Conseil du Prévôt

De Marches du Nord
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Au début du mois des Vendange, le Bailli Liméric Durgaut décide d'établir un conseil stratégique au sein du bailliage afin de l'assister dans ses décisions.
Ses membres sont :



Assis devant un échiquier en bois brut, dont les pièces sont pour certaines si approximatives qu'on les identifie à peine, Durgaut réfléchit.

Le Bailli ne joue pas vraiment contre lui-même : il "modélise" la politique du bailliage, les alliés en blanc, les ennemis en noir. Il y a fort peu de pièces blanches, sur l'échiquier.
Une pile de parchemins, des fusains, quelques plumes et une carte sommaire de la vallée des lacs en Paliers entourent l'échiquier grossier.

"Prenez tous un siège, commence Durgaut d'un ton funeste. En l'absence de l'Inflexible Capitaine Dharomjarn et de notre chroniqueur, vous et moi formons ici le conseil stratégique du bailliage. Il sera facile à reconnaître : ce sont les réunions où l'on ne boit pas. Ce que je vais vous dire aujourd'hui devrait de toutes façons vous en couper l'envie... (il jette un œil à Herle de Lorune)... enfin : normalement.

Si l'on vous demande ce que nous avons dit et fait aujourd'hui dans cette pièce, vous expliquerez que nous avons débattu du mariage de Mademoiselle Roulier et Messire de Lorune : on a parlé de dote, de date, de l'opportunité d'une cérémonie religieuse, etc. Personne ne sera surpris que ça ait duré des heures. Mais vous ne révèlerez jamais, à quiconque, ce dont nous avons vraiment discuté ici. Vous ne raconterez pas qu'il y a des réunions sans alcool, vous ne vous en plaindrez pas, vous ne vous vanterez pas d'y participer.
Vous n'en parlerez tout simplement pas en présence d'autrui, ni même entre vous sans prendre de sérieuses précautions : ce qui sera dit dans cette aujourd'hui n'en sortira pas. Et si un jour quelqu'un devait être mis dans la confidence, je le ferai éventuellement moi-même, si je le juge utile. Plus question de me ramener vos nouveaux amis sortis de nulle-part et de leur confier nos secrets sur la seule foi de votre jugement, ou parce qu'ils habitent au village.

Si l'une de ses directives gêne l'un d'entre vous, qu'il se lève et sorte. Maintenant.
Quand nous auront commencé, les membres du "conseil stratégique" en seront membre à vies, et lié par le secret jusqu'à leur mort. Mais si votre conscience vous démangeait, sachez que c'est à partir d'ici que nous allons secourir Andréas, retrouver Dharomjarn, damer le pion aux Kerdans, faire du bailliage une véritable puissance politique et gagner la guerre.
Dans cet ordre.

Qui veut en être, qui veut sortir ?"

Après un regard malheureux à la bouteille rangée hors de sa portée, Herle déboucle son ceinturon et s'assoit.
Mérane tire - elle-même - une chaise, jette un regard vaguement réprobateur à Herle - déjà assis -... et s’asseoit.
Puis elle se penche légèrement vers lui et ajoute d’un ton détaché : « Me voilà fort surprise, je ne savais pas moi-même que mon propre mariage était aussi avancé. Je Je me rappelle ni de la demande, ni de ma réponse. Sotte que je suis, peut-être ai-je des troubles de la mémoire (?)... »
Enfin, comme si de rien n'était, elle oriente sa tête vers le Bailli, esquisse un bref sourire à son intention et le regarde fixement en attendant la suite, un air sérieux sur le visage.
Dario très sérieux s’assoit en silence....

Quand tout le monde est assis, Durgaut hoche la tête avec approbation.
"Avant tout, réglons un détail administratif : chevalier Herle de Lorune, vous êtes nommé lieutenant et prendrez d'ici peu le commandement de notre force offensive. Je vous expliquerai plus tard en quoi elle consistera exactement mais, en très bref, l'armée talendane va désormais adopter une structure quasi-emishen, c'est à dire une force d'attaque séparée de la défense.
Et, en attendant que je rapatrie le capitaine Dharomjarn, le lieutenant le Cornu prend, lui, la tête de la défense du bailliage : par la suite, il participera lui aussi à ce conseil "sec", dont il n'est absent aujourd'hui que parce qu'il inspecte le fortin de Nilfenan, et je lui ai déjà expliqué ce dont nous allons parler aujourd'hui.

