Échiquier du Nord

De Marches du Nord
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En plus d'être un beau merdier colonial du point de vue de l'Armée du Nord, qui s'évertue depuis des décennies à affermir sa prise sur le Pays des Vents, les Marches du Nord sont l'enjeu et le terrain d'un affrontement complexe entre factions rivales.

Dès lors, le terme "Échiquier du Nord" désigne à la fois la situation géo-politique globale dans les Marches {et, en cela, c'est même un Talent du domaine "Éducation" disponible aux Protagonistes} et la compétition particulière entre ces factions...


Trois joueurs sur l'Échiquier

Si la catégorie "Factions" de ce wiki révèle déjà 6 cliques différentes (et les Talendans ont pu vérifier qu'il en existait quelques autres dissimulés dans l'ombre), l'essentiel du conflit se joue entre trois groupes principaux :

► l'Empire de Rem, principalement représenté par le Duc-Gouverneur Lamdo d'Orsane (théoriquement souverain de toutes les Marches), son conseiller le Primat Aristame de Gorme (chef religieux, et en pratique un important acteur politique) et le général Harobam de Marale, qui est leur bras armé.
Néanmoins, la faction des "Impériaux" compte plusieurs autres figures, à commencer par le prévôt d'Aroche, Larmond d'Orsane (fils du Duc-Gouverneur), le baron-prévôt de la Marche des Gemmes, Romald de Corelguil, l'administration des sénéchaux impériaux ou la Bibliothèque Impériale...


► les Seigneurs du Nord sont formés des vassaux nordiques les plus remuants de l'Empire (Lorune, Anguedale...), souvent héritiers de la Révolte des Ondrènes et qui se sont taillés des fiefs dans les Marches. Leurs chefs de file sont aujourd'hui le comte-général lorunois Sigrell d'Elorsame et le baron-prévôt de la Marche des Lisières, Berinor de Salviane, s'appyant sur le prévôt des Lacs Rhilder le Fou et le puissant général-mercenaire Arund-le-Taureau.


► la rébellion emishen se compose aujourd'hui de quatre groupes distincts mais plus ou moins "alliés", quoique rarement coordonés :

  • le premier front fut ouvert au début du printemps de l'an 37 par la coalition de Kainen Tahrel, chef des Oloden jamais soumis à l'envahisseur. Les Oloden perdent peu à peu du terrain dans la Vallée de Cainil, au nord-est de la Marche des Lacs, malgré la présence de combattants issus de multiples tribus (Rimdehl, Si'Olonil, Arkonnelkan...)
  • les So'Sherkan menés par Alon Sorhan ont officiellement déclaré la guerre à toute la Marche des Gemmes et, depuis le mois des Semailles, se renforcent et s'équipent en attaquant les caravanes et les mines pour y voler du métal et libérer des esclaves.
  • les Arkonnelkan, retranchés dans les Montagnes des Épées, n'ont jamais cessé de harceler la frontière Est des Marches. Mais depuis qu'il bénéficie de l'appuie du terrible sorcier Lorkan Elakhendil, ils échappent de plus en plus à leur position défensive pour se mêler du conflit ailleurs dans les Marches...
  • enfin, quoique peu nombreux, les Kormes de Lashdan continuent de mener des raids un peu partout, dernièrement jusque dans la Marche des Lisières.


Si les deux premières factions sont théoriquement alliées dans leur lutte commune contre les rebelles indigènes, l'histoire de la Conquête du Nord explique pourtant leurs dissensions politiques, religieuses et parfois militaires, qui profitent finalement aux rebelles...


