36) "Profondeurs" : Différence entre versions

De Marches du Nord
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Version actuelle en date du 20 mars 2021 à 09:51

À la fin du mois des Charbons, les Talendans venus hiverner à Felriane se sont joint –temporairement– au plan de Valeria "Negra" et de ses "investisseurs" hornois pour récupérer d'antiques artefacts tout autour du Golfe de Meren, pour la coquette somme de 1000 £unes pièces. Leur premier objectif se trouvant apparemment dans les Îles Lucanes, L'Orso reprend la mer à destination de Méharle, pendant que leurs compagnons restés à terre continuent de se mêler aux intrigues de la politique felrianaise...

PROTAGONISTES :


Dernier navire pour Méharle

Les Talendans prennent quelques jours avant le départ vers les îles Lucanes. Bartolome en profite pour recruter un nouvel équipage, tant pour l'équipée vers les îles (puisque la cousine Vera souhaite rester à Felriane) que pour le futur navire qui sera armé par Adira. Avec l'aide d'Ordano, il recrute comme quartier-maître Ofelia Celsine, une mère de famille ayant la trentaine et besoin d'argent suite à la ruine de sa famille. Elle est cartographe, intelligente et mène ses troupes à la baguette : exactement ce dont Bartolome a besoin pour gérer l'équipage hétéroclite de l'Orso. Trois autres marins sont recrutés : Gonzague Sotorine, marin et cuisinier d'un certain âge (et prêt à reprendre la mer pour échapper à sa femme), Dagmar, un orsani aimant la castagne qui fut lié à l'Ondhor (recruté à la Cambuse) et enfin Marivin, un ancien pêcheur de perles lui aussi un peu truand.

Il s'avère que les Sotorine de Paremine n'ont rien d'utile à dire au sujet des Îles Lucanes, aucun n'ayant jamais navigué vers ces îlots situés dans une anse dépeuplée à l'Est d'Enssyane, quoique ces îles appartiennent probablement au comté de Méharle (personne ne les revendique vraiment). Néanmoins, l'Oncle Garciàn, pilote du comptoir Sotorine de Tharguel a souvent contourné les Lucanes lorsqu'il faisait la traite du sel entre Lorune et à Senacore, et il précise que ces eaux n'ont jamais vraiment été sondées par personne : même avec le faible tirant d'eau de votre Orso, il faudra être prudents. Il sait au moins qu'approcher ces îles par l'Est ou le Nord est une mauvaise idée (bien trop de hauts-fonds) et que la route "habituelle" consiste plutôt à approcher l'archipel par ses eaux les plus profondes, à l'Ouest. Pour obtenir plus de précisions, Garciàn recommande s'adresser à Riwald Barandir, marchand assez important à Mélanque, qu'il n'a plus eut le plaisir de visiter depuis quelques années mais qui connaît la plupart des marins haréliens et se montrait très hospitalier quand les Sotorine lui livraient de l'huile et du sel. Theresa propose également de rentabiliser le voyage en emmenant une cargaison de verrerie, de cosmétique, de fourrures de Tal Endhil, d'huile d'olive corvadienne et de vins felrianais, marchandises un peu disparates mais qui devraient se vendre aisément. En échange, Theresa aimerait se procurer des cordages de marine : il paraitrait que les chantiers navals de Bastelle vont redémarrer...

Juste avant le départ, Vera informe les autres qu'elle participe à une sorte de comité sanitaire à propos de l'épidémie de grippe sylvestre[1] qui sévit dans les Royaumes Ondrènes. La situation semble particulièrement grave en Lorune, où il y aurait plusieurs milliers de morts (plus tard, les PJ auront confirmation que la cité d'Elorsame fut la plus touchée...).


Royaume-Ondrene.png

En mer

Si les températures se sont légèrement refroidies (il paraît même qu'il pourrait neiger), la mer n'est pas trop agitée. L'Orso peut donc étrenner son nouvel équipage (il ne reste de l'ancien que Ertrond et Gregorio). Il lui faut quatre jours pour faire la traversée. Le trajet ne passant pas trop loin des îles Triton, Bartolome fait un léger crochet à la demande d'Esébilio : ce dernier souhaite en effet "sonder" la présence de la balise marine avec sa lanterne. Cela fonctionne et le moine-archéologue-ingénieur peut obtenir une sorte de signature de l'artefact... et aussi constater que cette dernière n'est pas du tout stable et semble clignoter.

Les petites affaires d'Esébilio ont - comme d'habitude - nécessité d'éloigner son Templier de garde du corps en le faisant participer aux manœuvres de navigation. Ce petit manège n'a pas échappé à Ofelia, sans compter qu'elle trouve extrêmement étrange le caractère hétéroclite de l'équipage de l'Orso, qui de plus ne navigue même pas sous pavillon Sotorine. La perspicace quartier-maître demande donc des explications à son nouveau capitaine. Bartolome, après en avoir conféré avec Islinna, Vighnu et Esébilio, décide d'expliquer plus en détail ce qu'ils vont faire aux Lucanes, en présentant l'équipage comme chargé d'une "opération clandestine" au nom des Sotorine pour enquêter sur cette étrange affaire d'artefacts marins. Cette présentation relativement franche des choses semble satisfaire Ofelia, même si tout cela la trouble profondément.

À Mélanque

Une petite foule attend l'Orso sur les quais du port de Mélanque à son arrivée. Cela fait des semaines qu'un navire Kerdan n'a pas débarqué et tout le monde demande des nouvelles du monde extérieur. Personne ne semble être au courant de l'épidémie de grippe, par exemple. Islinna et Bartolome se renseignent sur le contact donné par Garciàn. Il s'avère que Riwald Barandir est mort il y bientôt deux ans et que c'est sa fille Riwen Barandir qui a repris l'affaire familiale. Les talents de négociatrice d'Islinna font encore une fois effet, et bien qu'un peu sceptique au début, la marchande se révèle plus qu'intéressée par un partenariat commercial avec les Sotorine, car elle souffre d'un véritable problème de transport de ses marchandises (essentiellement du lin, du chanvre, des céréales, un peu de fer et beaucoup de cuir et de maroquinerie). Les seuls à venir un peu régulièrement sont les Torodine, qui se livrent essentiellement au commerce d'esclaves... Riwen dispose de cordages, mais ces derniers se révèlent d'une qualité plus que médiocre : il vaut mieux pour nos Protagonistes acheter du chanvre brut (lui de bonne qualité) et effectuer la transformation à Bastelle où la main d'œuvre ne manque pas. Vighnu suggère une idée : ne pourrait-on pas embarquer quelques ouvriers locaux en direction de Bastelle et les former à la fabrication de cordages de qualité supérieure ? L'idée semble faire son chemin...

Quant aux îles Lucanes, Riwen peut mettre en contact les Talendans avec des marins qui sauront leur indiquer un accès. Mais elle les prévient : il leur sera difficile d'échapper à l'attention de l'inquisiteur local, un certain Raynald de Véruse (qui aurait d'ailleurs bossé avec Rovisto Celsine avant d'être nommé inquisiteur). Ce dernier cherche à se rendre dans les Îles Lucanes depuis plusieurs mois et ennuie tout le monde avec cela.

Nos protagonistes décident alors qu'il est préférable d'éviter d'avoir à embarquer l'importun et sa probable escorte templière. Pour cela, on vendra les marchandises au retour afin de partir au plus vite. Bartolome entreprend donc de recruter un pilote en la personne d'un certain Edlund "le Chalon", un ancien pêcheur qui non seulement a été aux Lucanes, mais qui en plus y a été prisonnier. Le type est par contre clairement alcoolique, arrivant déjà fin bourré le matin du départ (à l'aube !).

Le Sceau des Eaux-Jumelles.

Entretemps, Esébilio découvre que Raynald de Veruse a été appelé à Léandre avec son bras droit, le chevalier marélien Horohnred de Palerive, après que plusieurs courtiers d'esclaves aient trouvé la mort dans des circonstances curieuses. Ayant vite découvert que les crimes étaient liés à une sorte de "chanson maudite" arrivée des Marches en même temps qu'une fournée d'Emishen arrivés d'Aroche il y a bientôt trois mois, Raynald et ses templiers ont bientôt identifié les quelques chamans que comptait le chargement, qu'ils ont aussitôt brûlés vifs. Il semble que ça ait suffi à régler le problème puisque le seul assassinat commis depuis (il y a trois huitaines) eut pour victime un marchand "pas d'esclaves" en visite, Octave Loryame, dans la poitrine duquel les meurtriers ont gravé un curieux ovale fendu de vaguelettes (qu'Esébilio sait être le Sceau des Eaux Jumelles) : ayant déjà eut du mal à le faire venir pour le convaincre d'investir dans le développement du comté, les autorités désespèrent maintenant de trouver les coupables. À la Bibliothèque Impériale de Mélanque (qui laisse un peu à désirer), Esébilio déniche un vieux texte décrivant, d'après divers témoignages et des chroniques datant des Royaumes Côtiers, la visite aux Lucanes d'un missionnaire de Rem qui, il y a un bon siècle, y aurait trouvé six îles habitées par une population de quelques milliers d'âmes et, sur un îlot isolé, une sorte de temple troglodyte à moitié immergé dont l'unique - mais énorme - colonne était ornée d'un ovale fendu de vaguelettes. Le texte ne donne malheureusement aucune indication sur l'emplacement du temple ou de son îlot.

Pendant ces recherches, Islinna a trouvé un entrepôt où déposer la cargaison et elle commence à répandre diverses informations contradictoires sur votre prochain départ, que Vighnu prépare pour le "mauvais" matin, permettant à l'Orso de quitter le port de Mélanque à l'aube "pour ne pas rater la marée", après avoir signalé à la capitainerie votre profond regret que l'inquisiteur se soit apparemment trompé de date, alors même qu'il avait une place à bord... c'est vraiment trop bête !

Hargard

Ofelia estimant que le trajet ferait arriver l'Orso aux Îles Lucanes au beau milieu de la nuit, il est décidé de faire une étape dans un village situé sur la côte, que les Talendans espèrent encore civilisée, Hargard. Pendant le trajet, Islinna interroge le pilote recruté par Bart sur son "expérience malheureuse" dans les Lucanes. Mis en confiance, le marin accepte de raconter son expérience et il s'avère qu'il est clairement traumatisé par ce qui lui est arrivé. Edlund est l'ancien quartier maitre d'un navire de pêche. Il avait réussi à négocier un droit de pêche dans les lucanes, droit qu'il a exercé avec un filet dérivant en raclant les récifs. Les Lucans l'ont très mal pris et "il y a eu des mots". Edlund et ses hommes ne se sont pas laissé impressionner par les autochtones et les pêcheurs se sont mis à l'ancre au large pour passer la nuit - espérant pêcher à nouveau le lendemain matin. Pendant la nuit, le navire a été attaqué depuis sous l'eau par des "bêtes" qui ont cisaillé le navire. Edlund a alors été capturé avec 6 survivants de l'équipage et ils furent enfermés dans une caverne partiellement immergée. Il y a passé trois semaines dans le noir complet, pendant lesquelles ses compagnons ont été mangés par des "trucs lumineux à tentacules". Edlund a survécu parce qu'il était le plus loin de l'eau dans la caverne, mais il en garde des cicatrices et il a perdu des orteils. Il a fini par être sauvé de cet enfer par des compatriotes qui l'ont échangé. Comme il est le seul survivant, personne n'a cru en son histoire. S'il a accepté l'offre de Bartolome, ce n'est d'ailleurs pas que pour l'argent, mais aussi pour se convaincre qu'il n'est pas fou. En tout cas, Edlond a l'air soulagé de s'être confié (et que visiblement on le croie) et il accepte de lever le pied sur la consommation d'eau-de-vie locale (alors qu'il avait embarqué sur l'Orso avec deux tonnelets).

La navigation se passe bien mais le vent contraire fait que l'Orso arrive en début de nuit au "port" de Hargarde. Il n'y a quasiment aucune lumière, il neige et c'est dans une obscurité presque totale et un silence de mort que Bartolome parvient à faire accoster son navire tout en délicatesse. Se fiant à sa longue expérience en matière de tavernes, le capitaine repère une légère odeur d'hydromel et se dirige vers une maison longue et basse dont il entreprend de pousser la porte lourdement calfeutrée de l'intérieur. À l'intérieur, une douzaine de personnes, des chopes d'hydromel devant eux, regardent d'un air interloqué le grand kerdan entrer dans les lieux. "Brrr, fait pas chaud, hein !" lâche-t-il en Langue des Pères. Un silence de mort lui répond.

Finalement, avec les efforts conjugués d'Islinna, Bart' et la traduction d'Edlond, les Talendans parviennent à se faire suffisamment comprendre des locaux avec leur patois Ondrène pour se faire servir une soupe de poisson (délicieuse) et de l'hydromel. La communauté est réellement isolée, même Mélanque semble être le bout du monde. Les tentatives de commerce ne vont pas très loin, les locaux n'ont à vendre que quelques moutons. Le village ne compte en fait aucun jeune : tous s'en vont dès qu'ils le peuvent. L'évocation des Lucans les inquiète : l'hiver serait "la saison des Lucans" où la mer est à eux.

Après avoir passé la nuit sur l'Orso, l'équipage retourne au village au matin. Il neige toujours et Hargarde semble toujours aussi morte, mais les Talendans souhaitent parler au chapelain local pour savoir s'il a d'autres informations sur les Lucanes. La chapelle des Pères se révèle être poussiéreuse et le chapelain gravement alcoolique. Ses ouailles ne viennent pas au culte, selon lui ce sont des païens se livrant égorgeant des moutons dans une crique à deux pas du village afin de se protéger des Lucans. Intrigués par cette information, l'équipage se met en route vers cette crique. Et effectivement, dans la crique il émerge des flots une sorte de grande "statue". Statue est un bien grand mot, puisqu'effet de l'érosion ou du piètre talent du sculpteur, il faut s'approcher de près pour parvenir à distinguer la forme de ce qui doit être... un poulpe ? Une seiche ? Des vieilles taches brunes (du sang ?) sont visibles à la longue-vue sur la statue, mais il n'y a pas de traces de passage récent dans la neige. Les Talendans décident alors d'acheter deux moutons aux locaux, puis de prendre la mer sans plus tarder.

Les Îles Lucanes

Une fois en vue de l'île principale de l'archipel des Lucanes, la navigation se révèle plus compliquée que prévu. Edlund le pilote n'a finalement abandonné la bouteille qu'une seule journée : au moment de guider le navire vers le chenal navigable il est déjà ivre. À la demande de Bartolome c'est Esébilio qui se charge de sonder les eaux, mais le moinillon est distrait par les magnifiques poissons colorés qui habitent ces eaux peu profondes. L'Orso fonce droit vers un récif et il faut que l'équipage fasse une manœuvre audacieuse de virage sur l'ancre pour se remettre dans le droit chemin. Ofelia reprend la main sur le sondage c'est finalement tout en douceur que le navire se met à quai, alors que la neige se met à tomber comme si les Talendans apportaient l'hiver avec eux.

Un étrange comité d'accueil

La nuit est déjà tombée lorsque l'Orso accoste, mais son équipage a pu avoir une vue de l'île lors de l'approche. Il s'agit d'un assemblage de rochers sombres, comme plantés dans la mer et donc le sommet arrondi émerge. Une faille sous-marine forme une lagune assez profonde (environ 30 mètres de fond) devant le port et semble traverser l'île de part en part. C'est le quai (une construction artificielle) qui en barre l'accès. Aucun navire n'est amarré et il n'y a pas âme qui vive sur le quai. Pourtant, sur une plateforme au milieu du port, un brasier a été allumé dans un grand chaudron. Seul Ordano semble y voir un signe de bienvenue.

Vighnu, Esébilio et Enguerrand s'aventurent sur le quai. La seule voie de sortie est un grand escalier massif et irrégulier, encadré d'ouvertures ressemblant à des meurtrières. Sur le quai, Islinna lance un "y a quelqu'un ?" à la cantonade. Un horrible bruit de grincement, semblant provenir du haut de l'escalier, lui répond. Puis une petite silhouette encapuchonnée apparaît. Esébilio essaie d'entamer un dialogue dans les langages qu'il connait et ce n'est qu'en essayant le vieux hornois qu'il obtient un grumpf en guise de réponse. La silhouette lui indique une ouverture et une porte ouverte et semble l'inviter à la suivre. Laissant une partie de l'équipage garder l'Orso, nos Protagonistes s'enfoncent dans l'ouverture à la suite d'Enguerrand et Esébilio. Seul Ordano s'arrête au niveau de la porte pour gratter la couche noire de saleté qui la recouvre. Derrière se trouve un métal orange : de l'airain ! Un peu plus loin, une autre porte en airain, propre cette fois : elle est gravée d'une scène représentant des individus armés de lances et affrontant un... Be'ssal ?

Redescendant un escalier, les Talendans arrivent au niveau d'un bassin, au centre duquel se trouve une plateforme. Là une autre petite silhouette encapuchonnée les attend. Elle leur offre un bol contenant un poulpe vivant. Il s'agit apparemment de quelque chose que les hôtes sont supposés manger. Ni Enguerrand ni Esébilio ne semblant disposés à goûter ce curieux apéritif, la silhouette dans une tentative de démonstration porte le poulpe sous sa capuche et entreprend de le croquer vivant. Les bruits de déglutition et le recrachage de l'encre qui s'ensuivent n'enjoignent pas vraiment à goûter la cuisine autochtone...