En l'occurrence, de la guerre qui vient. À grands pas, même, puisqu'on peut attendre un embrasement total des Marches du Nord –voire même du Pays des Vents dans son ensemble– dès le printemps. Les Emishen se soulèvent de toutes parts, des tas de clans qu'on croyaient soumis ou disparus semblent ressortir du bois, les Seigneurs du Nord préparent manifestement une nouvelle révolte des Ondrènes et Son Éminence vient de lancer une croisade : la neige va bientôt obliger la majorité des belligérants à faire une pause, mais croyez bien qu'ils reprendront de plus belle au dégel.
Et avec trois camps qui s'opposent sur le même terrain, la situation va devenir extrêmement instable.

Tal Endhil est alors dans une situation très délicate...

  • Si nous restons alliés à l'Empire, nous pouvons espérer qu'il remporte la victoire en fin de compte mais ça pourrait prendre des années. Des années d'autant plus difficiles pour notre petit bailliage que nous serions sans doute aussi bien assiégés par les Ondrènes que par les Rebelles, dans tous les cas extrêmement isolés. En fait, les seuls renforts impériaux que nous pourrions espérer devraient venir d'Aroche par la mer et, justement, nous sommes bien loin de pouvoir creuser un port militaire. Sans compter la colère que ça susciterait chez nos alliés indigènes.
  • Nous allier aux Ondrènes est au mieux une solution à courts termes : ça peut nous faire gagner du temps, mais ils sont loin d'être fiables et, si l'on ne considère que la stricte puissance militaire, ils sont les moins bien partis dans cette guerre. Ça créerait par ailleurs d'énormes tensions au sein de la population talendane et, si l'Empire finissait par reprendre possessions des marches, nous serions tous pendus pour trahison.
  • Choisir le camp des Rebelles serait surtout une erreur diplomatique et économique : les Emishen pacifistes ne le verraient pas d'un bon œil, mais les Impériaux et les Ondrènes nous couperaient tout débouché commercial. Alors que nous avons au contraire besoin d'argent pour nous défendre.

Même rester neutre n'est malheureusement plus une option viable.
Nous étions déjà en conflit avec notre voisin Rhilder, officiellement inféodés à l'Empire et alliés aux Emishen pacifistes, mais en plus les Talendans se sont largement fait remarqués à travers tout le pays et nous allons bientôt devenir riches.
Ce qui n'est pas seulement une bonne nouvelle : nous avons du fer, des métaux précieux, Adira et Bartolome vont lancer un très juteux commerce d'ivoire et non seulement les belligérants mais les Maisons Marchandes commencent déjà à s'intéresser à nous. Ajoutons à cela que nous restons la "porte du Nord", que nous possédons le second port marchand des Marches –aussi aberrant que ça puisse paraître– et que les environs de notre fief recèlent apparemment la Porte-sous-la-Montagne, dont je rappelle que Lorkan vient de s'approprier la Clé grâce à un nouveau fiasco à Aroche, je vous laisse imaginer l'ampleur des convoitises qu'attire Tal Endhil. Même en tuant dans l’œuf toutes ces perspectives de prospérité, nous privant au passage des ressources nécessaires à notre propre défense comme à notre développement, il n'est en fait plus possible de faire profil bas."

Le bailli fait une pause boire un peu d'eau et jauger du regard si tout le monde a bien compris les enjeux.
Apparemment satisfait de vos regards graves, il reprend :

"Dans une telle situation, nous contenter d'espérer que les trois factions soient trop occupées entre elles pour vraiment se préoccuper de nous serait dangereusement optimiste : nous sommes aujourd'hui trop faibles et trop précieux. Pour paraphraser le Cornu, si on comptait courir à poil dans la forêt, il n'aurait pas fallu se couvrir de jambon.
Mais nous en sommes là : que ce soit pour nos richesses, pour cette maudite Porte ou simplement pour la position stratégique de notre vallée, l'un ou l'autre camp tentera forcément de nous mettre en coupe réglée, militairement ou politiquement.

Ce qui ne nous laisse ne fait que deux options : choisir le camp le plus fiable et nous démener pour qu'il gagne la guerre, ou nous débrouiller pour que tout le monde perde.
Et là, figurez-vous que la solution se trouve dans votre dernier cadeau... heu... Où est-il, ce bouquin ?" Durgaut farfouille sous les papiers, finit par en extraire le lourd tome de Stratégie & Stratagèmes, l'ouvre à une page marquée d'un signet et cherche du doigt le passage qu'il vous cite d'une voix docte :
« Le Stratège véritable ne cherche pas le plus court chemin vers la victoire : il doit trouver le carrefour dont tous les chemins mènent à la victoire. »
Et de vous adresser un sourire de loup, radieux et carnassier.