. Ceci est une carte "clicable" ↓

Marche des LacsBailliage de Tal EndhilMarche des GemmesÎles TourmenteMarche des LisièresPéninsule des ÉpéesGolfe CinglantÎles ShilorkenMer d'ÉcumeMarche d'ArocheTerritoire des Liam'Lon
Les 5 "Marches" du Nord découpées sur le "Pays des Vents" : Aroche, Bragone, les Gemmes, les Lacs et les Lisières


Au delà des apparences

Quand on y connaît pas grand-chose, on peut aisément se fourvoyer au point de résumer les Marches du Nord à une situation simple : dans une vaste contrée fertile dont les montagnes regorgent de minerais vivent quelques centaines de milliers de sauvages, vaincus il y a une décennie lors de grandes batailles où l'Empire reman a aisément démontré sa supériorité militaire, puis soumis les indigènes et annexé tous les territoires qui l'intéressait sans rencontrer trop de résistance.
À la limite, il ne reste plus qu'à peupler tout ça de bons colons remans fidèles au Culte des Pères à partir des cités déjà bâties (c'est à peu près l'idée qu'on se fait des Marche du Nord parmi la bourgeoisie de Duriane, par exemple).

Mais dès qu'on y regarde de près, toutes ces affirmations s'avèrent fausses ou très imprécises...
D'abord parce que c'est absolument immense : à vue de nez (car l'Empire est loin d'avoir cartographié tout le "Pays des Vents"), les 5 Marches du Nord (aux frontières parfois toutes théoriques) ne couvrent même pas la moitié du pays. Les marches elles-mêmes sont loin d'être sous contrôle, mais plutôt constituées de "poches de civilisation" remane (qui se résument fréquemment à "une forteresse et quatre villages de colons dispersés sur des centaines de kilomètres"), elles-mêmes séparées de larges zones sauvages impossibles à tenir avec les troupes disponibles.


Pour ne rien arranger, le relief est extrêmement montagneux, le climat rigoureux, la mer perpétuellement mauvaise et la nature plus sauvage que n'importe où dans l'Empire : les voies de communications sont donc problématiques (et carrément interrompues par l'hiver 4 ou 5 mois par an) et la géographie favorise l'esprit d'indépendance, déjà en germe parmi les colons souvent issus des régions "nordiques" et contestant volontiers l'autorité impériale (Orsane, Anguedale, Lorune, Duriane...).

Les enclaves impériales se sont donc laborieusement développées indépendamment les unes des autres en de petits territoires hétérogènes dont les Prévôts ne sont pas tous loyaux à l'unité impériale (et traînent les pieds lorsqu'ils s'agit de se soutenir militairement les uns les autres) ni à l'autorité du Duc-Gouverneur : s'il n'y a pour l'instant pas de guerre ouverte entre les seigneurs-colons (ne serait-ce qu'en raison de la taille des "zones de séparations" entre leurs territoires), le Duc doit constamment leur rappeler leurs devoirs, magouiller et espionner ses propres vassaux pour maintenir sa prise sur les Marches.
Le pays se civilise donc très lentement et ses richesses, pourtant nombreuses, n'ont pas encore produit la prospérité espérée.


Mais les impériaux commencent également à prendre conscience que la nation indigène est au moins aussi morcelée que la leur : les Emishen sont divisés en une dizaine de tribus de taille variable, chacune composée de clans dont l'alliance est plutôt théorique, eux-mêmes souvent dispersés à travers les zones sauvages et/ou fragmentés en familles/campements/caravanes qui ne cherchent pas vraiment à se coordonner.
Si certaines tribus ont donc effectivement été vaincues (soumises, enrôlées ou exterminées), il en reste presque autant qui n'ont été que précairement repoussées loin des colonies et pourraient tout à fait en ressortir au premier prétexte. Si la guerre "globale" de tous les Impériaux contre tous les Emishens semble donc être gagnée par l'Empire depuis longtemps, le pays est encore régulièrement soumis à des conflits localisés entre tel seigneur reman et les clans indigènes voisins, ou telle colonie impériale luttant contre une bande de Kormes plus organisée que les autres (la bataille de Tal Endhil en témoigne).


Quelques chiffres pour situer

  • l'Armée du Nord (troupes régulières, mercenaires et conscrits) totalisent un peu plus de 30.000 hommes.
  • la population totale des colons "impériaux" est grossièrement évaluée à 400.000 personnes et augmente lentement.
  • les "grandes" villes du Nord sont Aroche (50.000h), Salviane (12.000h), Valmire (8kh), Darverane (5kh), Orbrune (5kh) et Corelguil (4kh).
  • quoique difficile à évaluer, la population emishen compterait entre 500.000 et 1 million de païens.