Finalement, une nouvelle silhouette apparaît. Non seulement elle est un peu plus grande que les deux autres, mais de plus elle descend sa capuche. Il s'agit d'une femme qui, tantôt en vieux hornois tantôt en patois ondrène, entreprend une conversation. Rapidement, elle demande aux Talendans ce qu'ils sont venus faire là, en dehors de la saison. "Et n'essayez pas de me faire croire que vous vous êtes perdus sous la neige", précise-t-elle. Après quelques tergiversations et difficultés dues à la traduction, les Talendans expliquent qu'ils souhaitent en fait trouver un artefact ancien. Cela ne choque pas la femme, qui explique qu'il y a plein de vieilleries ici, mais que cela ne pas gratuit et qu'il faudra obtenir l'autorisation du "Patriarche". Les deux moutons apportés semblent un bon moyen pour appuyer cette demande d'entrevue. Au détour de la conversation, les Talendans comprennent que ce Patriarche serait âgé d'au moins 200 ans... En attendant, ils sont priés de passer la nuit sur leur bateau.

Des lueurs dans la nuit

De retour sur l'Orso, ils apprennent par Gregorio que les moutons sont inquiets (leurs bêlements s'entendent d'assez loin il est vrai). Gregorio semble s'être pris d'affection pour l'un des moutons qu'il tient dans ses bras et qu'il a baptisé... Islinno. L'amour prend parfois des tours étranges. En tout cas, l'équipage étant confiné sur le navire, Islinna propose d'animer la soirée en chantant et en jouant de la musique. Secondée par Vighnu - qui se révèle un épatant danseur - elle met une ambiance joyeuse et rythmée sur l'Orso. Ses notes résonnant sur les rochers entourant le quai, elle attire même quelques Lucans encapuchonnés qui admirent le spectacle du haut de l'escalier. Islinna propose même d'inviter les Lucans à bord pour lier connaissance, mais ayant peur de la réaction d'Edlund s'il voit les Lucans, Bartolome préfère laisser les locaux en dehors de son navire. Ce bel intermède musical a en tout cas rassuré tout le monde : même les moutons se sont calmés.

Pendant ce temps, dans la cale, Esébilio essaye d'activer son "sonar" pour localiser la balise. Cela fonctionne mal : il faut dire que les lieux suintent d'Essence... l'Orso est amarré à un Node !

La nuit venue et le spectacle terminé, des quarts sont mis en place pour surveiller les environs, tant du côté du quai que de celui de la mer. En milieu de nuit, le capitaine est réveillé par Dagmar et Gonzague : ces derniers ont vus des lueurs inquiétantes. Et en effet, une fois sur le château arrière, Bartolome constate que le récif corallien est comme habité par des dizaines de petites lueurs multicolores qui semblent y dessiner un étrange ballet. Une lueur finit même par se détacher et laisse mollement dériver vers la lagune... et l'Orso ! Bart' décide alors de réveiller tout le monde (chat échaudé craint l'eau froide) et c'est ainsi que l'équipage voit cette lueur s'approcher lentement. Difficile d'estimer sa taille sans connaître la profondeur à laquelle elle se trouve. Bart' s'empare une perche et y accroche une lanterne. La lumière attire l'animal luminescent, qui tourne un temps autour de la lanterne avant de s'éloigner vers le récif. L'animal - peut-être une méduse ? - fait bien la taille d'un couvercle de tonneau. En cas, il ne semble pas y avoir de danger et l'équipage retourne se coucher.

La musique adoucit les poulpes

Le début de matinée se passe sans qu'un Lucan n'apparaisse sur l'étroit quai - même si les Talendans ont parfois l'impression d'être épiés par les étranges meurtrières. Au bout d'un moment, quelques courageux grimpent les escaliers. La grande porte de bronze du sommet est fermée. Bart' y cogne lourdement, sans réponse. Il tente de pousser la porte avec l'aide d'Enguerrand : elle ne bouge pas d'un iota. Finalement, après de longues minutes, les Talendans entendent une barre métallique être retirée de derrière la porte. On leur ouvre et la même femme qu'hier leur demande ce qu'ils veulent. Bart' explique qu'ils aimeraient bien retourner la voir la porte gravée, parce que cela intéresse leurs érudits (Ordano hoche la tête vigoureusement). "Hmmm... d'accord, mais à une condition : vous rejouez de la musique comme hier soir." Islinna acceptant cette condition, tout le monde redescend par le même chemin que la veille. Et tandis qu'Ordona et Esébilio restent au niveau de la porte d'airain pour l'étudier plus avant, le reste de la petite troupe (Islinna, Vighnu, Bart', Ofelia ayant préféré rester sur le navire) se retrouve au niveau du bassin.

Les lieux sont éclairés par de nombreuses bougies et les Talendans constatent que le bassin ovale est en fait traversé de part en part par un unique chemin et qu'une sortie est taillée dans la roche de l'autre côté. En fait, l'endroit ressemble curieusement à une version géante du Sceau des Eaux Jumelles ! Sur les parois de la vaste grotte il y a des sortes de gradins sur lesquels sont alignés quelque chose comme 200 Lucans - toujours encapuchonnés. C'est dans cette "fosse" qu'Islinna commence à jouer, encouragée par son fiancé. Son talent naturel s'exprimant aussi bien en milieu troglodyte, les Lucans se mettent à onduler en musique. Un vrai succès !

Bart était resté un peu plus en hauteur pour surveiller l'action. Il ne peut s'empêcher de remarquer qu'il n'y a pas que le public dans "gradins" qui ondule en rythme. L'eau du bassin semble également onduler. Puis elle commence carrément à bouillonner. Bart voit que ce mouvement est dû à une sorte de très grosse méduse qui semble occuper tout le bassin... La bête doit bien faire 15 mètres de diamètre ! "Gloups..." fait Bartolome.

En tout cas le public est en délire et au point que des gens finissent par tomber au sol d'épuisement. Vighnu, qui a compris qu'il est en train d'assister à un rituel de transfert d'Essence, fait signe à Islinna d'arrêter sa chanson épique. Il y a une bonne minute de silence avant que les Lucans n'émettent en chœur des borborygmes enthousiastes. La jeune femme annonce alors avec un sourire rempli de dents pointues :
"C'est formidable, le Patriache est très satisfait !
- Mais où est-il donc, ce Patriarche ? demande Islinna.
- Là dans le bassin.
- Gloups..." font tous les Talendans.

Tandis qu'Esébilio et Ordano (qui ont fini d'examiner leur porte) rejoignent la grotte du bassin, Islinna rappelle à la jeune femme qu'ils sont venus chercher un artefact, et que si le Patriarche est content, et bien peut-être qu'il pourrait manifester cet enthousiasme en leur donnant la localisant de l'artefact ?
"Ah oui... mais vous auriez un indice sur comment le reconnaître, votre machin ?
- Il émet une sorte de signal", précise Esébilio.
La jeune femme se penche alors dans l'eau du bassin et... boit de l'eau ? Souffle dedans ? Difficile à dire, mais quand elle se redresse, elle annonce : "Le Patriarche connait cet objet, il va vous le chercher !" Quelques instants plus tard, un long tentacule émerge du bassin dans un bouillonnement. Il tient un objet clairement métallique qu'il dépose sur la plateforme. Esébilio se précipite dessus. Un peu trop vite, peut-être. Vighnu, qui se tient juste derrière, remarque que le tentacule a frémi à l'approche du moine, comme s'il hésitait sur le mode : "J'me le fais ? J'me le fais pas ?" Vighnu n'hésite pas et il se jette sur Esébilio dans un mouvement éclair pour le mettre à l'abri, au moment précis où le tentacule s'apprête à frapper. Il s'en faut d'un cheveu : le tentacule frôle le dos d'Esébilio, laissant une sorte de trainée acide fumante sur sa robe de bure et sur sa sacoche. Étonnamment, la jeune femme se met alors à crier quelque chose en direction du bassin, que ceux qui comprennent le langage local interprète comme une sorte de réprimande à l'attention du Patriarche...

Esébilio a en tout cas dans ses mains un objet ressemblant à une sorte d'astrolabe ou de sextant, couvert de coquillages qui en bloquent les délicats mécanismes. C'est très lourd et cela a grossièrement la taille requise. Les Talendans décident alors qu'il est temps de se retirer, constatant au passage que Bartolome a filé à l'Anguedaise (visiblement il n'apprécie les poulpes que marinés à l'ail et au citron). Ils le retrouvent sur l'Orso, essayant d'expliquer à une Ofelia incrédule ce qu'il a vu. Cette dernière parvient à éviter que le capitaine ne transmette son inquiétude à tout l'équipage.

Avant de partir, et pendant qu'Esébilio examine l'artefact pour s'assurer que c'est bien la "balise", Vighnu et Bart' retournent à terre pour essayer d'échanger le grand vase en airain que la jeune femme leur avait montré la veille. Le Fehnri parvient à l'obtenir en échange d'herbes médicinales.

D'une île l'autre

L'équipage de l'Orso quitte ainsi les Îles Lucanes, un peu étonné que les choses se soient passées si bien. Aucune arme n'a été fourbie, personne n'est mort, et l'affaire s'est réglée grâce aux talents diplomatico-artistiques d'Islinna. Qui l'eut crû ? En prime, selon l'estimation d'Ofelia, le vase en airain échangé par Vighnu vaudrait au bas mot 1000 £unes ! En tout cas, cap est mis sur Mélanque, afin de pouvoir finir les affaires commerciales qui avaient été engagées.

Retour à Mélanque

Pendant le trajet, Esébilio en profite pour étudier en profondeur l'artefact. Il en déduit de nombreuses information. La "balise" est dotée d'une sorte de pointe, qui est conçues pour être reliée à un Node, tandis que l'autre côté sert d'antenne. Cette antenne permet de projeter une sorte de maillage ou de treillis, lors qu'elle est reliée à d'autres balises (il en faut au moins trois). Ce treillis permet d'empêcher les habitants des profondeurs de remonter, sans bloquer les poissons. Les réglages sont assez précis et il n'est pas étonnant qu'avec les siècles de petits déplacements dans la position des balises aient fini par dérégler l'ensemble. Plus inquiétant, il semblerait sur si le maillage magique était déployé sur terre et non sur mer, il pourrait causer de très importants dommages (comme des incendies). Voilà qui jette une lueur sombre sur ce que les Hornois pourraient faire de ces artefacts et qui achève de convaincre les Talendans qu'il faut stopper leur plan.

Arrivés à Mélanque, les Talendans décident d'aller décompresser un peu dans une taverne en se demandant comment ils vont gérer l'inquisiteur qu'ils ont laissé sur place. Nos protagonistes ont à peine le temps de se détendre qu'un chevalier du Temple à l'air peu amène et aux tempes grisonnantes se présente à eux. L'inquisiteur désire les rencontrer au Palais Comtal. Maintenant. Comprenant que cette invitation ne souffrira d'aucun délai, les Talendans le suivent. Tandis qu'Enguerrand essaie d'expliquer à son collègue que vraiment, c'est trop bête qu'on se soit trompé de date, Ofelia identifie le chevalier comme étant un certain Orhonrhed de Palerive, un chasseur de sorciers expérimenté (mais pourquoi donc un templier aguerri a-t-il été mis au service d'un aussi jeune inquisiteur ?). Au palais comtal, on les fait entrer par une poterne dans une tour ornée d'une énorme Étoile Première en métal brillant - un cadeau du Comte, apparemment. À l'intérieur, les Talendans découvrent Raynald de Veruse, un jeune homme penché sur un lutrin et qui feint la surprise en les voyant entrer. L'inquisiteur a beaucoup de questions, mais Ilsinna l'embrouille habilement en détournant son attention sur le village terriblement païen de Hargarde, avec ses messes sans fidèles et son affreuse statue de poulpe couverte d'horribles taches de sang. Un endroit bien plus intéressant que les Îles Lucanes où vraiment, il n'y a guère que quelques dizaines de pêcheurs consanguins. Le discours convainc l'inquisiteur, qui laisse partir les Talendans sans les interroger davantage sur les motifs de leur voyage aux Lucanes. Les victimes collatérales (les habitants de Hargarde) apprécieront...

Le reste de la journée est consacré à l'échange de marchandises contre les meilleurs cordages disponibles sur le port. Bartolome, Islinna et Ofelia négocient si bien que non seulement ils acquièrent de quoi remplir la soute de l'Orso, mais font en prime un bénéfice de 50 £unes. C'est Theresa qui va être contente ! Esébilio et Vighnu se sont eux eclipsés vers une auberge. En effet, Vighnu souhaite absolument envoyer un message à Tal Endhil pour informer le Bailli de leurs dernières découvertes (notamment sur la conspiration des Ondrènes). Vighnu a pu faire coder son message par Ofelia. [2] Le Fehnri pensait envoyer un pigeon, mais les communications aviaires internationales restent problématiques : il faudrait passer par un réseau existant (comme ceux des familles kerdanes ou de l'inquisition) mais le risque est grand de voir le message lu malgré le chiffrement. Vighnu s'est donc décidé à accepter la proposition d'Esébilio de passer par la Dame Blanche. Et voilà comment l'apothicaire définitif s'est retrouvé, sous la direction du moine, à graver une effigie de cire de la Dame dans une chambre borgne. Esébilio allume la bougie, fait quelques salamanecs et... le parquet de la chambre se transforme en marbre blanc tandis que la silhouette lumineuse de la Dame Blanche apparaît - exactement comme Vighnu l'avait découverte dans le Grand Nord. La Dame semble sourire à Esébilio mais n'adresse qu'un bref salut à Vighnu. "Enfin" dit-Elle à Esébilio, avant de lui tendre la main. Lorsque le moine la saisit, il disparait, laissant un Vighnu un peu interdit devant une bougie qui se consume extrêmement rapidement. Le Fehnri en soupire de dépit. Mais quelques dizaines de secondes plus tard, un Esébilio tout excité réapparaît dans la chambre.
"Oh là là c'est formidable, tu n'imagines pas, il y a une bibliothèque, et puis des rêveurs...
- Mais tu as pu transmettre le message ?
- Et plein, mais alors plein, de livres !
- Et le message, bon sang, le message  !
- Ah oui... C'est bon, Andréas devrait l'avoir."

Les Îles Triton

Ne souhaitant pas s'arrêter en si bon chemin, les Talendans décident de mettre les voiles vers les Îles Tritons, afin de souffler la balise - dont le nom plus exact serait aornkrol, mot vieux Hornois qui signifie ancre - à l'équipage pirate que Valeria y a expédié. Esebilio avait pu repérer lors du voyage aller que l'ancre était sur un îlot isolé situé à l'extrémité orientale de l'archipel des Îles Triton. Pour arriver le plus discrètement possible, Ofelia propose de longer l'île principale pour profiter de son couvert, et d'arriver au crépuscule (avec le soleil dans le dos). Après deux jours de navigation sous une visibilité très faible (obligeant Ofelia à guider le navire grâce des calculs sur carte), l'Orso arrive en vue (enfin, en longue-vue) de l'îlot. Esébilio lance un nouveau repérage de l'ancre, et se rend compte que celle-ci n'est plus sur l'îlot mais qu'elle se déplace en pleine mer. Il faut croire que l'équipage pirate est arrivé à ses fins. Une discussion s'engage au sein de l'équipage pour savoir s'il convient de poursuivre les pirates - ce qui impliquerait probablement d'aborder une esnesque orsani possédant un équipage d'une quinzaine de personnes sachant toutes se battre. Comment dans ces conditions s'assurer d'un avantage suffisant ?

Nos Protagonistes sont encore en train de peser le pour et le contre lorsqu'un Esébilio tout affolé les rejoint : il vient de détecter une forme massive, gorgée d'Essence et provenant grossièrement de la direction des Îles Lucanes les suit. Cette forme n'est pas toute seule mais est accompagnée de formes plus petites et, si elle continue à cette allure, elle sera sur l'Orso d'ici deux heures. Il ne faut pas longtemps aux Talendans pour additionner deux et deux et en conclure que le Patriarche est à leurs trousses !

Un poulpe aux basques

C'est le branle-bas de combat sur le pont l'Orso : son capitàn vient d'ordonner de lever l'ancre et de mettre cap au sud. Bartolome espère ainsi pouvoir rattraper l'esnesque des pirates en coupant au plus court, mais en traversant en pleine nuit une zone dangereuse pleine de récifs et d’hauts-fonds. L'espoir des Talendans (et la raison de cette manœuvre audacieuse) est que si le Patriarche croise d'abord la route des pirates et de leur ancre, il se détournera de l'Orso pour cette nouvelle proie. Un espoir bien maigre, mais c'est mieux que rien.

Pour passer l'obstacle des récifs, Bart' compte sur le "sonar" d'Esébilio et sur les cartes d'Ofelia. Bien qu'initialement sceptique, la Kerdane doit bien reconnaître que la curieuse méthode de navigation "à la lanterne" du moine fonctionne. L'équipage de l'Orso lui aussi arrive à dépasser son inquiétude et bientôt le navire dépasse la zone dangereuse en ayant commencé à manger l'avance des pirates tout en maintenant le Patriarche à distance. Malheureusement, le Patriarche en a sous le capot puisqu'il ne cesse d'augmenter sans allure tandis que l'équipage de l'Orso commence à accuser la fatigue. Alors que l'aube n'est plus très loin, les Talendans aperçoivent au loin les lumières de l'esnesque des Orsanis qui commence à virer de bord en direction de Felriane et de la Cambuse. L'Orso les imite, réalisant une manœuvre parfaite digne d'être enseignée à l'école de la mer Kerdane, mais malheureusement le Patriarche n'est pas ralenti par ces considérations d'esthétique maritime. Il rattrape le navire, qui soudainement ralentit et s'enfonce un peu plus dans l'eau - comme si sa soute venait soudainement de se charger d'une masse supplémentaire. Le Patriarche, sous doute fatigué de son périple depuis les Lucanes, vient de s'accrocher sous la coque tel un passager clandestin visqueux.