"Non ? Vous ne voyez pas ce que ça veut dire ? Laissez-moi vous expliquer...
Si les deux seules solutions pour nous sont soit de choisir le camp des vainqueurs, soit que tout le monde perde, ce fameux carrefour de la victoire consiste pour nous à faire les deux en même temps : nous allier à la faction la plus puissante, c'est à dire l'Empire, lui devenir absolument indispensable en lui permettant de glorieux succès contre ses ennemis et ainsi nous positionner comme l'instrument de sa victoire, à commencer par détruire les Seigneurs du Nord.
Alors nous serons en position de choisir si, au final, nous préférons permettre à l'Empire de vaincre ensuite les Rebelles, ou si nous préférons le voir finalement échouer au dernier moment et abandonner le contrôle du Pays des Vents aux Emishen, assurant notre indépendance au passage. Parce qu'entretemps, nous –et avec la bénédiction de l'Empire– nous serons devenus les meilleurs amis des indigènes, y compris des Rebelles.

En somme, nous allons offrir à l'Empire les moyens d'aider les Rebelles à écraser les Ondrènes, après quoi nous laisserons les deux derniers camps, tous deux nos amis, vider leur querelle. Peut-être interviendrons-nous d'un côté ou de l'autre, peut-être resterons-nous sagement neutres.
Mais que l'un des deux partis l'emporte ou qu'ils s'entre-détruisent, dans tous les cas, nous en sortirions gagnants...

Je vous laisse méditer là-dessus un moment et, si vous en voyez, proposer des alternatives. Je vous invite même à mettre ce plan à l'épreuve de votre sens critique : si cette stratégie doit être notre planche de salut, mieux vaut qu'on ait testé sa solidité.
Mais je ne doute pas de pouvoir vous démontrer la validité du raisonnement et, quand vous serez satisfaits, je vous expliquerai pourquoi je vais vous renvoyer vers Aroche, et comment vous aller d'abord y secourir Andréas, puis sauver l'Inflexible Dharomjarn.

Quelqu'un veut un gobelet d'eau ?"

Herle regarde la carafe avec un sourire presque ironique.

"Non, merci, monsieur le Bailli.

En revanche, je vous remercie pour cette promotion. Je tâcherai d'y faire honneur mais je m'interroge - comment vais-je pouvoir commander un détachement (Herle a visiblement du mal avec le concept de "force offensive") et en même temps aller chercher Andréas à Aroche ?
J'ai aussi quelques réserves - si je vous écoute bien, vous êtes allé pécher la solution de notre délicate position stratégique dans un excellent livre, certes, mais rédigé par l'un de nos ennemis ? Et pas le moindre.
De plus, même si continuer à tailler des croupières aux Ondrènes ne me déplaît pas malgré ma naissance, je crains que cela ne nous mette en froid avec l'ensemble de la population "locale", à part les Venteux, bien sûr. Les Ondrènes, je veux dire, le peuple ondrène, ne sont pas tous favorables à la révolte. Ou plutôt, personne ne leur demande leur avis. Sauf que, quand ça va commencer à chauffer, ils ne vont pas trop apprécier de nous voir tirer dans les pattes de leurs seigneurs. Et des Ondrènes, on en a plein le village, plein les bourgs avoisinants.

Donc, si on leur rentre dedans - parce qu'une force offensive, c'est fait pour, si je ne m'abuse ? - si on leur rentre dedans donc, on ne peut plus du tout compter sur nos voisins. (Il regarde Mérane) Je dis ça surtout pour le commerce. Vous dites qu'on va être riches. Fort bien, mais va falloir vendre, et il semblerait qu'il n'y ait guère qu'Aroche qui nous le permette. Sauf qu'Aroche, ça veut dire passer par la mer, donc par les Kerdans. Et rien ne dit qu'ils continueront à jouer ce rôle si quelqu'un les paye mieux pour nous abandonner. Rien ne dit non plus que la mer restera libre, avec tous les projets de flottes militaires dont on a entendu parler.
Alors bon, certes, on peut pas s'allier aux Ondrènes parce qu'ils vont perdre et qu'ils sont déjà, ou presque, nos ennemis. Mais, ça ne m'enchante pas de nous couper ainsi des colons les plus proches.

Finalement, je veux bien un gobelet."