Les Forces en présence

Au lieu d'avoir deux camps bien nets, les Impériaux d'une part et les Emishen de l'autre, l'échiquier du nord est actuellement divisés entre 6 groupes distincts ; quoique tous ne soient déjà pas forcément "unis", ils représentent des tendances fortes dans le conflit, des "communauté d'objectifs" et des moyens d'actions spécifiques.
→ catégorie dédiée à l'Armée du Nord


Les Troupes "Impériales"

Les troupes régulières sont celles commandées et payées par le Duc-Gouverneur Lamdo d'Orsane et ses vassaux "loyaux" (dont son fils Larmond d'Orsane -prévôt d'Aroche), le baron Romald de Corelguil -prévôt de la Marche des Gemmes, le général Salvor de Lycène -qui tient la forteresse de Mont-Griffon- et quelques chevaliers et capitaines orsani ou lorunois) tiennent à eux tous Bragone, la Marche des Gemmes, Aroche et (malheureusement pour eux) la frontière orientale qui préserve la Marche des Lisières de la puissante tribu des Arkonnelkan.
Ils peuvent pour cela compter sur une petite moitié des troupes régulières sous le commandement du général Harobam de Marale, les mercenaires dalanes (issus des Sylves ou de Duriane, dont le capitaine Durgaut) et le soutient du Culte des Pères, très influent auprès du peuple.

En dehors de consolider leur prise sur les Marches et de pérenniser les chargements de minerais et de grains, cette faction a pour principal objectif d'ouvrir de nouvelles routes commerciales pour contourner les barrières douanières imposées par le duché d'Anguedale et tirer enfin un bénéfice substantiel des Marches (pour l'instant, les richesses exploitées servent très majoritairement à assurer les considérables frais militaires).
Le Duc-Gouverneur est par ailleurs conseillé par un éminent personnage, Son Éminence le Primat Aristame de Gorme (l'équivalent d'un "cardinal", chef religieux de toutes les Marches du Nord), fin politicien et proche de l'Empereur lui-même, qui a récemment décidé de venir en personne (à la consternation générale) faire du capitaine Durgaut un bailli impérial.


Les Ondrènes & les Mercenaires

Les "Seigneurs du Nord" sont les nobles, prévôts et généraux qui règnent très indépendamment -tant du Duc que les uns des autres- sur différents secteurs des Marches des Lisières ou des Lacs.
Sans être exactement alliés, ils se rangent généralement derrière les seigneurs Berinor, baron de Salviane et prévôt des Lisières, et le comte-général Sigrell d'Elorsame. Parmi les plus notables sont le Prévôt Rhilder des Lacs (qui entretient ses propres mercenaires, les Écorcheurs) et Arund-le-Taureau, général-mercenaire qui a la haute main sur la protection des transports terrestres depuis sa citadelle lisiriane de Dun Kerheine.

Entre les troupes lisirianes (plus ou moins "régulières") de Berinor, la garde des cités des Lacs et des Lisières, les différents régiments lorunois (dont les Lévriers de Rordame), les mercenaires de Rhilder et ceux du Taureau, les Seigneurs du Nord contrôlent peut-être la moitié des effectifs totaux de l'Armée du Nord (?).
D'après vos propres renseignements, cette faction aurait l'appui de différentes guildes et Maisons marchandes (la jugeant plus à mêmes que le Duc de rentabiliser les Marches du Nord) et bien évidemment le soutien des Duc Brigard d'Anguedale et Theodrome de Lorune.

Plus inquiétant, certains d'entre eux comploteraient même pour déclencher une nouvelle Révolte des Ondrènes et redevenir un royaume indépendant de l'Empire de Rem...