Après s'être laissée traînée pendant une petite heure, déclenchant une grosse panique à bord de l'Orso (en particulier lorsqu'elle a accroché l'extrémité de plusieurs pseudopodes au bastingage pour raffermir sa prise), la créature lâche prise une fois en vue de Felriane, s'appuyant sur la coque pour se propulser et manquant de faire chavirer le navire. S'élançant vivement à la suite de l'esneque des Orsanis (en tout cas vers l'est), elle s'enfonce dans les profondeurs alors que quelques navires matinaux pointaient leurs voiles à l'horizon.

Une petite heure plus tard, après que le navire a retrouvé son assiette et l'équipage un peu de ses nerfs, l'Orso s'engage à son tour dans la baie d'Émeraude en hésitant encore sur le cap à tenir lorsque Esébilio pousse un cri plaintif et s'effondre sur le pont, à la grande horreur du pauvre Enguerrand. Vighnu est en train de conclure que le moinillon n'est qu'évanoui lorsque celui-ci reprend assez de conscience pour expliquer qu'il vient d'être assommé par une sorte d'onde émise par la créature : un cri ou peut-être même un appel, et qui a dû se propager sous les flots à des centaines de milles marins...

De malle en pis

Pendant que L'Orso vogue vers les Lucanes, à l'étage "privatisé" par des Hotars de la taverne à pirates appelée la Cambuse, le malheureux Rovisto Celsine médite sur son destin farceur : depuis quelques huitaines qu'il a décidé d'aider sa sœurette Althéa à lutter contre le crime (au lieu d'en tirer profit), il a vu son mentor assassiné, a été injustement écroué dans les geôles "marines" sous le palais de Farlane, il a vu son ex-amante Valeria "Negra" demander sa mort pour renouer avec une grosse barrique de Sotorine, et maintenant des agents du Bastion Hornois le séquestrent dans une malle depuis des jours. C'est à vous dégoûter d'essayer l’honnêteté...

Hospitalité Hornoise et histoires au coin du feu

Mais ce n’est pas sa première incarcération et se braquer comme il l’a fait dans les geôles de Farlane n’a pas apporté grand-chose. Il se rend à l’évidence, il va devoir manigancer pour échapper à Valeria et ses nouveaux alliés Hornois. D’ailleurs comment elle peut lui en vouloir pour leur dernière aventure, alors que c’est elle qui l’a trahi... Et puis se remettre avec Bart' plutôt qu’avec lui ? Elle a dû prendre un sacré coup sur la tête !

Il commence donc par la seule chose à sa disposition, écouter ce que se racontent les Hotars. Mais sa pratique de la langue étant plutôt académique et surtout solaire, la compréhension du Hornois moderne lui pose pas mal de difficultés. Il en vient presque à regretter de s’être plus intéressé à ses camarades Séléne et Eva qu’à leur travaux de linguistiques. Mais en finissant par se concentrer et en puisant dans sa mémoire académique, il commence à s’habituer à l'accent rugueux et aux modifications "récentes" du Hornois. Après une bonne journée et demie , il s'adapte peu à peu et finit par comprendre que ses “hôtes” sont bien plus occupés qu’ils ne laissent paraître. Ils surveillent les pirates de la cambuse et les bateaux de la baie d’Émeraude, prennent des notes, étudient leurs cartes et vont même faire du bateau ?! Mais aussi que les Hotars obtiennent leurs ordres de l'Inflexible Sentinelle,[3] Bahardabras[4] au Promontoire du Levant qu’Hardrash contacte regulièrement.

Alors que Rovisto, reste aux aguets de nouvelles informations et tente de trouver une solution pour exploiter celles qu’a déjà obtenues, il est sorti de sa malle par les Hotars. Hardrash veut qu'il consulte les variations de marées aux alentours des Eridines[5]. À coup de déductions et de questions judicieuses, il comprend que les Hornois préparent un raid nocturne sur l’île d’Ordione et veulent son aide pour trouver un endroit où jeter l’ancre avec la Penumbra. Bien sûr, il devra les accompagner, au cas où il se serait planté dans ses calculs. Apparemment, les Hornois aiment avoir leurs “collaborateurs” sous la main, en cas d’échec, pour pouvoir administrer une sentence assez définitive…

Ayant réussi ses calculs et donc enfin démontrer son utilité, il arrive à tailler le bout de gras avec Hardrash, la nuit, lorsque les autres Hotars dorment. Après une tentative maladroite de le monter contre Valeria et se faire à nouveau menacer de mort s'il essayait encore, Rovisto passe à une autre stratégie. Il tente carrément de s'attirer la sympathie du vieux chef. Et peu à peu, cette approche porte ses fruits ! Il arrive à confirmer ce qu'il avait vaguement perçu depuis sa malle, concernant Hardrash. Il était un fantassin de tout dernier rang lors de la fameuse bataille des Degrés Célestes[6]. Le Hornois ajoute que depuis une vingtaine d’années, il est éclaireur[7],, fonction multi disciplinaire puisqu’on attend entre autres de lui de marcher en avant des colonnes militaires, faire de la reconnaissance, espionner, servir de liaison avec les moindres-sangs, étudier leurs cultures, apprendre et ré-enseigner de nouvelles techniques et, plus généralement, "préparer le terrain" pour les Horonadrim. Il lui explique aussi le garder à disposition pour reconfigurer les Aornkrolid, les fameuses balises pour lesquelles ils payent les pirates. Ces dernières ont en effet besoin d'être reconfigurées lorsqu'elles sont déplacées, via des calculs géométriques et maritimes et leur spécialiste n’est pas encore arrivé ?! Et justement, ils vont avoir besoin de lui parce que les naufrageurs d'Ordione ont intercepté l'aornkrol récemment récupéré à Orsigile. En effet, l'équipage pirate a trouvé l'ancre, mais a eu la mauvaise idée de faire une escale auprès d'un clan d'Ordione au lieu de rentrer directement, et ces Ordionis semblent avoir mis la main sur l'artefact. Donc, quand la Penumbra sera au large de Sainte-Maïse, ils embarqueront tous sur le Balandro [8] pour la rejoindre et filer vers Ordione. Là, Valeria tentera de racheter l'artefact, si elle échoue les Hotars mèneront l'assaut et, dans les deux cas, Rovisto devra se préparer à mettre l'ancre en place dès le retour à Felriane. Le redoutable chef d'escouade le met aussi en garde, une mauvaise manipulation de l'aornkrol peut s'avérer dangereuse et s'il n'arrive pas à le configurer correctement, il sera exécuté. Ce point réglé, il lui explique que les Hornois sont poussés à l'action parce que l'un ou l'autre des équipages pirate a réussi à énerver les Muréniens qui risquent de comprendre que le déplacement d'Aornkrolid à pour but de retendre le maillage solaire autour de Felriane et vont donc passer à l'action incessamment sous peu.

Voulant en savoir plus sur les dangers qu'ils vont pouvoir rencontrer lors de ce voyage, Rovisto s'enquiert des monstres marins et autres grésans. Il apprend que les Muréniens sont une nation marine pas tout à fait uniforme et surtout dirigée par les belemnid, sortes de monstres tentaculaires marins dont la description ressemble à ce qui aurait attaqué l’Antonella. Ces céphalopodes luminescents varient grandement en taille, en intelligence et en pouvoir au cours de leur très longue existence : au fil des siècles, les "petites" pieuvres que que Rovisto avait eu la "chance" de rencontrer, trois ans auparavant, au large de la Baie des Murènes peuvent devenir énormes au point de s'en prendre à une nef comme L'Antonella. De même, ils ont l'air de très bien comprendre le danger que représentent les aornkrolid et leur capacité à communiquer entre elles sur plusieurs milles marins s'accroît jusqu'à commander aux humanoïdes inférieurs comme les Grésans.

Les grésans auraient d'ailleurs été plus ou moins de la même espèce que les Hommes-Fauves avant de s'accoupler avec les siréniens, que les Ondrènes nomment gryndyllœs et les légendes felrianaises strangulots. Ce sont d'ailleurs ces derniers qui semblent apprivoiser les murènes et leurs gigantesques cousins appelés "dragons de mer", devenus non seulement le totem d'Ereshel et de sa descendance de sorcières mais aussi de certains clans ondhorœn[9].

Hardrash ajoute que les yeux disproportionnés et les extrémités palmées des Grésans en font d'excellents nageurs qui sont éblouis par la pleine lumière du jour mais, différemment, les belemnid peinent à agir hors de l'eau, au point d'être très affaiblis et de s'asphyxier lentement s'ils s'échouent à terre. Les seules méthode connues du Hornois pour les repousser sont le combat ou l'archomancie. L'Antiquaire ne peut que se réjouir de sa captivité et du prospect de participer à un raid, rencontrer des monstres marins et très probablement finir foudroyé par un artefacte solaire s'il survit jusque là.

Comprenant qu'il n'aura pas le temps d'organiser une évasion avant son départ et que s'il réussissait, il ne pourrait de toutes façons pas faire libérer sa soeur, il décide de continuer à jouer le jeu. Après négociations et sous prétexte de récupérer des informations pour préparer le raid sur Ordione, Rovisto arrive à négocier de sortir de sa malle et se déplacer dans la Cambuse. Il lui est néanmoins fait une liste exhaustive de règles à suivre sous peine d'être exécuté, mais bon, comme cela semble être le mode de fonctionnement standard Hornois, l'Antiquaire n'est plus vraiment surpris.

Des nouvelles du monde extérieur

La Cambuse

En période d'essai pour la journée, et donc sous très étroite surveillance hornoise, Rovisto se renseigne sur la côte sud d'Ordione et le clan de naufrageurs occupant la crique de Rayenfel. Au grand étonnement de ses geôliers, l’Antiquaire récolte réellement plein d’informations utiles pour préparer le raid qui leur servira à récupérer l’aornkrol perdu par la renégate Solveig de Delarane et son équipage. Les journées suivantes, il est autorisé à descendre de l’étage et leur attention se redirige peu à peu sur les pirates.

Rovisto continue de suivre sa stratégie, se renseignant plus avant et observant les opportunités qui pourraient se présenter à lui et de quelles façons il pourrait les tourner à son avantage. Il continue de se renseigner et apprend des pirates que personne n’a de nouvelles des trois premiers équipages partis en mission pour Valéria et ses clients Hornois. En effet, les pirates encore en “attente” s’impatientent et attende de savoir ce qui est arrivé aux Orsanis de Solveig partis vers Orsigile, aux Eridiens de Jorund "le Crabe", pour les Îles Tritons et aux Écumeurs de Bartolome qui ont embarqué pour les Lucanes. De fait, le doute s'installe, les autres pirates se lassent de poireauter, la tension monte entre eux comme avec les Hornois et comme Valeria la Noire refuse encore de confier les emplacements de ces trois premiers "trésors" à de nouveaux capitaines, les équipage qui lui restent "loyaux", ou, au moins, continuent d'espérer une mission à 1000£, sont désormais minoritaires.

Mais les mécontents ne sont pas unis pour autant : si plusieurs capitaines sont tout bonnement partis pirater ailleurs, plusieurs groupes, dont quelques-uns des hommes de Halbjorn le Foëne envisagent d'attaquer les Hornois pour leur piquer le pactole sans s'embarrasser à faire la chasse aux artefacts. Mais ceux-là ne se font pas confiance entre eux, et ne sont pas bien sûrs que l'argent soit effectivement à l'étage. Et ça c’est une bonne opportunité pour Rovisto ! En effet, il doit encore arriver à envoyer Halbjorn au Chevalier Hivelin de Calonthe pour libérer sa sœur, donner cette information à ses geôliers pourraient les convaincre de se débarrasser du graf. Ou, au contraire, en aidant ce dernier, il pourrait obtenir une diversion suffisante à son évasion, d’autant qu’il sait que l’argent qu’ils convoitent tant n’est plus à la Cambuse.

Pour calmer un peu le jeu, les Hornois et Rovisto se sont penchés sur les documents pris à Monrod de Kerheine comme au malheureux Jehol. Ils ont pu préciser le probable emplacement d’un quatrième artefact, dans un ancienne tour solaire sur la côte du Haut-Helgar. Mais là, entre la proximité des Grésans et les Helundris qui rôdent, le danger a fait hésiter la plupart des pirates. S'en sont suivies des tractations pour obtenir une augmentation de la prime, ces tractations ont causé une querelle entre équipages et, après deux blessés, la Noire en a eut marre : elle a donné l'emplacement à cinq capitaines d'un coup en leur montant la tête à coup de séduction et de provocations. Finalement, deux d'entre eux ont pris la mer à quelques heures d'intervalles. Lysias "le Devin", un Orbelan cinglé qui prétend avoir des visions et Karsten "les Oreilles", un Orsanis qui les collecte sur les vaincus pour s'en faire un chapelet. Avec leurs équipage, c’est une bonne brochette de crétins qui auraient pu être exploités par Rovisto qui disparaît. D’autant plus que Karsten était justement un de ceux qui voulaient s'attaquer aux Hornois… L’ambiance s’est donc un peu calmée.

Rovisto vit une autre opportunité en la personne de Vik "le Léandrais", un capitaine originaire de la baie d'Harel qui pratique d'avantage la contrebande, le pillage d'épaves et le vol de cargaison portuaire que la piraterie brutale en pleine mer. Vik est assez apprécié de Grysvor [10]. L'équipage de Vik plus malin que les deux précédents capitaines aurait bien les compétences nécessaires pour récupérer des antiquités solaires sans se faire remarquer, ni se laisser bêtement coincer par des Ordionais, comme Solveig de Delarane. Malheureusement pour ces habiles Lyciens, les Ondhorœn lorunois et orsani leur ont fait une réputation de tafioles et ces habiles Lyciens sont "sur liste d'attente" depuis bientôt deux huitaines, espérant convaincre Valeria de leur confier une mission à 1.000£. Rovisto en profite donc pour lui rendre service, espérant pouvoir demander un retour de faveur du léandrais à son retour. Il l’introduit le contrebandier à Valeria avec qui il passe de longues heures à négocier... avant de pousser une grosse gueulante et d'annoncer à la moitié de l'auberge qu'il en avait marre et qu'il se tirait lui aussi. Mais avant de partir, il glisse un clin d'œil et un remerciement à l'Antiquaire : ses Lyciens et lui viennent d'obtenir la mission secrète de rapatrier l'artefact d'Efferdame. Ce qui porte le total d’aornkrolid localisés à six avec celui repris à Monrod.

Une visite inattendue

Lors de ces divers aller-retours dans la Cambuse, plusieurs pirates lui ont mentionné la présence de "Claudia Sangrine". Une ex-corsaire balafrée et recherchée pour piraterie de Felriane jusqu'à l'Estran qui, selon les rumeurs, serait en taule dans les Îles Mordorées. Rovisto doutait donc sérieusement qu'elle puisse soudain réapparaître à la Cambuse jusqu'à ce que sa copine Brisanne, une des putains de Killhaig, l'attrape dans un recoin pour lui chuchoter que la Sangrine et un ami Ondrène cherchaient à contacter l'Antiquaire discrètement. Le lendemain soir, il ne fût donc qu'à moitié surpris lorsqu'il repéra cette "Claudia", buvant du chiro arrosé d'eau-de-vie en compagnie de Lutvik, l'Ondhorœn bossant pour Adira Pratesh. Quoique son maquillage soit assez réussi, il parvint à reconnaître la talendane Vera Sotorine !

Rovisto s'installe donc à leur table "pour discuter d'Ordione" comme il l'a fait avec bien d'autres marins de passage depuis deux jours, tâchant d'avoir l'air détendus chaque fois qu'un Hotar ou un (vrai) pirate passe à portée d'oreille, et leur explique les informations qui précèdent, ainsi que ses dernières découvertes sur les artefacts eux-mêmes et le plan des Hornois. À son tour, Vera lui explique qu'elle est venue pour le faire évader. Les Sotorine ont décidé que la préservation de leurs intérêts autour du Golfe réclamaient qu'ils interviennent dans le plan des Hornois, et ils sont prêts à libérer le Celsine en échange de son expertise à ce sujet. Vera a même déjà un plan tout à fait "talendan"...

Elle a déjà rassemblé quelques complices, une fiole d'un produit alchimique capable de produire une belle diversion, un acteur farlanais pour jouer la doublure de Rovisto, des déguisements et un itinéraire de fuite. Dès que tout sera en place (d'ici 2-3 jours), elle confiera la fiole à Rovisto pour qu'il la planque sous la cendre de l'âtre des cuisines en début de soirée, après que les Hotars soient revenus de leur entraînement à la voile : quelques minutes après que Césaire le cuistot ait relancé le feu pour préparer le dîner, la fiole explosera dans une gerbes de flammes avant de produire une épaisse fumée noire qui attirera l'attention des Hotars avant de se répandre dans la grande salle. Le Celsine devra alors foncer vers la jetée, où l'équipe de "Claudia Sangrine" aura pris possession du balandro et saboté les chaloupes des pirates.