Durgaut sourit :
"Vous n'aurez pas besoin de commander quoique ce soit avant d'avoir effectivement constitué notre force offensive, chevalier. C'est pourquoi votre première mission sera justement d'enrôler les hommes nécessaires depuis Aroche, puisqu'il nous reste jusqu'à l'hiver pour quadrupler les effectifs, et jusqu'au printemps pour les préparer au combat...
Ne faîtes pas cette tête : j'ai un plan.

Plus exactement : une foule de plans !
Et, puisque vous y faîtes allusion, tous ne sont pas dus au livre d'Æryl de Sarde. Quand bien même, si nous voulons survivre, ce ne sera pas en négligeant de bons conseils stratégiques, d'où qu'ils viennent. Ce traité est par ailleurs bien plus à notre avantage qu'à celui de son auteur pour une simple raison : nous connaissons maintenant le manuel de l'ennemi, et lui ignore encore que nous avons accès à ses méthodes jusque dans leurs annexes interdites.
Autrement dit, nous pouvons désormais anticiper ses mouvements, mais pas l'inverse... surtout si nous ne nous contentons pas de suivre ses théories.

Vous soulevez un point intéressant concernant la loyauté de notre population grandissante mais, rassurez-vous : c'est prévu. J'ai, moi, jusqu'au printemps pour véritablement souder les communautés.
Mais je compte justement sur les Seigneurs du Nord -tout particulièrement sur le moins populaire d'entre eux, pour nous y aider en nous attaquant les premiers. Alors seulement, quand Rhilder aura soulevé contre lui le cœur de notre jeune nation, nous pourrons frapper dans la Marche des Lacs."
Manifestement ravi d'avoir tout prévu, Durgaut bois du petit lait...

"Quant à la mer, autre excellente remarque, figurez-vous que nous ne resterons plus très longtemps tributaires des Sotorine. Parce que lors de votre prochain voyage à Aroche, nous allons acheter notre propre navire. Qui ne sera pas de trop pour ramener jusqu'ici toutes nos nouvelles recrues..."

Dario reste silencieux mais visiblement de plus en plus soucieux. puis s'exprime:

"Indépendance ? Jeune nation ? Il s'agit là d'un diable de projet. Avant d'aller plus avant je préférerais que soit clarifié ce point. Nous venons de nous lier par le secret n'est ce pas ? jusqu’à hier je travaillais pour un bailliage impérial ..... Si les événements que vous nous avez exposé sont indiscutable et votre stratégie convaincante ce que vous avancez soulève une interrogation capitale....
Qu'elle est votre ambition ? Quelle vision avez vous pour ... disons le futur gouvernement de notre communauté"

Durgaut hausse un sourcil :
"C'est une question intéressante, mais elle me semble... disons prématurée.

En l'état actuel des choses, nous ne sommes même pas certains de survivre au prochain printemps, encore moins à la durée de la guerre, et c'est pour l'instant l'essentiel de mon « ambition ».
Jusqu'à ce que ce conflit soit résolu, Tal Endhil n'aura sans doute pas besoin d'autre définition politique que celle de bailliage impérial : l'Empire est de fait notre meilleur allié, ce bailliage est la place qu'il nous a octroyé dans sa hiérarchie et cette place nous donne non seulement le pouvoir de mettre en œuvre notre stratégie militaire, mais aussi de développer notre économie et de légiférer quant à notre mode de vie.
Politiquement parlant, le bailliage est donc... suffisant pour l'instant.

Néanmoins, quoiqu'en pense l'Empire, les Seigneurs du Nord ou même les Emishen, Tal Endhil n'est pas une division administrative, une colonie ou même un clan. Tal Endhil est, si vous n'aviez pas remarqué, quelque chose de complètement nouveau. Tal Endhil est sa propre créature, pas seulement par ma volonté, mais par celle de ses notables et de ses habitants, par son fonctionnement même et par le précédent culturel et politique que nous représentons : nulle part ailleurs sur ce continent n'existe un pays semblable au nôtre, né de et prospérant par l'alliance –Alenn le Rimeur aime à dire l'alliage– d'autant de peuples et de cultures.