Les "Rebelles" Emishen

Les Kormes sont des renégats issus de divers clans des différentes tribus. Si jusqu'alors les différents "clans" de Kormes issu de leurs clans emishen respectifs combattaient indépendamment les un des autres, les événements de Tal Endhil ont démontré que les différents groupes tendent à s'assembler sous l'impulsion d'un "roi", Lashdan. S'il réussissait effectivement à unir les quelques milliers de "défunts" qui hantent les régions sauvages du pays, Lashdan cumulerait plus d'hommes que ne peuvent lui en opposer la plupart des colonies impériales dispersées, et les anéantir les unes après les autres. Selon les rapports récents des éclaireurs et les propres découvertes de Durgaut avant et depuis la bataille, il restait quelques Kormes au nord du "Lac Deuxième" (Andh Endhil) et nul n'y a été voir depuis Terrain Minier, le corps de Lashdan n'a jamais été retrouvé et le gros des  "Défunts" assaillent actuellement la région de Darverane.

Les Arkonnelkan ("les condors") composent la tribu guerrière la plus puissante du Pays des Vents, en guerre ouverte avec l'empire. S'il paraît impossible de les déloger de la péninsule escarpée que forment les Montagnes des Épées, ils semblaient efficacement contenus par le blocus impérial sur le fleuve Ombreux... jusqu'à ce que quelques-uns d'entre eux ne se joignent à la bataille de Tal Endhil. Durgaut a reçu des rapports concordants indiquant que les Arkonnelkan se sont procurés des navires remans et que, en marge de leur alliance avec la coalition guerrière de Kainen Tahrel (combattant Rhilder et les Impériaux dans la vallée de Cainil), ils entretiendraient une base portuaire dans les Îles Shilorken.


Les indigènes "bellicistes"

Il existe enfin différents groupes d'Emishen qui, après près de huit ans de calme relatif, ont repris le combat contre l'envahisseur impérial sans pour autant avoir viré "défunts", que ce soit parce qu'ils ont une interprétation plus "large" des lois de la guerre ou parce qu'ils n'ont pas subi d'invasion en règle, leur territoire présentant peu d'attrait pour l'empire :

  • le clan des Oloden ("gerfaut des rivages") sont un clan de la tribu des Si'Olonil (tout comme les Elloran de la région de Tal Endhil et les Liam'Lon d'au-delà de la frontière nord) qui ne s'est jamais soumis.

Ils sont presque 10.000 (dont un quart de guerriers), élèvent de nombreux chevaux, sont habiles à la navigation fluviale et leur territoire de plaines et de marais ne comporte pas grand-chose que l'empire puisse vouloir. Mais le prévôt Rhilder étant leur voisin immédiat et une certaine amitié les liant aux restes de la tribu des Rimdehl ("les Geaies") que le prévôt a massacré pour s'installer, les incidents de frontières ont tendance à se multiplier depuis quelques temps.
Ils n'ont pas produit de Kormes et, semble-t-il, ne les aiment pas trop mais des Talendan qui étaient en mission commerciale chez eux ont assisté à la fondation de l'alliance des bellicistes de plusieurs clans et tribus sous l'autorité du grand chef Kainen Tahrel et du (redoutable) sorcier arkonnelkan Lorkan Elakhendil avec Lashdan : Nevel (encore lui) les a personnellement rencontré et, malgré des tentatives méritoires, n'a pas réussi à les convaincre de calmer les incidents de frontières déclenchés par les Kormes et les Arkonnelkan au sud de la vallée de Cainil, culminant en une bataille sans merci depuis près de trois semaines (j'y reviens plus bas).

  • la tribu des So'Sherkan, originaire de la Marche des Gemmes, n'a pas abandonné l'idée de reconquérir les territoires perdus. En particulier les clans Tallalnen ("harfangs") et Edell'okilh ("aigles à têtes blanches") continue d'attaquer des convois et les petites colonies isolées, mais les quelques centaines de guerriers qu'ils alignaient à eux deux n'étaient pas vraiment une menace pour le prévôt Romald... jusqu'à ce que, à l'occasion de l'Assemblée Tribale, le puissant clan des Okhina'en ne manifeste la volonté de reprendre le sentier de la guerre : les renseignements rapportés par divers Talendan indiquent qu'ils achètent des armes en quantité, on passé des accords avec Kainen Tahrel et tentent de rallier non-seulement leur tribu mais tous les volontaires possibles pour déclencher un grand soulèvement dans la Marche des Gemmes.