Tous feront alors voile vers le port de Farlane, abandonnant le navire avant de se disperser dans la ville. Sauf Vera, Lutvik et Rovisto qui iront se planquer au collège ducal pour le reste de la nuit, là où même les Hotars ne risquent pas de les atteindre, et dont on peut sortir par de multiples voies. La "doublure" les y attendra avec les déguisements et, le lendemain à l'aube, Lutvik la conduira au port où elle lui a réservé une place sur un navire pour Riger, sous le nom de Rovisto Celsine. Pendant qu'ils se feront un peu remarquer juste avant le départ, Vera emmènera le vrai Celsine, maintenant déguisé en vieillard, jusqu'à une auberge discrète de Sainte-Maïse. Là, une fois tout le monde convaincu que l'Antiquaire a quitté Felriane, ils prendront un navire des Negrine vers Bastelle, où l'Antiquaire restera caché, à l'insu de tous, en attendant le retour de L'Orso. Par la suite, il devra sans doute quitter la région mais, justement, Adira lui a déjà proposé un boulot à Tal Endhil.

Malheureusement, Rovisto doit à son tour l'informer que la Penumbra doit arriver le lendemain soir pour embarquer Valeria, les Hornois et l'Antiquaire le surlendemain à l'aube. Tous doivent prendre le balandro pour rejoindre la nef dans la baie, puis faire voile vers Ordione pour aller reprendre un artefact, par la négociation ou par la force, et se dépêcher de l'installer quelque part au Nord de Bastelle, pendant que d'autres équipes feront de même ailleurs, notamment à la Pointe de la Lyre. Parce que, d'après Hardrash, les recherches des pirates ont attiré l'attention des Muréniens et qu'il ne leur reste plus beaucoup de temps pour remettre en place le dispositif de protection ! Les hornois comptent sur Rovisto pour "lire les instructions antiques" sur l'engin afin de le réactiver lui-même ce qui, d'après Hardrash, comporte un certain risque que l'Antiquaire meurt foudroyé en cas d'erreur.

À l’étonnement de Vera, Rovisto refuse sa proposition, arguant qu’il doit continuer à tenter de tout mettre en oeuvre pour sauver sa soeur et disparaître n’est pas une option pour lui.

Jamais deux sans trois !

Vera offre alors une pinte au Celsine qui ne se méfie pas et continue de discuter avec elle. C'est alors que sa vue se trouble et il voit du coin de l'oeil de la fumée s'échapper de la cuisine. Il a tout juste le temps de se dire "Ah non mais, c'est une blague ?!" avant de sombrer.

Lorsqu'il se réveille, il est dans un cellier qu'il ne connaît pas. Je crois qu'ils ont oublié de laisser la porte déverrouillée. Il y a quelqu'un ? On m'a oublié dans la cave et les bouteilles sont vides !. Il restera sans nouvelles de personne pendant deux jours avant que Viola Negrine ne lui ouvre la porte pour lui annoncer qu'il allait embarquer pour Ordione avec son rival en amour. Par contre, c'est crétin, Valeria m'avait déjà gardé une place sur la Penumbra pour y aller... C'est Bartolome qui est jaloux ou c'est Vera qui est habituée des plans ridicules ? pense-t'il un peu fort tout en foudroyant Viola Negrine du regard.

Un peu plus tard, il apprendra comment s'est effectivement déroulée son "enlèvasion" : presque comme dans le plan que lui avait raconté "Claudia", l'acteur en moins. En effet, pendant que Rovisto buvait sa pinte droguée, Lutvik jettait une préparation alchimique et pyrotechnique dans l'âtre, provoquant l'émission d'une épaisse fumée. Profitant de la confusion crée par ce que tout le monde à la Cambuse pensait être un incendie, Vera et Lutvik sortaient Rovisto de la taverne et se dirigaient vers la crique en contrebas. Avec leurs complices qui les attendaient dehors, ils soustrairent le navire d'entrainement des hornois des mains des deux pirates qui le gardaient mollement et mirent les voiles. Hélas, ils avaient à peine quitté la rade qu'ils se rendirent compte que la Prenumbra s'était lancée à leur poursuite ! La nef de Valeria était bien plus rapide que leur esquif et regagna du terrain, mais malgré tout Vera parvint à arriver la première au port de Farlane. Abandonnant là son embarcation d'emprunt, l'équipe talendane s'égaya dans les ruelles de la capitale felrianaise, Vera profitant de sa connaissance du quartier du Collège Ducal pour semer d'éventuels poursuivants et ne laisser aucune piste pouvant mener vers Bastelle et les Sotorine.


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Opération Aornkrol

C'est un Orso en piteux état qui finit par accoster à Bastelle : la prise du Patriarche a laissé de grandes traces d'acide sur le coque du navire, qui va avoir besoin de réparations. Mais l'équipage n'aura pas le temps de se poser la question : sur le quai, c'est la commandatora vigile de l'Arche en personne, Viola Negrine, qui les attend.

Le plan

Viola n'est pas plus que cela interpellée par l'état de l'Orso et les escorte directement à l'arche tout en les questionnant sur leurs découvertes. En effet, Grand-maman est arrivée à un plan sur la base des informations fournies par les Talendans. Elle a décidé que les Sotorine auraient avantage à mettre la main sur un maximum de ces artefacts solaires pour les offrir à la Duchesse Malaryse en échange de ses faveurs. La meilleure source à ce sujet semblant bien être ce fameux Rovisto Celsine prisonnier des pirates/Hotars, elle a demandé à Vera Sotorine de le faire évader... Mais parce qu'il refusait de s'enfuir gentiment, Grand-Maman a décidé de se passer de son consentement et Vera a enlevé Rovisto Celsine avec l'aide de Lutvik, l'arrachant de l'auberge-pirate de La Cambuse après l'avoir drogué et sous couvert d'un sévère incendie de cuisine (c'est la troisième fois qu'il est fait prisonnier en moins de 3 huitaines, le pauvre).

Un peu surpris, l'équipage de l'Orso fait part de ses découvertes sur les Îles Lucanes, la poursuite par le Patriarche et l'arrivée de ce dernier à Felriane. En échangeant avec Vera (dont les oreilles ont trainé à la Cambuse le soir même de leur arrivée), ils apprennent que les Hornois viennent de partir pour l'île d'Ordione pour aller chercher une nouvelle ancre. En effet, l'équipage pirate envoyé à Orsane par Valeria pour y récupérer une ancre stockée dans (apparemment) une vieille abbaye se serait fait attraper sur le chemin du retour par des naufrageurs Orsanis de l'île d'Ordione ! C'est quand même pas de bol. Et Rovisto aurait dû accompagner les Hornois et la Penumbra à Ordione, mais bon. Accesoiremment, il semblerait que le Patriarche ait coulé l'esnesque des Orsanis dans la baie d'Emeraude, juste après qu'il se soit arraché de la coque de l'Orso (il faut croire que la musique d'Islinna lui a vraiment plu pour qu'il n'ait pas également coulé l'Orso). Voilà qui donne à réfléchir.

Finalement, après être resté enfermé deux jours dans un cellier de l'Arche Sotorine, Rovisto a vu la porte s'ouvrir sur une bande de Talendans tout juste rentrés des Îles Lucanes et à peine gênés de lui annoncer que, finalement, eux aussi vont à Ordione : ayant bien réfléchi et synthétisé la situation, ils pensent pouvoir convaincre les Hornois et les forces ducales de travailler avec les Sotorine pour défendre Felriane tous ensemble contre les Muréniens. Parce que, si ceux-ci étaient plutôt calmes depuis que des Hornois leur ont mis une branlée il y a quelques siècles, Ceux-des-Profondeurs ont été pas mal provoqués dernièrement : surtout par la chasse aux pirates grésans menées par les Kerdans, mais aussi par l'Inquisition qui éradique peu à peu les rites des Eaux Jumelles, la tuerie de deux Be'ssal en Mer d'Écume ("ahem") ou l'actuelle tentative de leurs ennemis héréditaires pour rétablir un dispositif antique censé leur interdire le Golfe de Meren. Et comme l'Orso vient de leur démontrer que tous ces ennuis venaient de Felrane, on craint un peu qu'ils attaquent...

Vers Ordione

La Penumbra de Valeria ayant près de deux jours d'avance, il n'y a pas de temps à perdre. Sans prendre le temps de se reposer après son éprouvant voyage en mer, l'équipage de l'Orso décide de partir le plus rapidement possible vers l'île d'Ordione. Bartolome entreprend de convaincre son frère Diovire de lui confier le Coppavento - en arguant du grand plan de Grand-maman, puis recrute un équipage parmi les Sotorine en hivernage à l'arche. Esébilio fait quant à lui transborder ses balistes et son matériel (bien aidé par Vighnu et Lutvik). Il obtient même le prêt d'un scorpion qui traînait dans l'Arche. En début de soirée, il fabrique également un nouveau trait de baliste, en forme de fourche, et qu'il a semble-t-il "amélioré". Mais le moine lui-même n'a pas l'air bien sûr que ce soit une bonne idée de l'utiliser. De son côté, Islinna a envoyé un pigeon à Almerino Maletudine : les Talendans espèrent son aide et celle du Fulvio dans cette nouvelle chasse aux pirates.

Après une petite nuit de repos pour son équipage, le Coppavento prend la mer à l'aube. Le vent est favorable et le cutello file plein nord à une allure incroyable : Ofelia mesure une allure de plus de quatorze nœuds ! Le temps se couvre lors de la deuxième journée de mer (avec encore de la neige), mais le Coppavento maintient un bon rythme. Juste avant la tombée de la nuit, la vigie repère quelques voiles à l'horizon : des Grésans ! Sûrement enhardi par son échappée des îles Triton, le capitàn décide de continuer la route de nuit malgré la faible visibilité. Guidé par Ofelia qui contrôle le cap avec ses cartes de navigation, le Coppavento distance bien vite ses poursuivants. Et alors que les pirates grésans abandonnent la poursuite, l'aube pointe et le Coppavento arrive en vue d'Ordione. Le Fulvio d'Almerino étant probablement très loin, les Talendans explorent les environs à la recherche de la Penumbra. C'est Esébilio et Lutvik qui la repèrent : pourtant la nef de Valeria a des voiles couleur du ciel qui la rendent bien plus discrète qu'un navire habituel. Rovisto a expliqué aux Talendans que la destination des Hornois est le village troglodyte fortifié de Rayenfel, mais la Penumbra s'est amarrée dans une crique voisine. Il faut dire que Rayenfel est actuellement occupée par de nombreux navires : sûrement ceux des naufrageurs Orsanis réputés habiter ces lieux.


Rayenfel.png


Bartolome lance alors une manœuvre pour approcher discrètement de la crique où mouille la Penumbra. Longeant au plus près la côte de l'île, le Coppavento réussit si bien sa manœuvre qu'en surgissant dans la crique, il provoque une petite panique sur le pont de la nef, qui croit un moment être attaquée. Mais voyant que les nouveaux arrivants se contentent d'avancer tranquillement pour se ranger à leurs côtés, l'équipage de la Penumbra range ses armes et regarde avec curiosité les nouveaux venus. Explorant du regard le pont de la nef, Bart' n'y voit pas la silhouette sombre de Valeria, mais il a la mauvaise surprise d'y retrouver la vilaine figure de son quartier-maître Gordo Negrine, qui est bientôt rejoint par un grand type en armure brillante. Une planche est installée entre les deux navires et une petite délégation de Talendans, ainsi que Rovisto, débarquent sur le pont de la Penumbra. Ils sont accueillis fraichement (mais poliment) par Gordo qui leur demande tout de go ce qu'ils viennent faire là. Bart' répond qu'ils viennent proposer une alliance aux Hornois. Bartolome se lance alors dans une explication un peu approximative de leur plan, qui est traduite en hornois (et précisée) par Rovisto. Les Talendans proposent aux Hornois de laisser les ancres à la Duchesse de Felriane, en échange d'un territoire (un bastion ?) à Felriane. Sentant que l'affaire lui échappe, Gordo essaie bien de protester, mais l'Invulnérable Hornois[11] le fait taire d'un geste de la main. Si la zone située autour de Cassarenne pouvait être confiée aux Hornois, ces derniers seraient prêts à accepter ce plan. Bart' explique également que "Ceux-des-Profondeurs" sont à leurs trousses et assez fâchés. L'Invulnérable n'est pas surpris : il sait que six "vénérables" sont en route pour Ordione et seront là dans quatre heures. Pas de temps à perdre donc.

S'inquiétant du sort de Valeria, Rovisto et Bart' apprennent que cette dernière est partie avec un groupe de pirates et un groupe de choc hornois vers la crique des naufrageurs pour essayer de récupérer l'ancre. C'était la veille au soir et cela fait donc plus de douze heures qu'ils sont partis et que la Penumbra est sans nouvelles d'eux. Cela ne sent pas bon, et les Talendans décident d'aller voir ce qui se passe.

À la recherche de Valeria

Le premier problème des Talendans est de réussir à approcher du village des naufrageurs sans attirer l'attention. Valeria et ses hommes sont passés par la terre, mais il y en a pour une bonne heure à crapahuter dans les rochers. Rovisto suggère que le Coppavento passe devant la crique de Rayenfel pour attirer l'attention des naufrageurs et que pendant ce temps, l'équipe se glisse dans la crique en chaloupe. Son plan est adopté et, tandis qu'Ofelia manœuvre finement le Coppavento en faisant croire qu'il pourrait bien s'échouer sur les hauts-fonds, Bartolome manœuvre sa chaloupe en restant dans l'ombre des falaises bordant la crique. C'est ainsi que Bart', Rovisto, Vighnu, Lutvik, Dagmar, Enguerrand et Esébilio débarquent discrètement à proximité du village, pour le moment toujours invisible. Escaladant une paroi rocheuse pour atteindre le village, les Talendans remarquent une fois en haut quelques casques brillants écrabouillés dans les rochers en contrebas. Au moins deux Hornois et autant de pirates, criblés de flèches, ont semble-t-il fait le grand saut. Cela ne sent vraiment pas bon.

En haut, sitôt passé un mince couvert d'arbres, il y a une petite plaine herbeuse et derrière, ce qui ressemble à une petite tour (ou une grosse cheminée) entourée d'un mur d'enceinte : s'agirait-il de l'entrée de ce fameux "village" des naufrageurs ? Vighnu et Lutvik s'approchent à pas de loup. Ils remarquent une sentinelle et deux autres Ondrènes, assez occupés à parier sur le fait que le Coppavento (qui croise toujours au large) va ou non s'échouer. Les deux compères en profitent : les trois hommes sont rapidement (et discrètement) éliminés. Dans l'opération, ils peuvent constater que le "village" se trouve en réalité sous la tour : c'est une construction troglodyte.

Pendant ce temps, le reste de l'équipe était resté à couvert sous les arbres. "Pssst !" fait soudainement un buisson à Bartolome. S'approchant, Bart' découvre un Hornois dans le buisson : il s'agit d'Hardrash, qu'il avait déjà rencontré à la Cambuse. Le Hotar est mal en point, blessé à la jambe et une flèche dans le bide. Il explique qu'ils sont tombés dans un piège et que le reste du groupe, dont Valeria, a été capturé par les naufrageurs. Hardrash n'est sûr de rien, mais il n'exclut pas que Valeria l'ait trahi.

Laissant là le Hornois trop blessé pour se déplacer, ils rejoignent alors Lutvik et Vighnu et découvrent le "village" sous leurs pieds. Rayenfel est formé d'une succession de terrasses (une petite dizaine) descendant jusqu'à la plage, une trentaine de mètres en contrebas. Rovisto identifie la "tour" comme une cheminée Première : bref, les Talendans sont encore dans une ruine Première ! Mais ils n'ont guère le temps de jouer les archéologues : une clameur monte de la plage. En effet, les naufrageurs viennent de voir entrer dans la crique un navire Kerdan : c'est le Fulvio d'Almerino Maletudine ! Les naufrageurs s'attendent à le voir s'échouer sur les récifs et... c'est qu'il semble faire. Faisant une sorte de virage en ralentissant brutalement, il présente son flanc face au village. Et c'est alors qu'un schklonk ! sonore se fait entendre, juste avant qu'une terrasse ne s'effondre dans un affreux vacarme. Le Fulvio est armé d'une catapulte et bombarde le village !

Juste à la terrasse du dessous, une vieille bonne femme toute ridée surgit d'une grotte et commence à donner des ordres en patois Ondrènes aux hommes sur la plage : c'est visiblement la cheffe des naufrageurs. Bart' est partisan de la capturer pour savoir où sont enfermés les prisonniers, mais Vighnu abat la vieille d'un impeccable lancé de dague hornoise au beau milieu du front. La vieille chute en contrebas, en plein dans le trou causé par la catapulte - au grand dam de Vighnu qui perd ainsi bêtement une dague coûtant fort cher."Allez vient Bart', on descend, faut qu'on trouve Valeria !" s'exclame alors Rovisto. "Je connais ce genre d'architecture, en principe il y a un endroit pouvant servir de prison au premier ou au deuxième étage."