Et cet alliage n'est possible que parce que nous fonctionnons en marge des règles habituelles de l'Empire, des Ondrènes et même des Emishen, des Kerdans et des ruches fehnri, chez qui cet alliage est complètement impossible parce qu'il est impensable et interdit. Notre marginalité n'est pas qu'une question de géographie et de frontières : nous sommes "en dehors" parce que nous n'avons pas les mêmes préjugés et les mêmes priorités que le reste de l'Empire, nous n'appliquons pas les mêmes lois, nous nous moquons des hiérarchies traditionnelles et de leurs esclavages.
Ce conseil en est la meilleure preuve : aviez-vous jamais entendu parlé d'un fief impérial dirigé par un Dalane avec un intendant-maquignon (Tardil sourit), une femme politique, un chef du guet kerdan et des officiers lorunois, ou hornois ? Et je ne vous parle même pas de notre sénéchal fehnri, de notre quartier emishen, de la composition de notre armée ou de notre guilde bigarrée : cela n'existe que chez nous parce ce n'est permis que chez nous, et ce n'est permis ici que parce que nous le permettons.
Personne d'autre ne le permettrait.

C'est pour ça que j'appelle notre fief "une nation" : parce que si notre identité est encore floue et qu'elle n'a pas fini de mûrir, sa caractéristique la plus évidente est déjà de n'être pas comme ailleurs. Que ses voisins s'en aperçoivent ou pas, Tal Endhil est donc indépendant par principe, parce que Tal Endhil n'est possible qu'en dehors des cadres établis.
Le "village miracle" qui a abouti à notre fief était déjà, lui-même, né d'une expérience multi-culturelle simplement permise par l'indifférence des conquérants de tous poils. Enfin, à une exception près, qui aurait pu être notre perte si le rebelle Lashdan avait conquis l'endroit, mais la fortune des armes en a décidé autrement...
Cette indépendance est également un avantage de poids : c'est ce qui nous permet déjà de faire prospérer notre vallée en circonvenant largement aux contraintes économiques du reste de Marches, c'est ce qui nous permet de la protéger derrière la Frontière de l'Orage et c'est encore ce qui nous permettra d'aider les Impériaux à détruire les Ondrènes.

Au final, mon cher Dario, je ne prétends pas définir Tal Endhil : je ne sais pas ce que nous allons devenir, je ne saurais même pas expliquer exactement ce que nous sommes déjà. Justement parce que nous sommes inouïs : le vocabulaire pour nous décrire n'existe peut-être pas encore.
Mais ce dont je suis certain, par contre, c'est que Tal Endhil existe par son exception même : c'est ainsi qu'il est né, c'est ainsi qu'il fonctionne et qu'il se développe. Je ne sais pas jusqu'où ira notre indépendance, je n'entrevois encore que vaguement ce qui est possible en la matière, mais je peux au moins vous dire une chose à ce sujet :
sans cette guerre, aucune des trois factions belligérantes ne permettrait à Tal Endhil d'exister. Les Rebelles emishen nous balayeraient avec le reste des colons dirsen, les Ondrènes nous livreraient à Rhilder et même l'Empire finirait par nous mettre au pas, par rétablir ses lois et son autorité sur nous dès que la paix mettrait fin à notre utilité stratégique.

Pour Tal Endhil, gagner la guerre veut donc dire non seulement survivre au conflit, mais en sortir assez fort pour n'être pas anéanti ou absorbé dans la paix qui suivrait. Si nous tenons jusque là, nous verrons bien alors quelle tournure prend notre nation.
Mais d'ici la fin du conflit, l'autonomie que nous donne le bailliage suffit à nos plans. Et avant que la guerre ne cesse, notre nation aura probablement évolué au point que des hypothèses formulées aujourd'hui n'auraient plus guère de sens. Mais pour que cette évolution soit seulement possible et que nous continuions de survivre et de grandir jusqu'à la fin du conflit et même au-delà, ce futur Tal Endhil doit rester marginal, exceptionnel et indépendant. Tout simplement parce que c'est ainsi que nous existons."

Dario reste dubitatif.

"Je perçois deux difficultés à votre plan. premièrement le recrutement, quadrupler nos effectifs cela signifie quoi , environ 200 hommes ? A l'heure ou la guerre gronde 200 hommes d'armes vont couter très cher, bon l'argent ne sera pas un probléme si j'ai bien compris mais encore faut 'il trouver un si grand nombre d'homme et après cela leur faire confiance. j'imagine que nous pourrions débaucher mais cela ne risque pas d'améliorer nos relations avec ceux qui les perdrons Ensuite passer au crible tous ces hommes pour éviter d’être infiltrer par des espions de tout bord va relever de l'exploit.

Herle, Mérane avez vous une idée d’où trouver ces mercenaires ? Y en aura t'il assez à Aroche?