Les Pacifistes

Bien qu'il ne soit justement pas une faction "armée", le Mouvement de Fraternisation initié par certains chamans elloran prend tout doucement de l'ampleur à partir de Tal Endhil et du Cercle des Cascades. Son "porte-étendard" actuel, le chaman Kal Feilan, ayant donc convoqué une Assemblée Tribale pour discuter de la situation avec des représentants d'un peu tous les clans et tribus emishen intéressés, et il sont arrivés à la création de la Frontière de l'Orage, séparant la "zone de guerre" de la "zone de paix".

Si les "pacifistes" se sont paradoxalement unis et développés en participant à la défense de Tal Endhil contre les Kormes, ils représentent un certain espoir de paix pour le bailliage. Kal Feilan et ses compagnons semblent accorder une certaine confiance au bailli Durgaut (que les Elloran appellent Dirsen'ssal : "l'Étrange Étranger"), puisque Vahned Rey, un guerrier qui parle la Langue des Pères, a pris le temps de lui enseigner quelques rudiment de sa "Langue des Vents" et de lui expliquer les bases de la politique locale...


Escalade du conflit

Les troupes impériales et les Seigneurs du Nord arrivent à peu près à s'allier lorsqu'il s'agit de combattre les Emishen, mais d'ordinaire avec un manque de coordination stratégique qui fait peine à voir...
Berinor de Salviane (qui a fournit des troupes), Rhilder le Fou, Arund-le-Taureau et le général Harrobam de Marale (représentant le Duc-Gouverneur) ont néanmoins réussi à joindre leur force pour contrer l'alliance guerrière de Kainen Tahrel. Sous le commandement du chevalier Féodor de l'Escarpe, ils ont même temporairement stabilisé la ligne de front loin au nord de Darverane et, jusqu'à la fin du printemps 37, ils ont bien cru qu'ils arriveraient à défaire les Oloden et leurs alliés...

Mais la contre-offensive massive, sensée enfoncer les troupes indigènes jusqu'au sanctuaire du Cercle des Hautes Pierres ("Domadhan"), comptait sur la quantité de soldats et de matériel qui se rassemblaient dans le port d'Archerune : elle a donc été anéantie lors de l'incendie de la cité portuaire par les Kormes, sortis de nulle-part comme pour démontrer que plus aucun recoin des Marches ne leur était inaccessible.
En l'absence des renforts tant attendus, les forces emishen ont alors réussi à menacer les impériaux jusqu'aux murs de la Cité des Lacs et ont même mis le siège (avec des trébuchets!) à la cité voisine de Brasure.
Suite à un ordre de mobilisation générale, près du tiers des troupes impériales (alors presque 8.000 hommes) ont alors commencer à converger lentement vers la vallée de Cainil, où les Remans comptaient écraser une bonne fois pour toutes les cavaliers indigènes, et même raser leur sanctuaire pour faire bonne mesure...


Sauf que, soudain, les So'Sherkan se sont soulevé sur leurs arrières : les armées gemmoises, attaquées en plin transit, on rapidement tourné bride pour défendre leur Marche contre les raids des cavaliers d'Alon Sorhan.
Peu après, c'était la Rade d'Aroche qui prenait feu lors des émeutes dans la ville-basse (auxquels quelques Talendans ont assisté), consumant -temporairement- dans ses chantiers navals l'espoir du prévôt Larmond d'Orsane de former une flotte militaire pour prendre les Oloden à revers (via les Baies Jumelles).
Enfin, c'est la cité lisiriane de Valmire qui a subit un raid des Kormes, obligeant le baron-prévôt Berinor à redéployer ses troupes pour leur donner la chasse à travers les plaines.