Tandis qu'un autre projectile est catapulté, les Talendans commencent à descendre les escaliers, Bart' et Enguerrand devant avec leurs boucliers et Esébilio juste derrière, avec à la main son Briquet Infernal - que Bart' et Vighnu avaient eu l'occasion de voir en action dans le Grand Nord. La mort de la vieille n'étant pas passée inaperçue, un groupe de naufrageurs armés de bric et de broc est en train de monter en direction des Talendans. Arrivés au niveau inférieur, le Capitàn fait son Capitàn[12] et organise une ligne de défense. Les assaillants s'écrasent contre les boucliers et sont repoussés, mais des archers viennent de se mettre en place un peu plus loin, touchant Lutvik. La ligne de boucliers s'écarte alors pour laisser la place à... Esébilio et sa "cornemuse" qui lâche une colossale gerbe de flammes sur les archers. Ces derniers sont instantanément carbonisés. C'est absolument horrible et l'odeur est ignoble.

"SORCELLERIE !" s'exclame alors Enguerrand devant ce spectacle pyrotechnique. N'ayant pas le temps de faire dans le social avec un templier, Bart' met un grand coup de sabre sur le heaume d'Enguerrand. Ce n'est pas suffisant pour l'assommer, mais suffisant pour que Vighnu, lui, puisse l'assommer. Le malheureux templier est alors abandonné à son triste sort.

Pendant ce temps, en haut, un groupe hétéroclite de pirates et de Hornois a enfoncé la porte et commence à se déverser dans les escaliers. Les pirates foncent vers le bas suivi d'une poignée de Hotars, mais un Hotar - équipé d'une immense bannière - reste en haut. Le son d'un cor résonne. Un autre cor lui répond d'en bas. En effet, la Penumbra vient se ranger non loin du Fulvio qui commencent à giter dangereusement. Des chaloupes ont été mises à l'eau depuis la nef de Valeria, et sur la première d'entre-elles trône l'Invulnérable Hornois comme une figure de proue vivante toute caparaçonnée d'airain. Profitant que les pirates de Valeria sèment la panique parmi les naufrageurs, Bartolome dirige une charge talendane pour enfoncer leurs lignes. Cela se révèle efficace et les Talendans sont bientôt au second niveau, où un signe écrit en vieil Hornois indique à Rovisto que des "caves" devraient se trouver là. C'est un bon endroit pour une prison, et d'ailleurs l'entrée est équipée d'une lourde porte avec des barreaux. Mais la porte a été enfoncée. Se retournant en direction de la plage, Bart' constante que le groupe des pirates semble plus nombreux et il n'a aucun mal à repérer au milieu d'eux une silhouette vêtue de noir et d'un chapeau reconnaissable : Valeria a déjà été libérée par ses hommes. C'était bien la peine de se déranger !

La bataille de Rayenfel

Sur la plage et dans la crique règne un chaos total. L'Invulnérable a débarqué sur la plage et son fauchard tournoie autour de lui, massacrant tous les naufrageurs à portée. Dans la baie, le Fulvio est pris un tel gîte qu'i n'y a plus aucun doute sur le fait qu'il est en train de couler. Le Coppavento s'est placé derrière lui, visiblement pour essayer de secourir l'équipage. Examinant attentivement la baie plus au large, Bartolome finit par remarquer des points lumineux sous l'eau, ainsi que des navires Grésans ! Fort heureusement le Coppavento semble les avoir vu aussi.

Les Talendans n'ont plus d'autre choix que de descendre eux-aussi jusqu'à la plage. C'est alors qu'Esébilio constate que sa sacoche brille et commence à chauffer. À l'intériieur, sa fameuse "lanterne" brille d'une intensité si forte qu'on ne peut la regarder. Alors que les Talendants viennent d'atteindre la plage, la sacoche finit par prendre feu et Esébilio s'effondre, terrassé par une douleur n'étant pas liée aux flammes. En haut, le Gonfalonier Hornois a déployé ce qui ressemble à un astrolabe étrange : l'Aornkrol ! Il ne faut guère de temps pour que Valeria, qui avait elle-aussi sorti son Aornkrol, s'effondre à son tour. Un pirate essaie bien de ramasser l'ancre, mais lui aussi est comme frappé par la foudre. Les pirates se contentent finalement de ramasser leur patronne et se précipitent vers une chaloupe. L'Invulnérable s'approche et s'empare de l'Aornkrol.

Pendant que les Talendans cherchent une chaloupe pour rejoindre le Coppavento, Rovisto prend le temps de récupérer ce qui reste de la sacoche d'Esébilio. Malheureusement, un Hotar s'est positionné à côté et il semble estimer que la lanterne d'Esébilio fait partie de "son héritage". Rovisto parvient toutefois à le convaincre que s'il la récupère, c'est pour la remettre à l'Inflexible Gardien, Dharomjarn à l'Étendard de la Foi‏ - dont il a miraculeusement retenu le nom complet. Le Hotar obtempère d'un claquement de bottes et se propose même d'escorter Rovisto jusqu'à la chaloupe. L'opportune arrivée du Hotar aide Bartolome à finir de convaincre (c'est-à-dire leur gueuler dessus en brandissant un sabre) un petit groupe de pirates de dégager d'une agiella "parce qu'en fait c'est la nôtre, voyez-vous". Souquant ferme dans l'agiella dans laquelle ils tiennent à peine[13], les Talendans passent à côté du Fulvio qui finit de sombrer et où Almerino est aux prises avec un énorme tentacule issu d'un moins énorme poulpe. "Tiens bon Almerino, on arrive !" lui beugle Bartolome - suscitant par sa sortie un regard un peu incrédule de Valeria, qui depuis sa chaloupe se demande pourquoi son ex aide un chasseur de pirates notoire.

Une fois sur le Coppavento, Bart' donne l'ordre de manœuvrer le navire de sorte que le scorpion qui se trouve à sa poupe puisse tirer sur le monstre qui est train de finir de détruire le Fulvio. Le bref voyage en chaloupe a permis à Esébilio de reprendre ses esprits et il installe avec l'aide d'Ertond le trait de baliste qu'il avait conçu avant le départ (et qui avait été peint en rouge pour bien le différencier des autres). Le scorpion est ajusté, Esébilio vise et - wooof ! - un trait rouge file vers le monstre tentaculaire. Il y a alors une énorme gerbe d'eau rouge et... le monstre n'est plus là. Mais lorsque la gerbe d'eau retombe, elle provoque une énorme vague qui file droit vers le large et donc le Coppavento. Le Capitàn fait manœuvrer le navire pour limiter l'inévitable choc. D'autant plus qu'au devant un autre type d'ennuis approche : une flottille de plusieurs dizaines de navires Grésans de toutes tailles...

Mais le Coppavento est rapide, maniable et aux mains d'un équipage compétent. Le corsaro prend de la vitesse et change de cap de sorte que la lame de fond l'aborde par la poupe : le choc est encaissé et de la vitesse est gagnée. La flotte grésane, elle, est désorganisée, coupée en deux flottilles inégales. Observant la situation, Vighnu suggère à Bartolome d'en profiter. Commandant aux balistaires, Esébilio endommage deux navires grésans tandis que le Coppavento effectue un quasi-demi-tour. La manœuvre fonctionne : les grésans sont pris de court, leur riposte à coup d'armes de jet s'échoue lamentablement dans la mer et le Coppavento se dirige à nouveau vers la crique.

Car du côté de la plage, les Hornois ont fait faire demi-tour à leurs chaloupes en voyant les navires s'éloigner. Bart' dit au Gonfalonier Hornois de signaler en sonnant du cor qu'ils viennent les chercher. Quant à la Penumbra, elle semble faire une manœuvre compliquée pour sortir de la crique : mais qu'est-ce que Valeria a en tête ? Bart' n'a pas trop le temps de s'interroger : quoiqu'endommagées, les deux flottilles grésanes se sont lancées à sa poursuite. Le capitàn fait alors donner le maximum de vitesse et prend un peu d'avance sur ses poursuivants aux dents pointues. Il commence à faire ralentir le navire pour permettre aux chaloupes hornoises d'embarquer et sort sa longue-vue pour observer le pont de la Penumbra, histoire de s'assurer que Valeria va bien. Il la trouve échevelée et elle-aussi occupée à examiner le pont du Coppavento à la longue-vue. Pris d'un accès de sentimentalisme naïf, Bart' se dit un instant "Oh, c'est mignon, elle aussi s'inquiète pour moi" lorsque soudain, une sorte de poids très lourd s'écrase sur le pont. Il s'agit de l'Invulnérable : sous le regard médusé de l'équipage, le chef Hornois vient d'effectuer un bond de cinquante mètres depuis sa chaloupe pour arriver directement sur le Coppavento. La force du bond a d'ailleurs manquer de renverser la chaloupe, mais l'Invulnérable n'en a cure : il se dirige d'un pas décidé vers Bartolome pour lui signaler la présence d'un danger. En effet, un autre Belemnon arrive avec la flottille : la créature est en fait accrochée sous l'un des navires. Et ce n'est pas n'importe quel genre de Belemnon : selon l'Invulnérable, il s'agirait d'un sorcier.

Comme on attend toujours les deux chaloupes hornoises, Bartolome met son équipage aux postes de combat pour se préparer à recevoir et à repousser l'inévitable assaut. Le Coppavento tire traits de baliste et carreaux d'arbalète, et reçoit une pluie de flèches en retour. Deux marins Sotorine ainsi que Lutvik sont blessés, mais l'Invulnérable se tient droit sur le gaillard d'arrière, comme si de rien n'était. Puis, il fait un nouveau bond, cette fois d'une vingtaine de mètres, pour aborder à lui tout seul un navire grésan. Son fauchard tournoie et les grésans tombent. Mais un autre navire grésan se range le long du Coppavento et des échelles sont lancées : c'est l'abordage ! Sous le commandement de son capitaine, l'équipage du Coppavento défend ses positions et tient bon, d'autant plus que les premiers Hotars viennent en renfort.

Sur le gaillard d'arrière, la bataille est terrible. Vighnu, Lutvik, Esébilio (au scorpion) et Vasco ont vu arriver ce qui doit être le "navire amiral" grésan, et des tentacules remontent de sous sa coque ! Esébilio tire au scorpion, puis les tentacules attaquent. L'un d'eux pulvérise le scorpion, deux tentent de broyer Vighnu. Mal à l'aise sur le pont glissant, le Fenhri n'échappe que de justesse au premier coup (y laissant une pièce d'armure rongée par l'acide) et c'est d'être bousculé par un Esébilio fuyant la mêlée qui lui permet d'échapper au second. Mais, bon gré mal gré, la position tient bon ! Et l'Invulnérable vient de bondir sur un autre navire grésan, y semant la mort.

Leur assaut repoussé, les grésans ayant abordé par le flanc s'enfuient en désordre - en fait se jetant à la mer, leur navire ayant été détruit à coups de baliste. Tous les Hornois étant désormais à bord, Bart' se saisit de l'opportunité, rallie son équipage et lance une manœuvre pour dégager le Coppavento. Le navire se met en mouvement, Bartolome visant l'endroit où le Fulvio a sombré - espérant y retrouver des survivants. Il constate alors que la Penumbra, au lieu de faire feu de ses balistes sur les grésans, est en train de manœuvrer pour couper la route du Coppavento ! À la poupe, on coupe encore des tentacules et on est rejoint par l'Invulnérable. Louvoyant au milieu des débris de ce qui fut la nef d'Almerino Maletudine, l'équipage repêche de nombreux survivants, dont Natalia Sangrine (quartier-maître d'Almerino) qui peste contre son capitàn qui les a envoyés au casse-pipe. Natalia peut bientôt exprimer ses griefs au principal intéressé : l'un-peu-trop-intrépide Almerino est lui aussi repêché. Il est vivant, mais le malheureux y a laissé une jambe, rongée par l'acide du monstrueux Belemnon qui a englouti le Fulvio.

C'est alors qu'Ofelia signale à son capitàn qu'on agite des drapeaux sur le pont de la Penumbra. Le message est une claire menace : "arrêtez-vous sinon..." avec une allusion au "cargo" du Coppavento. Se demandant quelle mouche a piqué son ex, et manifestement assez agacé par la situation, Bartolome fait signaler une très brève réponse, qui pourrait se résumer à "va chier". Il fait donner de la voilure et le Coppavento prend de la vitesse, fonçant droit vers la Penumbra, qui ne déclenche pas le tir de ses quatre balistes mais ne semble pas non plus vouloir bouger ! Les deux navires se rapprochent dangereusement l'un de l'autre, Bart' fait légèrement dévier sa trajectoire mais ce n'est pas suffisant. Réalisant soudainement que le beaupré du Coppavento va éventrer le flanc de sa nef, Valeria fait monter précipitamment ses voiles et évite de justesse la collision. Les deux navires passent à une douzaine de mètres l'un de l'autre, suffisamment près pour que les deux équipages puissent se dévisager (et que certains en profitent pour faire des gestes obscènes). Croisant le regard de Val, Bartolome lui crie : "Barre-toi de là, on a des poulpes aux fesses !" Car en effet, le Belemnon blessé par l'équipage du Coppavento n'a pas dit son dernier mot et il rallie de plus petits Belemnon pour se lancer à la poursuite du corsaro.

Pendant que le Coppavento change de cap pour prendre le vent (qui s'est enfin levé) et échapper à ses poursuivants, l'Invulnérable s'est entouré d'un petit groupes de hotars et contemplent une simple hache à bois. Hache à bois qui se met bientôt à briller d'un éclat surnaturel. L'Invulnérable s'en empare, se tourne vers la Penumbra et - malgré les protestations de Bart' - la lance en direction de la nef. Après avoir décrit une belle parabole, la hache heurte le grand-mât de la Penumbra qui tombe avec un bruit de craquement. Sans grande surprise, Valeria le prend assez mal et ses quatre balistes tirent sur le Coppavento. Malgré une manœuvre d'évitement, la distance est si faible que le capitàn ne peut éviter d'être touché : le gaillard d'arrière est traversé de trois traits de baliste, projetant des morceaux de bois un peu partout - mais heureusement personne n'est blessé et le Coppavento continue à s'éloigner tandis que les Belemnon se rapprochent de la Penumbra.

Malgré la perte de son grand-mât, Valeria parvient à prendre le vent et à échapper à ses tentaculaires poursuivants, mais le Coppavento, lui, a déjà pris le large avant même qu'elle n'ait pu lancer la poursuite. La bataille de Rayenfel s'achève comme une victoire pour le Coppavento et son équipage, mais bizarrement son capitàn a l'air mélancolique alors qu'il contemple à la longue-vue sur le pont de la Penumbra une silhouette brune qui est furibarde...

Funérailles en mer

Une fois en mer, et tandis que Vighnu prodigue des soins aux rescapés du Fulvio, l'Invulnérable semble être pris d'une faiblesse. Il trébuche (au point que l'ensemble des Hotars s'approche pour le rattraper), puis il doit s'assoir. Esébilio (aidé par Rovisto) essaie de récupérer sa "lanterne", alors que les Hornois semblent le considérer comme un "parjure". Esébilio se défend tant bien que mal auprès de l'Invulnérable et de Hardrash[14], se présente comme archéologue, dit que l'objet lui a été confié par Dharomjarn, explique qu'il pourra les aider à installer les Aornkrol... Rovisto finit par dire carrément qu'Esébilio est un archomancien et qu'en cela il leur sera fort utile. Le bafouillage d'Esébiolo, en tout cas, est suffisamment convaincant pour que l'Invulnérable le chasse d'un geste semblant dire "aller c'est bon, reprend ton machin et arrête de nous saouler".

Puis Bartolome est pris à part par Hardrash. Ce dernier lui explique que pour entériner leur accord, il a besoin de mettre au clair plusieurs choses, et la parole du capitàn a l'air importante. Bart' doit donc donner sa parole que l'accord avec la Duchesse sera respecté, que l'ensemble des objets avec lesquels les Hornois sont arrivés resteront à eux ("Euh... d'accord"), que Bartolome escortera leurs quatre Resplendissantes et leur suite sur son navire ("d'accord") et enfin - et ce point a l'air extrêmement important - que leurs traditions seront respectées, et cela malgré la présence d'un parjure à bord.
"Quelles traditions exactement ?
- Nous allons devoir brûler un corps. Nous aurons besoin d'une de vos chaloupes.
- Euh... c'est d'accord."

En effet, depuis plusieurs longues minutes l'Invulnérable, assis sur un tabouret, ne bouge plus du tout. Et les Hornois, sous l'œil un peu incrédule de l'équipage, commencent à retirer délicatement son armure à l'Invulnérable. Tout le monde finissant par comprendre ce qui se passe, les regards se détournent respectueusement tandis que l'armure d'airain est rangée, puis le corps enveloppé d'un linceul et déposé dans une chaloupe. Alors que la chaloupe s'écarte de la coque du Coppavento, Hardrash lance une poudre grise sur le corps, puis une torche. La chaloupe s'enflamme alors instantanément, produisant une aveuglante flamme blanche. Rovisto et Esébilio se joignent à la prière qu'entament les Hornois et comprennent alors qu'ils viennent d'assister aux funérailles du dernier Invulnérable encore en vie, et pas n'importe lequel, un général et héros solaire ! L'Invulnérable Maître des Batailles, Varhadarn au Pont Étoilé. Celui-là même qui aurait mis en déroute les Muréniens, il y a de cela 300 ans, en abattant la reine démone Erreshel !

