanqué !?''"
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Pendant que la conversation dérive à nouveau sur l'étrange et inédite sensibilité du guerrier au Rêve, générant toutes sortes de questions et de théorie ("''Mais ça t'es déjà arrivé avant ? _De rêver ? Ben oui. _Mais de faire des "songes", des expériences spirituelles ? _Ben... comment j'distinguerais ? _Peut-être qu'il est spécialement lié à ce rêve là ! Peut-être que sa Destinée s'est manifestée !''") Onei'llon, lui, réfléchit en silence.
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Il considère le grand guerrier si pataud en société et d'ordinaire avare de ses pensées, dont le Nom d'adulte lui fût acquis lorsqu'il avait à peine 15 ans en tractant plus qu'il guidait, sur des dizaines de lieues jours après nuits, face au vent furieux des montagnes, son clan à travers le Défilé des Hurlements lorsque la tribu des steppes gagna les Terres Dentelées. Le vieux chaman considère sans un mot la volonté légendaire du guerrier, son endurance inhumaine et, surtout, le sens du devoir qui avait poussé alors poussé ce grand jeune homme, sur l'instant, à saisir lorsqu'elle lui fouetta le torse la longue ligne cuir que le premier de cordée avait lâché en mourant de froid dans le défilé...
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"''Mais ce n'est pas ce que tu étais venu nous dire, n'est-ce pas, Vent-Debout ?<br>
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- Heu...<br>
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- T'es-tu décidé ?<br>
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- Ben...<br>
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- Parce que tu sais ce qui est en jeu et que, bien sûr, tu es un Delar'Ghemen...<br>
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- Ben oui...<br>
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- Et que personne ne peux nier que tu es consciencieux, l'homme à qui l'on peut confier les tâches les plus importantes et même des trésors...<br>
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- Ben si j'vous accompagne... 'vec la pierre solaire, j'la ramène après qu'on a trouvé les 4 pics.''"
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Et tous les regards de se tourner vers Dernier-Sapin et Kal Loamlin...
  
  

Version du 3 septembre 2014 à 20:37

à défaut d'un autre nom et d'un vrai emplacement dans la chronologie... tout est bien évidemment...


1. L'assemblée du clan

Un vaste feu brûle au centre de la hutte. Les anciens sont assis en cercle. Ils parlent à voix basse. Depuis deux jours, la vision ne cesse de hanter leurs palabres. Le chef des Delar'Gehmen s’emporte de temps à autre, à bout d’argument. Il ne cesse de répéter que la tribu doit partir, que seule la transhumance vers la mer peut les sauver. Les autres l’écoutent mais ne se décident pas, alors il tempête, menace de rassembler les siens et finit par s’assoir en maugréant. Si la situation n’était pas si grave, ce manège serait sans doute drôle. Kal Romlan Onei'llon le soutient comme il peut. Le rêve l’a épuisé. Pourtant, il pense aussi qu’il faut partir.

Beaucoup ont peur de bouger. Le Refuge est facile à défendre, les environs sont pauvres mais suffisent à la tribu malgré la venue des « corrompus ». Ils pensent la tribu trop affaiblie pour tout quitter en plein hiver et se risquer au travers des tempêtes. Les chefs parlent des enfants, des dangers. D’heures en heures, ils peignent une transhumance qui devient impossible.

Autour, la vie de la tribu semble ralentie. Tout le monde attend. Les quelques échos des palabres passent de bouches en bouches. Les hésitations des chefs deviennent celles des clans. On raconte en boucle le rêve à ceux qui ne l’ont pas senti. Tout le monde s’improvise chaman pour en déceler le sens. Les chasseurs s’éloignent peu, de peur de rater une décision importante.

Kal’esh’ Kan'shethan se glisse dans la tente en silence. Il a quitté la Meute Etoilée au matin pour s’en revenir vers le clan. Il s’assoie près de son mentor. Il écoute ses aînés, il observe les groupes qui se forment. Ceux qui veulent partir ne sont plus guère nombreux.