Devant une telle synchronisation des forces indigènes, que tout le monde aurait donné perdantes encore quelques mois plus tôt, on ne peut s'empêcher de penser que les Emishen on finalement su se doté d'une quelconque forme de coordination. (Ou peut-être est-ce simplement la prophétie de Lorkan Elakhendil qui se réalise ?)


Stratégies asymétriques

Si Durgaut se familiarise à peine avec le fonctionnement tactique des Emishen et la stratégie impériale locale (un peu particulière), les sergents Esic "Le Cornu" et Bahardabras "le Hornois" s'y connaissent assez pour lui avoir brossé un tableau global de la manière dont les combats se déroulent en général dans les Marches, et en particulier dans la vallée de Cainil...

L'organisation des deux armées est déjà très différente.
Dans l'absolu, les troupes impériales sont relativement moins nombreuses que les forces emishen, mais ces dernières sont moins bien équipées, encore plus divisées dans le commandement, très indisciplinées et surtout, jusqu'à une époque récente, pas du tout mobilisées.
Les indigènes manquent par ailleurs de véritables de stratèges (Bahardabras a personnellement rencontré ou affronté plusieurs des principaux "chefs de guerre" emishen et n'a pas été très impressionné), ils n'ont guère de talent pour le renseignement militaire ou le subterfuge, sont fréquemment presque ignares en tactique et conservent proportionnellement très peu d'hommes (ou de femmes) sous les drapeaux, quand l'armée impériale conserve constamment près de 30.000 combattants prêts à l'action.


Si les Remans sont bien plus "conquérants" en tant que peuple, beaucoup plus organisés, nettement plus "ordonnés" à la guerre et bien plus obéissants, les Emishen démontrent individuellement un courage et un volontarisme sans comparaison, particulièrement sensible quand il faut mobiliser : des milliers de volontaires peuvent saisir leurs armes et monter en selle en quelques heures s'ils croient la cause juste... ou délibérer pendant des semaines sans rien faire de concret s'ils sont plus hésitants : c'est difficile à prévoir.

En termes d'unités disponibles, l'Empire cumule des troupes très variées mais généralement spécialisées : une majorité de fantassins légers (principalement des piquiers), de l'infanterie lourde (hallebardes, épées, marteaux... et des boucliers), un peu de cavalerie légère, une cavalerie lourde déjà plus importante où se concentrent les officiers (le "chevalier" est une grande tradition aramide), des troupes de choc (comme les Hotars, les mercenaires vétérans, les Templiers, parfois des arbalétriers kerdans...), beaucoup d'archers dont le nombre compense le relatif manque d'habileté, des éclaireurs (Hornois, Fehnri et même indigènes), de l'artillerie (trébuchets, catapultes, balistes... le tout assez inefficace vu le terrain et la quasi-absence de forteresses ennemies à assiéger), une poignée de sapeurs (puisqu'ils ne servent guère), des espions, des patrouilleurs, des guetteurs, des milices locales et beaucoup d'auxiliaires : ouvriers, fourragers, muletiers et cochers de ravitaillement, armuriers, enseignes, estafettes, infirmiers, chirurgiens, cantinières, tambours, portes-étendards...


En face d'eux, les forces emishen sont presque exclusivement composées de cavalerie légère et polyvalente, nombre de ses membres pouvant assurer quasiment n'importe quelle tâche : mêlée, combat monté, archerie, reconnaissance, ravitaillement, communications, commando... De fait, les guerriers emishen ne sont jamais encombrés par des non-combattants ou du matériel lourd et, si leur culture tactique est très limitée, ils sont en fait capables de s'adapter très vite à la plupart des situations.
Ils faut néanmoins compter avec une particularité assez rare mais significative, les Albannakh : les musiciens de guerre ne se manifestent qu'aux grandes batailles mais, transmettant en continu des ordres de combat et des rythmes de marche spécifiques (selon un code incompréhensible des Remans), leur intervention confère soudain aux troupes emishen une qualité de coordination et une réactivité opérationnelle très supérieure à tout ce qui peut s'imaginer côté impérial, en plus de leur impact psychologique. Ils ne semblent toutefois exister qu'au sein de deux tribus : les Arkonnelkan et les So'Sherkan.