Un pigeon est envoyé vers l'Arche de Bastelle pour informer de la réussite de l'opération Aornkrol et des demandes des Hornois, puis le Coppavento met le cap sur Felriane et Cassarenne, où les Hornois souhaitent être déposés.

Négociations Maritimes

L’Opération Aornkrol est une réussite : l'équipe de Bartolome a récupéré l'artefact perdu chez les naufrageurs ainsi que les Hornois (entre-temps abandonnés par Valeria la Noire). Les-dits Hornois possédant maintenant 5 artefacts (avec celui "soustrait" à Efferdame par l'habile équipage de Vik le Léandrais et celui repêché dans la baie d'Émeraude) ont accepté de les mettre "au service" de Felriane avec l'aide d'Esébilio et Rovisto (tous deux experts en vieux machins), afin de protéger l'île de la menace accrue des Muréniens et de leurs serviteurs Grésans. Il reste maintenant à mettre l'accord en place et à faire en sorte qu'il soit le plus avantageux possible pour les Sotorine et pour Tal Endhil.

État des lieux à la fin du mois des Loups

Islinna, Adira et Vera étaient donc en excellente position pour négocier avec la jeune duchesse au cours du mois des Neiges. Les discussions entre Sotorine, Hornois et les conseillers de la duchesse ont été d'abord ralenties par l'insistance des Hornois à installer leur futur bastion à Cassarenne et donc dans le comté de Calonthe (où la duchesse n'a guère de pouvoir), puis temporairement "mises en sourdine" durant le mois des Loups quand l'Inquisition a commencé à poser des questions gênantes.

Esébilio et Rovisto ont participé à l'installation du maillage anti-muréniens le long de la côte ouest de l'île, mais celui-ci est toujours contrôlé par les Hornois, qui exigent maintenant leur bastion avant de remettre les clés de cette "barrière solaire" à la duchesse. Quant à Islinna, elle a été bien vite absorbée par la préparation de son mariage, son récent investissement dans le rôle d'Exarque-en-second à Bastelle et la nécessité de gérer un nouveau trouble-fête : le Khujayan fehnri.

Alors que commence le mois des Frimas, Barotlome, Vera, Vighnu, Esébilio et Rovisto se réunissent pour reprendre les négociations, d'autant plus que la santé de Diana Sotorine (Grand Maman) a continué de se dégrader et qu'elle insiste pour que cette affaire soit réglée avant de rendre l'âme. Apparemment, Grand-Maman est prête à soutenir le mariage d'islinna et Vighnu, à accorder à Ranyella les ressources nécessaires à la construction du port-fluvial de Ker Endhil et même à investir dans la prochaine expédition boréale de Bartolome si ces négociations arrivent à être réglées avant la fin du mois.

Après de longues discussions, une planification assez désorganisée et plusieurs propositions refusées par ce bon vieux Hardrash, les négociateurs se répartissent les tâches suivantes entre les hornois, pour qui Bartolome et Rovisto se désignent volontaires, pendant qu’Islinna et Vighnu s’occuperont de la comtesse Flora de Calonthe et de la Duchesse.

Négociation avec l’Éblouissante Eysifanrahl

Quelques jours après en avoir fait la demande à un "Hardrash" clairement dubitatif, Bartolome et Rovisto sont pourtant invités à rencontrer l'Éblouissante Matrice des Sublimes, Eysifanrahl au Balcon Tutélaire dans un salon cossu de l'Hostellerie Rousse, la grande auberge kerdane dépendant de l'arche Torodine. À courte distance des quais de Farlane, c'est une imposante bâtisse de trois étages contenant un grand hall, 6 dortoirs et plus de 100 chambres [15], un vaste réfectoire et une bien plus exclusive pranzatura[16], une scène de spectacle, un casino et, donc, une demi-douzaine de salons généralement loués pour les tractations diplomatiques et les soirées privées.

Le Sotorine et le Celsine n'ont aucun mal à trouver l'endroit, puisqu'il est le seul à être gardé par huit Hotars, bien plus crispés que lors des combats de Rayenfel. Le Gonfalonier du Levant, dont l'Étendard tient tout juste sous les poutres apparentes, vient lui-même les introduire auprès de la Matrice des Sublimes, que les deux Kerdans ont bien du mal à apercevoir tant elle brille : de sous un amoncellement de voiles, de perles et de chaînettes d'airains qui masquent entièrement sa silhouette émane une lumière suffisante pour que la pièce se dispense de chandelles malgré l'après-midi neigeux. Et pendant qu'on sert du thé aux invités, la silhouette voilée et lumineuse parle en Vieux Hornois d'une voix mélodieuse, avec une sophistication qui se heurte bien vite aux limites linguistiques de Rovisto.

L'Antiquaire comprend en tous cas que l'Éblouissante est reconnaissante de leur aide, impatiente de prendre la mer pour rejoindre le Bastion d'Aroche et tout à fait prête à expliquer sa position. Une position d'ailleurs tout simplement stratégique : les Hornois veulent certes clore l'accès à certaines ruines solaires avant que des Moindres-Sangs ne finissent par y causer quelque catastrophe, mais surtout construire un Bastion maritime où ils pourront à termes mouiller une flotte de guerre (!) capable de défendre le Promontoire des Muréniens comme des Orsani, des Kerdans ou même des Rhûdari (les guerrières de Fehn). Et ceci dans le but de protéger tant les vestiges antiques que leur nouvelle alliée, la duchesse Malaryse de Felriane. Car pendant que les hommes perdaient leur temps en conjectures et qu'Islinna était happée par ses devoirs d'Exarque-Adjointe, la jeune duchesse et la Matrice des Sublimes ont conclu leur propre alliance militaire, impliquant la constitution d'une armée et d'une flotte felriano-hornoise. Leur préférence pour la Pointe de la Lyre n'est donc pas qu'affaire d'antiquité, c'est aussi le meilleur emplacement pour contrôler le détroit de Mæln et l'entrée de la Baie d'Émeraude, tout en plantant une forteresse "ducale" dans l'un des deux comtés les plus rétifs à l'autorité de la Duchesse. L'Éblouissante et la duchesse sont parfaitement conscientes que cette décision est presque une déclaration de guerre à la comtesse Flora de Calonthe mais elles comptent que la menace murénienne va jouer en leur faveur, pour l'excellente raison que le Sempiternel Machiniste a trouvé une configuration du « barrage géodésique » qui permet de protéger l'essentiel de la Baie et la côte Nord de Felriane... en découvrant largement la pointe de Calonthe. Il faudra un peu de temps pour que les belemnonid[17] s'en aperçoivent mais, au pire, lorsque la flotte des Maletudine aura mené un premier raid sur les Îles de Grès à la fin du printemps et que son port d'attache sera justement le seul accessible aux Muréniens, nul doute que la comtesse Flora devra reconsidérer ses options... Voilà un plan qui n'arrange guère les affaires Talendanes !

Les diplomates de la famille Sotorine s'enquièrent alors de savoir si les Hornois seraient prêts à aider la Comtesse Flora à se développer commercialement, s'ils s'installaient à Cassarenne. Cela impliquerait que le Bastion Maritime laisse les accès à la rade aux navires marchands, mais également que la future flotte hornoise puisse assurer la sécurité des équipages commerçant avec la Comtesse. Bart’ et Rovisto feront valoir que la Comtesse est intéressée par le développement d’une flotte commerciale et que dans ces conditions elle pourrait accepter leur venue. Et cela ne remettant nullement en cause leur accord militaire avec la Duchesse. Ce à quoi l'Éblouissante répond que, dans le principe, oui... mais il faudra que la petite comtesse Flora garde en tête qu'elle doit respect et obéissance à la grande duchesse Malaryse. Parce que si Calonthe continue de défier la hiérarchie féodale, à un moment, les forces hornoises vont devoir lui rappeler le principe. Il se pourrait aussi que ceux qui en bénéficient (donc les Calonthois en premier lieu) payent un impôt pour la construction et l'entretien de cette flotte.

Bart' suggère aussi de demander si l’Éblouissante est prête à faire construire sa future flotte dans les chantiers de Bastelle ? Il fait aussi remarquer que ses valeureux Hotars ont déjà pu apprécier la qualité de l’ingénierie navale Sotorine en voguant sur le Coppavento. Ce à quoi Rovisto traduira qu'elle n'est pas contre, mais elle doute d'en décider : vraisemblablement, c'est la duchesse qui décidera par quels chantiers elle fait construire sa flotte. Mais comme il semble improbable qu'elle choisisse les Melangoline de Sainte-Maïse, il faudra sans doute répartir l'énorme travail entre Bastelle, Cassarenne et peut-être encore d'autres ports Felrianais.

Le Sempiternel Machiniste recommande d'ailleurs que "les ingénieurs navals prévoyants" préparent des propositions concrètes pour leur bien-aimée suzeraine, dans l'éventualité où une certaine concurrence se développe pour ce qui s'annonce comme un très gros marché. D'abord, il y a la question du financement : une fois que les acteurs maritimes auront tous bien compris l'importance de cette flotte (donc possiblement après que certains aient... hum... "servi d'exemple" afin de motiver un vote patriotique au Grand Conseil), un nouvel impôt sera prélevé sur tous ceux qui bénéficieront de sa protection, proportionnellement à ce "bénéfice". C'est à dire que ceux qui tirent les plus grands profits du trafic maritime paieront le plus cher, alors qu'on ne demandera qu'une contribution modeste aux villages de pêcheurs.

L'apport des Hornois sera alors scientifique, technologique et militaire : du savoir-faire, des armes, des plans, un processus de construction assez "spécialisé" (différents chantiers et ateliers fabriquant divers éléments de la flotte) et des guerriers pour former les futurs équipages à l'océanomachie (le fameux "meulage de Muréniens"). Le processus de construction mis en place, il faudra sans doute beaucoup de matériaux (bois, voiles, cordages, pièces métalliques, munitions...), dont la plus grande part possible produite à Felriane même. Et lorsque la flotte sera constituée, elle aura encore besoin de ravitaillement, de ports d'attache, d'entretien et de moult autres services. Même sous ses multiples voiles, Bart' et Rovisto ont l'impression que la silhouette lumineuse leur fait un clin d'œil.

Rovisto traduit à Bart les informations de l'Éblouissante, puis les deux s'entretiennent calmement en Kerdan, s'interrogeant respectivement, confrontant leurs opinions et quand ils arrivent enfin à un accord, l'Antiquaire se tourne vers la noble Hornoise : Éblouissante Matrice des Sublimes, Eysifanrahl au Balcon Tutélaire, nous soutenons votre objectif et souhaiterions vous soumettre quelques recommandations. Votre stratégie d'obtention de la Pointe de la Lyre est fort ingénieuse, mais nous souhaiterions humblement vous proposer une voie diplomatique qui accélérait le processus et inciterait la Comtesse Flora de Calonthe à se placer en faveur de notre alliance.
Rovisto laisse une petite pause.
Cette dernière ayant comme motivation principale les gains financiers, nous suggérons de lui révéler l'existence du futur impôt, en lui proposant une exemption temporaire si elle participe activement à la défense de Felriane. La reconstruction de la forteresse de la Pointe de la Lyre constituant un loyer acceptable dans cette optique, puisque stratégiquement la meilleure rade pour contrôler le détroit de Mæln et l'entrée de la Baie d'Émeraude. La durée de cette exemption fera l'objet de négociation. À celle-ci, nous suggérons trois accords commerciaux.

  • Le premier, sera la possibilité pour le Comté de placer des ouvriers rémunérés, sous vos ordres, pour les travaux de reconstruction et futurs travaux de fortifications. Bien entendu, nous ne suggérons pas la participation à l'ornement ou l'accès au sein du futur Bastion à des moindre-sangs, simplement aux murailles extérieures.Elle obtiendrait le sentiment de participer à l'effort et gagnerait un petit retour via les taxes sur la construction.
  • En second point, nous lui offriront d'acheter en priorité son chanvre et son bois pour la construction de la flotte du renouveau Solaire, la encore, participant à l'effort et s'assurant un écoulement de sa production via les Sotorine de Bastelle.
  • Pour finir, offrir à la comtesse un tarif préférentiel pour ses marchands sur les futurs navires de la flotte lors des missions d'océanomachie. De votre côté, voguer sous pavillon commercial vous offrira plusieurs avantages, d'abord, politique, ensuite financier avec le prix du passage mais aussi vous donnant accès aux ports du Golfe de Meren pour vos missions de renseignement, le tout en ne dérogeant pas à votre mission initiale. La comtesse pourra ainsi développer son commerce et participer plus grandement au financement de l'alliance.

Le cas échéant, si nos négociations n'aboutissent pas, libre à vous de continuer avec le plan du barrage géodésique faillible et de vous installer en terrain libre, mais ravagé.

"Non" répond aussitôt l'Éblouissante de l'habituel ton définitif hornois... avant de se reprendre en précisant : "Pas tout à fait...".

D'abord, la construction de leur Bastion n'emploiera pas d'autres ouvriers que hornois : c'est fondamental. Mais c'est aussi très secondaire au regard de la flotte puisque celle-ci pourra être basée à Cassarenne-même pour plusieurs années (soit d'ici que le-dit Bastion soit terminé). Ensuite, même si la comtesse de Calonthe n'était intéressée qu'aux gains financiers (et l'Éblouissante semble en douter, peut-être parce que c'est une grossière simplification de ce qu'a découvert Islinna), il ne serait pas nécessaire de l'exempter d'impôt : au contraire, la pression économique s'ajoutera à la pression stratégique (protéger Cassarenne) pour non seulement la convaincre d'accepter le projet mais l'inciter à compenser ses coûts en investissant massivement ses ressources dans la constitution puis l'entretien de cette fameuse flotte (son port, sa population, son bois, son chanvre, ses vivres...). Bien sûr, il faudra quelques mois et peut-être une ou deux attaques muréniennes pour qu'elle l'admette mais, à nouveau, l'Éblouissante n'est pas très pressée. Enfin, une flotte militaire n'a que faire de marchands (?!), des objectifs très différents et il serait indigne d'une force hornoise de battre un pavillon commercial : c'est un contre-sens.

Voyant que leur tentative s'embourbe un peu, les deux compères adoptent une approche différente et font fléchir un peu la balance sur deux arguments, en leur faveur:

  • Qu’il est d'un meilleur intérêt de s’allier avec la Comtesse et non de lui imposer un accord. Une alliance offrant à l’Eblouissante et à la Duchesse du soutien politique sur la scène felrianaise. Et pour cela, les Hornois doivent faire des concessions à la comtesse Flora (réduction des taxes, par exemple).
  • Trier les informations pour que les deux chantiers navals puissent faire des offres avant l'appel d'offres officiel, et donc favoriser les Sotorine en leur donnant une longueure d'avance sur le reste de Felriane.

Ce qui sera finalement accepté par l'Éblouissante.


  • Islinna, Vighnu, Bart' et Rovisto tentent de conclure un accord entre les Sotorine, les Hornois et la duchesse
  • Grand-Maman met la pression
  • Devanagari Lalsangesh visite l'Ananta à Bastelle
  • l'Éblouissante explique le plan
  • la comtesse Flora de Calonthe est convaincue

Bartolome et Valeria

À la fin du mois des Frimas, son travail de négociateur terminé et le chargement des soutes de l'Orizzonte, son nouveau navire, étant réglé, Bartolome décide d'essayer de retrouver Valeria Torodine. Il a déjà évoqué avec Rovisto la nécessité d'en savoir plus sur les raisons pour lequelles Valeria semble avoir trahi tout le monde à Rayenfel, et d'éviter sa vengeance. Mais surtout, Bart' veut parler avec elle. Il ne supporte pas l'idée de la quitter à nouveau, surtout sur une bataille navale. Puisqu'évidemment, elle l'aime toujours, il espère qu'une réconcialation sera possible. Grâce à une enquête et un coup de chance, Bart' parvient à trouver la planque de Valeria. Mais sa réaction ne sera pas celle qu'il espérait. Les actions de Bart' et des Talendans ont fichu par terre ses plans longuement préparés et elle semble prête à embrocher Bart' pour trahison. Bartolome en ressortira vivant, mais le coeur brisé...

La version longue est narrée sous la balise spoiler ci-dessous, non parce que c'est secret mais pour préserver tant la lisibilité du texte que les lecteurs les plus émotifs.
Grâce à une rencontre discrète avec Vik le Léandrais, le contrebandier ondhorœn ami de Rovisto qui a ramené l'artefact d'Efferdame (le fort a depuis subi une sévère attaque de Grésans, la première depuis des décennies), Bartolome apprend assez vite que Valeria s'est semble-t-il réfugiée à Loralne, ce qui accrédite la thèse qu'elle bossait pour l'ex-commanditaire de Monrod. Mais comme Bart' est "un ami de ce vieux Rovisto" est qu'il est lui-même un romantique, Vik lui murmure que si La Penumbra est donc en réparation à Lorune (et, d'après le Léandrais, ils vont lui faire un boulot de sagouins : elle aurait mieux fait d'aller à Mélanque), Val naviguerait incognito sous l'identité de "Claudia Sangrine" sur un brigantino battant le pavillon de cette famille, le Volpe Rosso. Et, curieusement, ce navire-là a été vu récemment à Sainte-Maïse, à peu près au moment où un certain Karsten les Oreilles s'en repartait vers ses Eridines natales les poches pleines, après avoir fait une grosse bamboche à la Cambuse. Vik ne peux pas promettre que le Volpe est encore à Felriane... mais avant qu'il ait fini sa phrase, Bartolome est déjà en train de foncer vers les quais de Sainte-Maïse.