Il profite d’une pause dans les palabres pour se lancer. D’une voix claire, il raconte comment les loups ont rêvé comme les hommes. Il parle des combats, de ceux de ses frères lupins qui sont morts sous les crocs et les griffes des « corrompus ». Il dit comment les esprits corrupteurs se glissent dans les pas d’un loup efflanqué, comment les bêtes souffrent bien plus que les hommes de ce mal. Il avoue ne pas comprendre, comme tous : quelle est cette cité du sud, quelle est cette silhouette géante ? Ce qu’il sait, c’est que le mal y est lié. Si le loup maigre marche derrière elle, c’est que les hommes seront bientôt aussi victimes que les bêtes, que l’enfant n’était qu’un premier mort. Il dit qu’il faut partir, que les loups sentent les choses avant les hommes, qu’il faut les suivre.

Les chefs commencent à murmure entre eux. Certains sourient. Kal’esh’ Kan'shethan ne s’en rend pas compte. Il est pris dans son récit. Il dit que Noir-Bleu veut partir au sud, que la Meute Etoilée est inquiète. Kal Romlan Onei'llon pose sa main sur le bras de son élève.

Parmi les chefs, les chamans, les guerriers, les chasseurs et les artisans qui composent le conseil tribal, tous ne sourient pas. Shenol' Domer ("Né-des-Rochers"), Protecteur des Nev'Lonen ("gerfauts boréals") et désormais de tout les Del'Ranan intervient même d'un ton plus coupant qu'à l'accoutumée : "Quoiqu'en disent les esprits, ou même les loups, c'est de la folie ! La tribu n'est simplement pas prête pour voyager cet hiver ! Encore moins vers une destination inconnue que l'on ne connaît que par rêve. L'exode a jadis coûté bien des vies, nous manquons déjà de vivres, nos traîneaux de 20 ans d'âge manquent de tomber en pièces chaque fois que leur voile se tend... Et l'Oiseau-Monstre a tué Flèche-Tirée-Jadis, notre meilleure chasseresse ! Et vous seriez prêts à risquer toutes nos vies sur la fois d'un songe ?! Nous reviendrons sur nos terres un jour, nous retournerons au sud, car c'est notre destin : mais pas cet hiver, car nous y laisserions nos vies."

Le conseil médite un moment ce discours qui semble recueillir l'approbation de la plupart... jusqu'à ce que Ventre-d'Ourse, la gorge irritée par le calumet, crache dans le feu en secouant ses lourdes épaules : "Moi j'irai au sud. Mon traîneau est en bon état, j'ai quelques bons javelots, ma fidèle hache et j'en ai surtout plein le cul de me morfondre sur un tas de cailloux depuis que j'ai l'âge adulte. Je ne sais pas si la Mère est plus qu'une vieille légende mais mon propre vent souffle sous mes ailes et j'ai envie de voir les merveilles dont vous avez rêvées : ma sœur s'occupera de mes gosses."

Et alors que le conseil retentit d'un concert de protestation, Ventre-d'Ourse lève ses énormes fesses pour dresser sa stature plus large que haute et balancer "Que ceux qui préfèrent couiner jusqu'au prochain été restent donc assis dans la neige ! Qui vient avec moi ?"

"La Meute Etoilée brûle de partir. S'ils restent, c'est pour moi. Je ne vais pas les retarder plus longtemps. Nous irons avec toi, Ventre d'Ourse. Les rêves nous guideront au Sud. S'il le faut, nous reviendrons vers les clans au prochain été, pour leur dire que la route est libre." Kan'shethan se tourne vers le protecteur du clan, avec l'air de s'excuser. Il sait qu'il vient de parler contre l'ancien, mais espère tout de même son approbation. Il jette aussi un œil sur son mentor, attendant une réaction. Après tout, Kal Romlan aussi veut partir.

Kal Romlan Onei'llon se gratte la barbe et ne dit rien. "C'est complètement idiot, vous ne pouvez pas partir à deux !" s'énerve la vieille chamane aveugle des Nev'Lonen. "C'est de la folie ! _C'est ridicule !" reprend le conseil. "C'est... un peu juste, remarque Onei'llon. Nous devrons être au moins 6 ou 7... ahem... il faudra un second traineau, des vivres, des armes... et... hem... la pierre-solaire de Kal Loamlin."

-"Hein ?" s'étrangle le chaman des Delar'Ghemen, le plus jeune des trois : "Il n'en est pas question, Onei'llon ! C'est le bien le plus précieux de notre tribu !"