Les capacités individuelles des combattants sont également très contrastées : l'armée impériale, spécialement les conscrits, sont de la piétaille inexpérimentée et maladroite, les officiers de l'armée régulière (presque tous nobles) sont plus souvent des brutes que des techniciens et seuls les mercenaires sont -pour une courte majorité- des professionnels du combat, quoiqu'ils intègrent aussi des maraudeurs de toutes sortes plus aptes à la rapine qu'aux batailles rangées (les Hotars -originaires de Horne- et la troupe de vétérans de Tal Endhil étant des cas à part). Les impériaux sont nettement désavantagé par le terrain, peinent à s'y déplacer, à y camper et tout particulièrement à y trouver leur subsistance, crevant parfois de faim en l'absence de ravitaillement.
Inversement, les guerriers du Vent sont pour la plupart des combattants non seulement efficaces, mais polyvalents : presque tous manient plusieurs armes, sont capables de les fabriquer si besoin (leur archerie est excellente, leurs forges beaucoup moins), maîtrisent parfaitement le terrain : la cavalerie emishen est connue pour franchir sans encombre les montagnes, et même les fleuves (à la nage), elle se nourrit aisément sur le pays, s'y camoufle en un clin d’œil, installe et déplace ses campements sans effort.
Mais les indigènes ne bâtissent quasiment pas de fortifications (un vague mur de pierres sèches par-ci par-là), produisent assez peu de métal, portent peu d'armures, ne protègent pas leurs chevaux, ne cherchent pas vraiment à tenir les vastes territoires où ils sont généralement dispersés... Enfin, la plupart des Emishen sont lourdement handicapés par leurs lois très strictes concernant la guerre : s'annoncer comme belligérants, s'affronter en duel ordonnés et équitables, ne jamais s'en prendre aux civils (ils sont donc assez démunis face à la colonisation par des fermiers ou la construction de grandes villes).


Les Kormes sont bien sûr une exception : non seulement font-ils des combattants redoutables mais, une fois débarrassés des contraintes morales de leur peuple, se révèlent volontiers violents, sournois, beaucoup plus disciplinés que leur congénères et donc particulièrement efficaces en guérilla, leur seule limite étant matérielle. En effet, n'ayant pas réellement accès aux ressources de leur peuple, ils sont encore moins bien équipés que les autres venteux et relativement mal nourris, au point d'attaquer fréquemment les caravanes de vivres.
Il n'est donc pas surprenant que, depuis qu'ils se sont dotés d'un "Roi", Lashdan, formé à la stratégie par un Hornois, ils aient cherché à se rassembler et à fonder des bases arrières stables (la plus vaste ayant apparemment été au nord du Lac Deuxième).

La confrontation des différents camps suit généralement le même schéma : du printemps à l'automne, une forte armée impériale avance lentement dans les plaines en cherchant un peu vainement l'affrontement direct sur un "champ de bataille" favorable (si possible plat et dégagé... autant dire que c'est rare), encadrant l'infanterie légère, les archers et le train par l'infanterie et la cavalerie lourdes afin d'en assurer la défense. Pendant ce temps là, des archers à cheval emishen, moins nombreux, les harcèlent constamment, passant sans prévenir à la lance pour charger l'arrière-garde ou les flancs les plus vulnérables, se retirer avant d'être pris en mêlée et recommencer plus tard. S'ils sont poursuivis, ils se dispersent dans les forêts pour se retourner contre les poursuivants au premier signe de fatigue. Le jeu consiste alors pour les impériaux à tâcher de faire sur le moyen terme plus de dégâts qu'ils n'en subissent, afin d'épuiser les troupes indigènes moins nombreuses.
Évidemment, les routes pavées, les plaines agricoles et les fortifications annulent à peu près les options des Emishen et ils ne se risquent généralement pas à y combattre (la Marche des Lisières étant de fait plus calme que tout le reste du Pays), à moins d'être exceptionnellement nombreux (et accompagnés d'Albannakh). Au final, les Remans tiennent donc presque aisément les cités, les places fortes et les secteurs "civilisés" (au moins déboisés), mais ne peuvent s'aventurer que très prudemment (donc encore plus lentement) dans les montagnes, les forêts et les marais... qui couvrent malheureusement une grande part des territoires "conquis".