Il passe plus d'une journée à arpenter l'immense port et commence à désespérer lorsque, en s'arrêtant dans une petite échoppe pour s'acheter un casse-dalle (faut pas se laisser abattre), il y remarque un jeune client kerdan aux airs vaguement familiers, enroulé dans une grande cape felmar plutôt que dans la traditionnelle gabana de sa famille, repartant avec un grand sac plein de vivres et d'amphores de vins. C'est assez singulier pour que Bart' lui emboîte le pas, circonspect (et sans même avoir acheté la fougasse à l'ail et au fromage qu'il espérait). Mais à mesure qu'il suit le jeune homme vers le nord-est le long des berges du fleuve Calame, les faubourgs cèdent la place à la campagne, les rues se vident... et le gars remarque alors le grand barbu armé qui le suit depuis une demi-heure. S'ensuit une longue poursuite assez ridicule entre un jeune type modérément athlétique surchargé de provisions et un Bart' bedonnant qui beugle "Mais arrête, je veux juste te parler !" avant que l'endurance légendaire du Gibbon des Mers prévale finalement, lorsque le poursuivi dérape sur une plaque de verglas dans un grand fracas de poteries brisées (la tragédie frappe encore), aux abords d'un hameau niché dans les joncs. Ruisselant et fumant de sueur dans la froidure, Bart' relève le jeune homme d'une seule main et, cette fois, reconnaît les grands yeux noirs, les joues encore marquées d'acné et le petit nez pointu semblable à celui de sa sœur : il vient de capturer Pietro Santino Torodine, le cadet bien-aimé de Valeria qui devait avoir 9 ou 10 ans la dernière fois qu'il l'a vu d'aussi près. Le capitàn doit quand-même lui écraser la main dans sa propre poigne parce l'imprudent dégainait son couteau de marine, mais il se fait reconnaître du jeune homme – qui ne se rappelait plus de sa tête mais a réagi au prénom avec un "Oooh..." qui sous-entend que le personnage ne lui est pas inconnu. Après avoir ramassé le sac, constaté les dégâts puis secouru une miche de pain et un joli salami avant qu'ils ne soient trop noyés de vin, Bart' mâchonne gaiement (parce que la course, ça creuse) et, quoiqu'en tenant toujours fermement "le p'tit Pietro" par un bras, tous deux entament une conversation presque cordiale tout en s'avançant vers le hameau.

Le temps que Bartolome apprenne que Pietro a fini ses études et travaille maintenant comme second assesseur-adjoint à l'Arche de Farlane (quoique là il ait pris quelques jours de congé), tous deux arrivent devant une fermette en bordure de fleuve, derrière laquelle le profil d'un brigantino disparaît sous les branches nues d'un bosquet de saules pleureurs. Dès qu'ils passent le portail donnant sur une courette où l'herbe jaunie perce entre les dalles usées et la neige fondante, un poignard courbe se glisse vivement sous la barbe du capitaine... mais s'arrête lorsque la voix de Gordo lâche : "Mais t'es pire que la vérole, putain : tu vas jamais nous lâcher ?!"
Bartolome répond alors avec son plus beau sourire : “Oui Gordo, en fait c’est ma technique de drague : je ne lâche jamais l’affaire… Maintenant, à moins que tu ne te sois reconverti en barbier, je te saurais gré de retirer ta lame. Je suis juste venu pour discuter. Toi, Val et moi, ça remonte à suffisamment longtemps pour qu’on ne se sépare pas sur un malentendu, un démâtage et un tir de baliste, tu ne crois pas ? Val est là ? Et n’essaie pas de me la faire à l’envers : je sais qu’elle aime le cépage de vino rosso contenu dans ces amphores, alors que toi tu es un buveur de bière…"
Un autre pirate, Ondrène celui-là, a déjà saisi Pietro et un troisième ouvre la porte en façade de la fermette, arc en main, pendant que Gordo contemple la possibilité d'enfin se débarrasser de Bartolome. Mais il attend, manifestement et une voix féminine ordonne finalement depuis l'intérieur du bâtiment : "Désarmez-le, et qu'il entre : je suis curieuse de savoir ce que ce faux-jeton a à dire pour sa défense..."

Poussé à l'intérieur d'une grande pièce où la lumière des volets disjoints dispute les nuages de poussière à celle d'un âtre crépitant, Bart' découvre une Valeria grimée – fausse cicatrice, perruque auburn frisée, cape des Sangrine – mais joliment furieuse. Et pendant qu'on reprend les vivres au Sotorine pour qu'une dizaine de pirates s'attablent autour d'eux en prêtant des attentions très variées à l'intrus ("Faudrait pas qu'on le ligote ? Oh du pâté en croûte !"), la capitàna n'en a effectivement que pour lui, Bartolome, qu'elle désigne de la pointe vengeresse de sa rapière !

Bartolome qui l'a trahie elle en faisant enlever Rovisto (Zwif fait la rapière en fendant l'air sous le nez de l'accusé), Bart' qui l'a ainsi obligée à tendre un piège aux Hornois pour virer l'Invulnérable de sa Penumbra le temps d'en reprendre le contrôle ("Pis déjà qu'en ouvrant leurs coffres on avait vu de longtemps qu'ils avaient pas de quoi nous payer, en fait... -_Ta gueule, Fergys, ou c'est toi qui vas prendre !"), Bart' qui a pris le parti des Hornois à Rayenfel pour s'enfuir avec son butin à elle en la privant des fruits de quatre mois de navigation depuis les Îles Mordorées, quatre mois de magouilles et de combats pour rapatrier ces connasses de Brillantes jusqu'à Felriane ("En fait, c'est Respl... Zwif ! Aïe ! Pardon, capitàna.") et se faire constamment dire que le travail n'était pas encore terminé : qu'il fallait encore introduire nuitamment leurs pétasses à Sielle, esquiver les poulpes géants, prendre le contrôle de la Cambuse, récupérer ces saloperies d'artefacts, diriger pour ça 5 ou 6 équipages de ruffians illetrés... Et maintenant, pour le seul aornkrol qu'elle a finalement pu récupérer en le payant 400 £unes à Karsten, son équipage et elle ne vont au mieux obtenir que 2.000 £unes du duc de Lorune, moins 200 pour remplacer son grand mât : 1.400 £unes pour 4 mois de campagne, c'est à vous dégoûter de la piraterie !

Les pirates attablés opinent alors du chef dans un bel ensemble, sauf Fergys qui presse un torchon sur sa joue ensanglantée et Gordo qui reste prêt à bondir dans le dos du Sotorine.

Bart est resté le plus impassible possible pendant que Val lui agitait sa rapière sous le nez - même s’il avait un peu l’oeil qui brille en la regardant (“J’adore quand elle fait ça…” Zwif ! “Hé mais elle a failli me couper une oreille !”). Lorsqu'elle a fini, il entreprend de se défendre : “Je pourrais te dire que je n’étais pas au courant de l’enlèvement de Rovisto, puisque j’étais en pleine mer, poursuivi par un poulpe belliqueux, quand l’antiquaire a été enlevé. C’est la pure vérité, mais vu que le coup venait bien des Sotorine, je ne peux pas t’en vouloir si tu me mets dans le même sac. Admettons : coupable pour cela.
Mais pour Rayenfel ? Sérieusement ? La raison pour laquelle nous sommes venus à Rayenfell, c’était pour discuter d’un accord avec les Hornois et toi. Accord dont toi et ton équipage auriez été partie prenante, si tu avais bien voulu discuter. Juste discuter, bon sang. Mais non : tu as préféré te lancer dans un ces plans consistant à frapper de tous les côtés en espérant que ça passe. Et excuse-moi de te le dire, mais ton plan était merdique. Qu’est-ce que tu crois qui se serait passé, à supposer qu’on ne se soit pas pointés ? Qu’une fois les artefacts volés, tu aurais pu échapper aux Muréniens et aux Hornois ? Tu as vu ce dont était capable ce putain d’Invulnérable ? Tu as vu ce que le Belemnon a fait du Fulvio ? Heureusement qu’on était là, bordel ! Et ce serait moi le traitre de l’histoire ? Laisse-moi rire !”

Bartolome est un peu monté dans les tours sur les dernières phrases mais, que ce soit parce qu’il a fini de vider son sac ou bien parce qu’il a remarqué que les jointures des doigts de Gordo sont devenues toutes blanches tellement il serre fort le manche de son coutelas, il marque une pause. Puis il sourit franchement à Valeria et reprend d’un ton presque joyeux : “Mais bon, ça ne sert pas à grand chose de ressasser cette histoire. Ce qui est fait est fait. L’essentiel, c’est que tu sois vivante, débarrassée des Hornois et que tu aies récupéré ta nef, même si tu es moins riche que prévu. Alors si tu veux bien ranger cette rapière et me laisser me servir un verre, on pourrait parler d’avenir, de ce que tu comptes faire, de ce que nous pouvons faire. Parce que si tu espères rester dans le coin, des raisons d’être dégoûtée de la piraterie, il y en un paquet qui arrivent…"

Son discours n'a pas l'effet espéré. La mâchoire de Valeria s'est crispée pendant la réponse de Bart', la rapière a cessé de zébrer l'air rageusement pour presque rejoindre une position de garde et alors que Bart' termine son sermon, il entend derrière lui Gordo siffler deux notes : les bavardages s'interrompent et les regards se tournent vers la capitàna. Et quand les deux forbans juste à la droite de Bart' quittent leur banc et leur déjeuner pour lui faire face en tirant leurs armes –u n Kerdan frisé tout en nerfs et un musculeux Ondrène tatoué, Bartolome prend un peu tardivement conscience qu'il est quand-même seul contre douze dans une fermette isolée, qu'il n'a prévenu personne de ses intentions et que Gordo n'est manifestement pas le seul à avoir envie de lui crever la panse... Heureusement, l'estoc de Valeria s'abaisse et, si ses yeux jettent toujours des éclairs, sa jolie bouche s'ouvre de surprise : "Mais... mais... mais quel gros con !"

"Parce que tu t'imaginais me protéger en laissant ta famille de glands faire l'exact contraire de ce qu'on avait conclu toi et moi ? Tu te croyais peut-être chevaleresque en fonçant comme un cachalot en plein milieu d'un plan qui se déroulait parfaitement ? Et en ramenant ce débile d'Almerino pour faire bonne mesure ?" (À droite de Bart', le barbu secoue la tête de désapprobation.)

"Tu sais ce qui ce serait VRAIMENT passé si l'héroïque capitaine Bartolome ne s'était pas pointé à Rayenfel la gueule enfarinée ?! On aurait raflé 3.000 £unes et au moins trois artefacts ! Parce que, pour commencer, tout le monde aurait patienté quelques heures de plus pendant que les putains de Muréniens approchaient et, au bout d'un moment, l'Invulnérable et le reste de sa clique auraient bien dû débarquer EUX-MÊMES à la recherche des éclaireurs disparus, en laissant nécessairement les artefacts à mon bord. Et dès qu'ils m'auraient vue, "captive" aux mains des naufrageurs, ils auraient dû attaquer par la plage en pétaradant de toute leur saloperie de sorcellerie et, là, oui les gros monstres leurs seraient tombés dessus À EUX. Mais moi, pauvre tanche, j'avais justement prévenu les naufrageurs et je leur avait vendu que la faux de l'Invunérable pouvait enfin ouvrir la dernière chambre scellée de leur citadelle solaire abandonnée ! Je leur avais même montré des putains de diagrammes historiques achetés à ce trou-du-cul de Rovisto ! Après que j'ai éloigné leur Karsten, ils me mangeaient dans la main, ces veaux !"

Et pendant que ces gros lourds d'Ordionnais se seraient colletés avec les Hornois et les monstres, moi et mes gars, on aurait filé par les falaises pour rejoindre la Penumbra où Gordo aurait déjà suspendu les engins en triangle autour du navire... ET ON AVAIT PLUS QU'À SE TIRER AVEC LE MAGOT !! Parce qu'on était prêts, pine de rat ! Ça faisait quatre mois que j'étudiais ces tarés de Hornois et leurs techniques ! Tu crois que c'est par hasard que j'ai expédié la gourdasse d'Orsanie déchue récupérer l'aornkrol d'Orsigile avec un type à moi pour lui recommander de faire escale à Rayenfell ? J'avais choisi l'endroit pour me débarasser des fanatiques parce que je la connais par cœur cette putain de lagune, je l'ai ravitaillée pendant des années ! ET IL A FALLU QUE TU FASSES TOUT FOIRER AVEC TA CHEVALERIE DE MERDE ! Il a suffi que le Fulvio se mette à bombarder le village pour que tout parte en chiure ! Tu mériterais que je t'arrache les couilles, tiens ! Tu crois que j'ai passé ces dernières années à attendre que tu viennes me sauver, c'est ça ? Alors que t'as même pas bougé ton gros cul quand ces enculés de Melangoline m'ont chassée des Marches... Tu sais où tu peux te le foutre ton avenir ?"

Sa rage meurt quand sa voix se fendille. Peut-être parce que Bart' est certes moins rusé mais un peu plus sensible qu'elle désormais, il entend plus de peine et de regret que de colère dans cette dernière phrase. Les pirates, par contre, n'ont pas cette finesse émotionnelle, et ils ont tous dégainé leurs armes, prêts à bondir sur le traître. Réfugié dans un coin, Pietro est pétrifié d'angoisse.

Il y a alors un silence. Il y a un silence parce que Bartolome n’a plus de mots. Il n’a plus son habituel air bravache et il a les jambes en coton. Il n’a même pas remarqué que les pirates se sont levés et le menacent. Il ne voit plus que Valeria parce qu’il est toujours en train de digérer ce qu’elle a dit. Ce ne sont pas tellement ses explications, démontrant que son plan était tout sauf merdique, ni même ses insultes, parce qu’il les mérite probablement. Non, c’est ce qu’elle a dit à la fin. Cela a rouvert une blessure que Bartolome pensait fermée depuis longtemps et plein de choses remontent en lui. Des choses qu’il avait enfouies sous des cuites à répétition et son investissement dans la création d’Écume 7 (les deux se mélangeant parfois grâce à la magie de l’alcool de genièvre Liam’Lon). Des choses dont ni lui, ni Val n’ont voulu parler lors de leurs retrouvailles à la Cambuse, probablement parce qui ni lui, ni elle, n’avaient envie de les affronter. Et alors que tout un tas un digues à l’intérieur de Bart’ menacent de rompre, il finit par rassembler suffisamment de courage pour bafouiller une réponse d’une voix rendue un peu tremblotante par le noeud qu’il a dans la gorge :

“Je... je suis désolé, Val. De ce qui s’est passé dans les Marches. Ils s’étaient arrangés pour m’envoyer au loin, pour que je n’en sache rien. J’ai même cru un moment que c’était toi qui était partie... Mais j’aurais dû être là, putain, j’aurais dû être là ! "

Reprenant un peu le contrôle de lui-même, Bart prend alors conscience du fait que les pirates ont leurs armes fourbies et qu’ils n’ont pas l’air d’être sensibles à ses paroles. Sauf le jeune Fergys qui, Bart’ en jurerait, a discrètement essuyé une larme avec le torchon qu’il presse toujours contre son estafilade. Bart’ ne peut s’empêcher de lui adresser un bref sourire en retour, comme pour l’accueillir au sein la grande fraternité des marins sentimentaux. Retournant son regard vers Val, la gorge encore un peu nouée, Bart’ réalise qu’il n’y a rien qu’il puisse dire pour arranger les choses. Alors il se tait, et regarde Valeria avec l’air un peu merdeux du clébard qui vient encore de saloper le tapis avec ses pattes crottées, mais à qui on ne dit plus rien parce qu’il est trop vieux pour changer.

Valeria ne dit plus rien non plus. Dans la salle mal éclairée, la densité d'émotions est telle que la plupart des pirates ont arrêté de manger. Un petit râblé, manifestement gêné, prétexte d'aller pisser pour quitter la pièce. Même Gordo range son poignard et lâche un grognement, sans qu'on sache bien si c'est d'irritation ou de déception. Alors, de son tabouret près de l'âtre, avec son chiffon sanglant sur la joue, Fergys explose : "Mais vous pouvez pas rester comme ça ! C'est trop triste !" lance-t-il d'une voix déchirée. Son plus proche voisin s'éloigne de précipitamment du fautif, Valeria lui lance une œillade assassine et Gordo un regard atterré, mais c'est finalement le musculeux Ondrène qui lâche d'un ton plat dans un Kerdan abominable : "Moi pirate après aimer belle Helundrie, mais famille pas vouloir marier nous."

Divers sourcils troublés se haussent mais personne ne commente. "Je vous ai parlé de mon bel Andréo ?" demande un moustachu à la paupière humide en se resservant du vin.
"Non mais... vous allez fermer vos mouilles ou faut que je les cloue ?!" tranche Gordo. En vain.
"Restez pas comme ça, capitàna, vous savez bien que ça nous fait de la peine de vous voir triste..."
Un borgne approuve énergiquement du chef et un maigrichon hirsute partiellement édenté remarque : "Su'tout que, dans d'aut' chi'constanches, j'di'ais qu'un petit abo'dage vous 'emonte'ez le moral, capitàna, mais... en che moment..." Soupirs de regrets et hochements de tête tout autour de la table. "Bartolome est venu jusqu'ici pour parlementer..." souligne finalement Pietro d'une voix faible.