Deuxième difficulté le bateau, notre autonomie de ce point de vue est très importante. Néanmoins investir dans un bateau est un gros risque, vous le savez la route maritime jusqu’à Aroche est dangereuse: en plus des fortunes de mer la guerre apporte toujours son lots de complication. Néanmoins j'ai quelque idée a soumettre, si vous désirez acheter un navire il vous faut un équipage et un bon. Je pense pouvoir convaincre pas mal de mes cousins Celsine de monter a bord et croyez moi il ne seront pas gêner de travailler pour un reman si la paye est bonne et qu'il travaille avec d'autre kerdans.... Car je pense en effet que s'il faut nous affranchir du monopole Sotorine il est tout de même préférable de travailler avec eux, les convois seront plus sur que des navires isolé. Et si vous avez des doutes sur l'équipage que je propose je peux vous garantir qu'un grand nombre de kerdans serai ravie de s'affranchir du pouvoir des grandes familles pour peu que le jeux en vaille la chandelle. Avez vous déjà réfléchie a qui en serai le capitaine d'ailleurs ?

Durgaut se cale tranquillement dans son fauteuil pour répondre :
"L'armée de Tal Endhil comptant depuis peu 96 soldats, quadrupler nos forces nécessite en fait d'enrôler quelque 300 hommes, mais tous n'ont pas besoin d'être des guerriers accomplis dès le départ, ni d'être embauchés de l'extérieur...
Islinna et Adira vont commencer par nous ramener des Liam'Lon. Car nous n'allons pas nous contenter d'acheter des terres au nord de Ker Endhil à nos nouveaux alliés, nous les inviterons aussi à se mêler à nos cultures au sud du fleuve : d'ici les prochaines Labours, j'entends bien que des centaines de Liam'Lon se trouvent sur le chemin de quiconque voudrait nous envahir par les plaines du Sud-Est.
Leurs fermes seront une nouvelle étape pour les patrouilles du bailliage comme des Sentinelles, et je compte faire une offre en notre nom propre à plusieurs chefs de manades : nous échanger des guerriers contre divers produits manufacturés sortis de nos forges.

Ensuite viendront les Gardes-Lunes : le vieil Herrengard et son fils Alastor semblent prêt à investir chez nous, c'est même pour ça qu'il nous envoyé un observateur. Mais en plus des fonds, nous allons leur demander de nous envoyer des troupes : quelques dizaines de bons guerriers lorunois endurcis, loyaux à leur seul baron et amateurs de chasse au sorcier.
Une offre différente sera faite aux Kerdans : les Celsine, les Negrine et les autres familles "mineures" présentes à Aroche, et bien souvent condamnées à la servitude des dynasties plus puissantes : nous allons d'abord les employer à constituer l'équipage de notre nouveau navire, mais à termes nous embaucherons aussi des rameurs, des arbalétriers et des éclaireurs.
Je ne sais pas encore qui commandera cet équipage, mais je suis ouvert à toutes les suggestions...

Nous continuerons également de racheter des esclaves –à Aroche et ailleurs– pour les affranchir et les intégrer soit à nos mines et nos fermes, soit à notre armée : je ne doute pas que nombre d'entre eux conserveront des rêves de revanche contre les Ondrènes esclavagistes.
Il y aura aussi des Hornois : l'offre que Mérane n'a pas pu faire au bastion la dernière fois, vous allez la renouveler lors de votre prochain séjour avec l'aide d'Aroahnfar le Bâtard, qui vous rédigera une belle lettre d'introduction, transmise par l'armurier métis. 20 ou 30 hotars de plus suffiront, car je compte surtout leur faire former et encadrer nos soldats débutants.
Car, ne vous y trompez pas, le camp d'entraînement des Essarts n'a pas été conçu que pour reconvertir nos ex-conscrits : il servira désormais à former tous ces gens, des esclaves aux hommes engagés parmi les colons, dont le nombre ne va cesser d'augmenter et qui seront eux-mêmes recrutés d'abord dans la Marche des Lacs, celle des Lisières et à Aroche même, puis jusqu'à Duriane.
Je n'exclue même pas de m'adresser à certains capitaines mercenaires de mes compatriotes : nombre de Dalanes qui servent aujourd'hui les Seigneurs du Nord pourraient être intéressés par Tal Endhil.

Bien sûr, nous devrons nous assurer de la loyauté de tous ces gens, en effet, mais nous avons désormais quelques moyens pour ce faire, et Andréas viendra à termes renforcer le dispositif."