"Le bien le plus précieux, sûrement. Mais, Kal Loamlin, dis-moi, à quoi te sert cette si précieuse pierre ? Elle a guidé ton clan pendant des générations mais depuis vingt ans plus personne ne bouge. On se terre dans le Refuge. Qui d’entre nous s’est éloigné plusieurs mois ? Qui a voyagé au loin ? Pour la première fois, nous avons la chance de sortir de l’isolement, de rompre avec l’exode et la tristesse. Je comprends ta fureur, nous avons tous peur. Mais c’est la plus grande guerrière de notre clan qui mènera le voyage, c’est un chaman comme toi qui gardera la pierre-solaire. Si cette pierre existe, c’est pour nous guider. Pas pour être gardée bien au chaud."

Le vieux Rêveur salut l'argument d'un hochement de tête appréciateur, mais Kal Loamlin n'a pas l'air de vouloir en rester là. Après un instant de trouble, il réplique en ravivant l'éternel débat : "La pierre-solaire appartient aux Delar'Ghemen ! Nous avons juré sur nos morts qu'elle resterait dans notre clan, ce n'est pas pour la perdre dans une expédition hasardeuse aux mains d'une poignée de... d'emportés !" Si certains parviennent à rigoler de la saillie ("Hé Onei'llon ! Ca fait combien de temps qu'on t'avait pas appelé «emporté» ? - Hihi. - Moi ça faisait des lustres, c'est ma femme qui va être contente..."), la discussion dégénère dans l'éternelle querelle de possession des quatre clans forcés depuis 20 ans à des partages qui ne plaisent à ne personne.

C'est finalement Dernier-Sapin qui réclame le calme en agitant le calumet et en admonestant les râleurs : "Assez de chamailleries ! Sommes-nous des enfants ou le conseil tribal ? Vent-Debout, tu voulais intervenir ?"

Le lieutenant de Né-des-Rochers, que sa masse de muscles un peu affaissée par les années n'a jamais rassuré lorsqu'il fallait parler en public, s'approche un peu timidement du coin d'ombre où il se tenait depuis plus d'une heure en grattant sa barbe hirsute où s'accroche encore des glaçons au retour de sa garde :

"Ben... j'ai rêvé des portes qui claquent...
- Toi ?!
- Lui ? (Kal Loamlin est un peu vexé)
- Pourquoi ne l'as-tu pas dit plus tôt ?
- Je ne savais pas que c'était important avant de vous entendre en parler ce soir. Je viens pas au conseil d'habitude...
- Tu as... rêvé du reste ? demande Onei'llon.
- Ben la dame, la cité, les portes, les quat' montagnes, le chien fielleux...
- Le loup efflanqué !?"


Pendant que la conversation dérive à nouveau sur l'étrange et inédite sensibilité du guerrier au Rêve, générant toutes sortes de questions et de théorie ("Mais ça t'es déjà arrivé avant ? _De rêver ? Ben oui. _Mais de faire des "songes", des expériences spirituelles ? _Ben... comment j'distinguerais ? _Peut-être qu'il est spécialement lié à ce rêve là ! Peut-être que sa Destinée s'est manifestée !") Onei'llon, lui, réfléchit en silence.

Il considère le grand guerrier si pataud en société et d'ordinaire avare de ses pensées, dont le Nom d'adulte lui fût acquis lorsqu'il avait à peine 15 ans en tractant plus qu'il guidait, sur des dizaines de lieues jours après nuits, face au vent furieux des montagnes, son clan à travers le Défilé des Hurlements lorsque la tribu des steppes gagna les Terres Dentelées. Le vieux chaman considère sans un mot la volonté légendaire du guerrier, son endurance inhumaine et, surtout, le sens du devoir qui avait poussé alors poussé ce grand jeune homme, sur l'instant, à saisir lorsqu'elle lui fouetta le torse la longue ligne cuir que le premier de cordée avait lâché en mourant de froid dans le défilé...

"Mais ce n'est pas ce que tu étais venu nous dire, n'est-ce pas, Vent-Debout ?
- Heu...
- T'es-tu décidé ?
- Ben...
- Parce que tu sais ce qui est en jeu et que, bien sûr, tu es un Delar'Ghemen...
- Ben oui...
- Et que personne ne peux nier que tu es consciencieux, l'homme à qui l'on peut confier les tâches les plus importantes et même des trésors...
- Ben si j'vous accompagne... 'vec la pierre solaire, j'la ramène après qu'on a trouvé les 4 pics."

Et tous les regards de se tourner vers Dernier-Sapin et Kal Loamlin...