Le Sotorine en profite alors pour placer ses excuses et sa proposition. Si Valeria semble considérer sérieusement la possibilité de le tuer, Gordo s'approche finalement de sa capitàna pour lui parler très doucement et, au bout de quelques instants, elle lui fait signe de faire à sa guise et rengaine sa rapière. Alors Gordo Negrine se retourne, l'air soudain très sérieux, et déclare : "Assieds-toi et raconte-nous donc l'avenir du Golfe, Sotorine, qu'on juge si tes renseignements valent notre pardon..."

Pendant que Bartolome explique la nouvelle alliance entre sa famille, la duchesse, Calonthe, les Maletudine et les Hornois, les pirates affichent des mines de plus en plus sombres, mesurant à quel point la région va leur devenir hostile. Plusieurs en perdent l'appétit, et certains sont même d'avis de se venger sur "le traître" à leur disposition, mais Gordo les fait taire pour que l'exposé continue : "Vos gueules, bandes de débiles ! Il a besoin de causer, on a besoin de savoir, alors vous la boucler et vous ouvrez vos esgourdes !" Pendant qu'il explique et répond si besoin aux questions de Gordo, Bart' lance de fréquents coups d'œil à Valeria, debout au coin de la cheminée, possiblement attentive mais certainement distante, sans jamais vraiment croiser son regard. Et lorsqu'il a fini, qu'on lui a servi un verre de vin et qu'il l'a avalé, Bartolome ne fait alors plus que la regarder, quêtant sa réponse. Le silence retombe sur le repaire des pirates et puis, les yeux secs, le visage désormais dénué d'expression, la capitàna conclut : "Va-t-en, Bartolome Sotorine. Fous le camp avant que je ne change d'avis..."

Lourdement, Bart' se lève. Il contemple un long moment celle qu'il aime et qui pourtant le chasse, Fergys renifle dans son mouchoir tâché de sang... Plus personne ne dit un mot, Gordo regarde ses bottes, et Valeria quitte la pièce. Finalement Bart', presque chancelant, ramasse sa capeline et sort en silence dans la cour où il a recommencé à neiger. Mais lorsqu'il allait refermer le portail de la cour, le battant butte contre Pietro. Avec un demi-sourire, et en vérifiant que les pirates ne l'entendent pas, le jeune homme murmure : "Elle m'a demandé de faire des recherches sur Arianna l'Ardente... Je crois... Je sais qu'elle ira au Nord à la belle saison."
On l'appelle alors de l'intérieur et il referme la porte, laissant Bartolome seul sur le chemin hivernal, un maigre espoir dans son gros cœur triste.

L'Ineffable Émissaire du Bastion, Rovistocelsine à la Tour des Annales

Les nouveaux amis hornois constatant avec surprise que Rovistosotorine[18] est à la fois doué de parole (ne pas parler Hornois, ce n'est pas vraiment parler), qu'il respecte l'étiquette (chose rare chez les Moindres-Sangs), qu'il est potentiellement capable de réfléchir (à démontrer, mais au moins "pas impossible") et qu'il semble avoir la sagesse de s'intéresser à l'Héritage (majuscule), le Redoutable Chef d'Escouade & Éclaireur, Argohramdar sur la Route de la Foi propose à l'Antiquaire d'entrer au service du Bastion d'Aroche, qui pourrait avoir l'usage d'un intermédiaire maîtrisant les langues inférieures. Il est assez apparent que c'est l'Éblouissante qui l'a suggéré, mais qu'il serait inconvenant pour elle de s'abaisser à faire directement cette proposition à quelqu'un qui lui est à ce point inférieur. Même si Rovisto sait qu'il a piqué l'intérêt de la dame... J'avais bien dit à Bart' que ce clin d'oeil voulait en dire long... J'espère que ça se passe bien pour lui et Val d'ailleurs pense-t'il en entendant l'offre d'Hardrash.

Argohramdar explique que ce serait d'abord un poste prioritaire : pas forcément à plein temps, mais réclamant une disponibilité constante et une loyauté totale, impliquant notamment une confidentialité absolue, et donc incompatible avec l'offre d'embauche d'Adira. C'est ensuite une opportunité inouïe, car Rovisto serait l'unique Moindre-Sang à travailler pour le Bastion, et un poste exigeant. En particulier, il est attendu qu'il s'améliore rapidement sa maîtrise de la langue Hornoise et qu'il se mette à la cryptographie.

Enfin, il lui est réclamé un engagement minimum de 8 années : pas de démission (mais peine de mort en cas de trahison : Rovisto commence à avoir l'habitude), pas de salaire, mais Rovisto serait essentiellement rémunéré en accès aux archives du Bastion, qui remontent à 1200 ans avant l'Ère Impériale. Bien sûr, les sources historiques auxquelles on lui donnerait accès dépendraient directement de ses performances (autant les sujets que les documents), mais si besoin il sera défrayé durant ses missions.

Les deux premières missions de l'Émissaire du Bastion seraient successivement de "finaliser" à Aroche le traité entre TE et le Bastion, puis de se rendre dans la Marche des Lacs. Accessoirement, Argohramdar lui-même doit se rendre au bailliage de Tal Endhil pour y rencontrer un Honoradrim, membre de l'armée locale. Dont l'Antiquaire identifie très vite comme le fameux Inflexible Gardien Dharmojarn à l'Étendard de la Foi.

Accessible uniquement aux Hornois

Dans les Marches des Lacs, il devra partir à la recherche d'une Éblouissante « perdue » (!?), mission défrayée d'un soleil d'or par mois. Et, à ce tarif-là, l'Antiquaire se débrouille pour ses voyages, son logement, etc.), mais au besoin, un garde-du-corps sera fourni.


Épilogue : tout finit toujours par un mariage

Après bien des tractations, les Talendans ont donc convaincu la comtesse Flora de Calonthe d'accepter les Hornois sur son territoire en échange de débouchés pour ses matériaux, de revenus pour son port de Cassarenne et d'un juteux contrat de construction navale pour les Maletudine. Grand-Maman est donc très satisfaite et sa santé a l'air de s'être soudainement améliorée ! En plus de donner (enfin !) sa bénédiction aux noces d'Islinna et Vighnu, a décidé que le Coppavento emporterait vers Tal Endhil assez d'ingénieurs et d'ouvriers pour mettre en train le projet de port fluvial. D'ailleurs, la Matriarche aurait bien annoncé personnellement à Bartolome que l'Arche investira dans sa prochaine expédition arctique mais, curieusement, celui-ci a disparu depuis plusieurs jours : ou est-il, que fait-il ? Sera-t-il de retour à temps pour le mariage ?

L'Éblouissante Matrice des Sublimes, Eysifanrahl au Balcon Tutélaire a donné à son nouvel agent Rovisto diverses précisions technologiques quant aux besoins de la future flotte horno-felrianaise, détails qui, ajoutés à l'expertise d'Esébilio, vont permettre au chantier naval de Bastelle de faire une offre extrêmement compétitive - après avoir mis à jour leurs ateliers parce qu'il ya dans les plans hornois des trucs vraiment inhabituels. Les chantiers ont d'ailleurs dû embaucher près d'une centaine d'ouvriers depuis le mois des Neiges, puisqu'en plus de l'Ananta – la grande nef d'Adira Pratesh – ils travaillent actuellement sur l'Orizzonte, le nouveau cutello d'exploration de Bartolome qui fera son voyage inaugural chargé d'alcool. Avec l'Orso confié à Vera (et chargé de métal), le Coppavento, le Mancino acheté pour votre bailliage (et commandé par la cousine Gayelle), la nef Corvadina transportant notamment le premier chargement de sel rigérien vers Aroche sous le commandement personnel du vieux Garciàn, la flottille Talendane-Sotorine comptera donc 6 vaisseaux lors de son retour vers les Marches (pour seulement 2 au départ) ! Une fois qu'ils auront rejoint la Rorquale de la Légation, il est évident qu'on va manquer de place tant à Aroche qu'à Écume 6.

Quelques jours avant le départ de ce convoi maritime vers Écume 6 via Aroche, la mariage d'Islinna et de Vighnu peut enfin être organisé, avec la bénédiction de Grand-Maman. Tout ceci a un côté terriblement improvisé : les invitations ont été lancées un peu à la dernière minute, et la grande salle de l'Arche de Bastelle est préparée pour ce qui ressemble plus à une joyeuse fête villageoise (avec buffet et orchestre) qu'à un mariage formel et endimanché. Mais qu'importe : le futur Vighnu Sotorine semble être accepté par la famille et est fier comme Artaban au bras de sa belle. Si la duchesse Malaryse de Felriane a poliment décliné l'invitation, elle envoie son oncle et conseiller, le baron Borick des Coraux (comté de Véruse), la comtesse Flora y sera avec son époux Roland de Calonthe, de même que l'Estimée Ambassadrice Lalsyani et son chaperon Devanagari Lalsangesh du Khujayan de Farlane, mais aussi deux représentants du bastion Hornois, le Sempiternel Machiniste, Medrakh aux Ateliers d'Airain et leur récente recrue l'Ineffable Émissaire du Bastion, Rovistocelsine à la Tour des Annales. En plus de ces invités diplomatiques, sont présents les divers équipages, mais également Almerino Maletudine, désormais affublé d'une jambe de bois qu'il étrenne sur la piste de danse.

Il a recommencé à neiger doucement dehors quand la fête commence, que les invités se mélangent au son de l'orchestre. Bartolome arrive en retard, la cape encore pleine de neige, les bottes crottées et la mine sombre. Il faudra le pousser - et qu'il commence à boire plus que de raison - pour qu'il finisse par avouer sa rencontre avec Valeria et qu'elle l'a chassé. Les Talendans se racontent leurs diverses aventures, notamment à Adira qui depuis le Khujayan n'avait pas été mis au cours des dernières péripéties maritimes. Devanagari Lalsangesh, toujours souriant et d'une exquise politesse, pose de nombreuses questions sur le nord. Il s'avère que le Khujayan va installer une ambassade à Tal Endhil, et que l'Estimée Ambassadrice Lalsyani et lui-même vont donc s'installer dans le phare de la civilisation. S'il ne se départit pas de son sourire, Devanagari semble étonné par certaines coutumes locales : "Vraiment, le droit de posséder des esclaves n'est pas respecté à Tal Endhil ? Même si les esclaves sont d'accord ?" Islinna en profite pour lui faire une rapide présentation du peuple Emishen et de ses coutumes : donc, non, l'esclavage n'est pas tolérable. Jamais.

Arrive enfin de le moment de la cérémonie, assez brève, où Islinna et Vighnu échangent leurs vœux. Islinna et Vighnu sont enfin mariés ! Il s'ensuit une longue série de toasts à la gloire des mariés, où chacun y va de son anecdote. Il n'y en a naturellement presque que pour Islinna, car toute sa famille est là tandis que Vighnu ne peut se targuer que d'Adira et de ses compagnons d'aventure Talendans. En guise de cadeau de mariage, le Khujayan de Felriane et son ambassadrice offrent un spectaculaire spectacle de danse. C'est délicieusement exotique pour l'assemblée et c'est un franc succès. Devanagari Lalsangesh en profite pour avoir une conversation discrète avec Rovisto.

Vers la fin du mariage, Bartolome - qui a bu une quantité assez prodigieuse d’alcool, mais ne semble toujours pas être bourré - viendra s’asseoir à côté de l’Ineffable Rovisto. Il lui servira un verre issu d’une bouteille d’alcool de pomme ondrène qu’il a dégottée on ne sait où. Le breuvage envoie clairement des watts. Rovisto se rappellera alors, mais trop tard, du surnom Emishen de Bart, "Outre-Feu”... Tout en buvant au goulot de sa bouteille de tord-boyaux comme si c’était de l’eau, Bart’ demandera sur un ton très sérieux et ne semblant pas souffrir de discussion que Rovisto lui parle de sa propre relation avec Valeria. Rovisto n'ayant rien bu de la soirée à cause de ses fonctions - hormis pour le toast aux vœux des mariés - et s'étant déchargé des diverses tâches imposées par l'étiquette, répondra bien volontiers aux demandes de son nouvel ami. "Ah mais mon vieux Bart, figure-toi que je l'ai rencontrée alors que j'étais en quête d'une babiole ayant appartenu à un chef ondrène sans intérêt. C'était juste après avoir fini mes classes avec le défunt Jehol ! Et tu vois, n'ayant malheureusement pas les papiers officiels pour une fouille à Orsane.... hum... J'ai dû chercher une compagnie plus audacieuse que celle avec laquelle j'étais généralement en contact. D'ailleurs, tu vas rire c'est unee espèce d'idiot de l'Ondhor de Lorune qui m'a conseillé de voir avec Val ! Et franchement, je n'aurais jamais pu espérer meilleur compagnon pour mes "aventures" dans le Golfe ! Val n'a pas son pareil pour monter une expédition et des plans plus tordus les uns que les autres ! Ça me rappelle, quelques mois plus tard, ce même ondhoroen a été assez bête pour croire qu'il pourrait nous accoster et tenter de nous rançonner, après tout on avait un équipage de branques, un artefact assez cher et une femme comme capitàn. Le gars, même pas il met le pied sur le pont et annonce qu'il nous aborde que Val lui avait collé son stocco dans la gorge ! Ce jour-là, on est reparti avec un coffre et une cargaison d'alcool pas dégueux et une bonne histoire ! Ah, le bon vieux temps !"
Bart’ semblera retrouver un peu de bonne humeur, souriant parfois à une anecdote racontée par l’ex-antiquaire : “Ouais, je la reconnais bien là ! Ah ah ! Tiens, reprend un peu de pomme, parce que c’est marrée basse dans ta chope.”

Une bouteille d’alcool de pomme plus tard, un Bart’ clairement bourré deviendra un brin collant, serrant le malheureux Rovisto dans ses grosses paluches “Ro… Rovisto, t’es un pote, tu sais… T’entends ? T’ES MON POTE !”
L'Antiquaire ayant finalement décidé qu'il pouvait se permettre de boire avec le capitàn, il acceptera ses verres et ses accolades un brin trop amicales. Il en profitera pour lui glisser : "Écoute Bart', je te l'ai déjà dit et je le répète, Val, j'en ai ma claque. Si tu penses que c'est la femme de ta vie, va, fais lui savoir qu'elle a ton cœur. Mais bordel, la prochaine fois, part pas comme ça, sans rien dire, si tu ne m'avais pas laissé entendre que tu allais la voir, j'aurais aussi pensé qu'il te serait arrivé un truc ! Et, franchement, va falloir que tu essayes de la comprendre un peu plus la p'tite pirate ! Parce que là, c'est pas ça. Oh, et, franchement entre nous, je pense que t'as tes chances ! Et vraiment, si je peux t'aider, t'en fais pas Bart', tu peux compter sur moi ! Je suis devenu Ineffable, pas Insensible."

Encore une bouteille plus tard, Bart’ sanglotera brièvement sur l’épaule de Rovisto avant de sombrer dans un sommeil tout aussi lourd qu’inattendu au beau milieu de la grande salle de réception. Rovisto s'en ira alors, en marmonnant dans sa barbe "Ça va pas être triste Tal Endhil..."



Notes :

  1. Apparemment issue de la Marche des Sylves, la grippe sylvestre devint épidémique pendant les années 28-30 en se répandant dans la principauté de Duriane, puis à travers tout le nord de l'Empire, tuant quelque cent mille personnes rien que dans les duchés Ondrènes.
  2. Le code utilisé par le Bailliage étant en fait le code Celsine, qu'Ofelia connait.
  3. aerdrahrod, qui désigne plutôt un guetteur, un surveillant (militaire) et donc une sentinelle que mordrahrod, littéralement un "gardien"
  4. Bahardabras signifiant "bouclier des secrets", indique qu'ils auraient des raisons de cacher son identité
  5. Un petit archipel au Sud-Est d'Orsane.
  6. Bataille précédant la chute de Horne, il y a donc 37 ans !
  7. Et très probablement le plus haut gradé de l’Empire
  8. Le petit voilier sur lequel les Hornois s'entraînent.
  9. Berinor de Salviane s'en est même servi pour sa propre bannière.
  10. Un des graf "citadins" de l'Ondhor qui préfère le chiffre d'affaire à l'honneur guerrier
  11. Son titre réel est L'Invulnérable Sentinelle au Promontoire du Levant, mais nous l'appellerons simplement "l'Invulnérable" pour ne pas alourdir le texte d'un excès de pompe hornoise.
  12. Puisque, selon un ancien chef ondrène aujourd'hui oublié : "un chef c'est fait pour cheffer".
  13. Cette agiella se révèlera plus tard appartenir à L'Occio del Tifone, un corsaro construit par les Torodine, revendu aux Maletudine et "disparu" il y a une douzaine d'années.
  14. Esébilio et Rovisto apprendront au passage que le nom exact du vieil hotar est en réalité le Redoutable Chef d'Escouade, Argohramdar sur la Route de la Foi et que Hardrash est un surnom affectueux que l'on pourrait traduire par "papy". Au temps pour la pompe hornoise...
  15. où résident principalement des capitaines et dignitaires kerdans
  16. Une pranzatura est une "salle de dîners" réservée à l'élite kerdane.
  17. Un belemnon, des belemnonid : pas facile la grammaire Hornoise !
  18. en un seul mot –et avec le mauvais nom de famille– dans la prononciation hornoise



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