Les Kormes, eux, peuvent surgir n'importe où, y compris dans les forteresses, de préférence la nuit ou lorsque la visibilité est la plus faible (pluie, brouillard...), hiver comme été, et massacrer tout ce qui bouge sans distinction (quoiqu'avec une prédilection pour les chefs) ni aucun souci de leur propre sécurité (puisqu'ils se considèrent comme "déjà morts") en causant des dommages délirants avant de disparaître en emportant leurs blessés et leurs morts (cette capacité d'évacuation laissant généralement aux impériaux l'impression déroutante qu'ils sont invisibles jusqu'à ce qu'ils frappent et vaguement immortels). Si les mercenaires de Durgaut et les Hotars réussissent à s'en défendre lorsqu'ils ont la chance de les voir venir (il faut vraiment être très vigilant), les colons, les conscrits et les troupes régulières se font généralement tailler en pièce avant d'avoir pu s'organiser.


En guise d'exemple concret, une lettre interceptée par Durgaut lorsqu'un templier, aujourd'hui intégré aux mercenaires de Tal Endhil, était encore en prison et recevait des nouvelles du front :


La lettre que Herle de Lorune a trouvé, décachetée, dans son paquetage, est datée de la 5° semaine (date de signature) et manifestement écrite en plusieurs fois (il y a 4 ou 5 feuillets de format différent, l'encre a parfois pâli ou pris la pluie... disons que la lettre a été rédigée sur 3 ou 4 semaines, commencée il y a presque un mois et demi), de la main habile mais jeune de son petit cousin, Lergoran de Lorune.

Le nobliau explique d'un ton assez ampoulé (voire lyrique) à son "Bien-aimé cousin..." qu'il lui arrive un truc pas possible : il vient d'être "arraché" d'Hellerune par le puissant sire Féodor de l'Escarpe [1] qui se cherchait apparemment un aide de camp un peu lettré, parlant trois mots de venteux, sachant lire (et dessiner) une carte et pas trop inapte à la stratégie. Lergoran est à la fois très honoré de servir un tel commandant, ravi de tout ce qu'il va ainsi pouvoir apprendre et complètement terrifié d'aller, pour la première fois, au combat.

Féodor est donc à la tête d'une petite armée envoyée par le baron-prévôt Berinor de Salviane, qui répondait en effet aux demandes de renforts de plus en plus pressantes de son ami le prévôt "Rhilder des Lacs", dont la cité est depuis des semaines harcelées par des rebelles mais qui n'avait pas trouvé trop d'écho auprès du Duc-Gouverneur.
Le petit Lergoran s'est donc embarqué pour "un laborieux périple" à cheval vers Darverane (vues les routes qu'il a pris et ce qu'il raconte de ses galères, le petit Lergoran doit être un cavalier très médiocre parce que c'est du plat et la route est même en partie pavée) en compagnie de plus de 180 conscrits lisirians ("des Lisières"), 250 fantassins de Berinor (lanciers et archers), le bataillon de cavalerie lourde commandé par Féodor lui-même (100 cavaliers et 20 chars de guerre), des 300 "affreux soudards" du Bouquetin (un capitaine mercenaire d'Anguedale, premier capitaine du général Arund-le-Taureau, ses gars sont pas pire que tes camarades mais ça doit effectivement dépaysé Lergoran) et d'un groupe d'une 20aine de Hotars (des mercenaires hornois qui servent comme éclaireur et ont beaucoup impressionné le jeune homme). Ça c'est du renfort !
L'armée (parce que là on totalise donc déjà pas loin de 800 hommes) a donc rejoint "la Cité des Lacs" (Darverane), qui d'après Lergoran est une des citadelle les mieux fortifiées de toutes les Marches et y a intégré les troupes locales : 450 mercenaires "encore plus rustres et païens" dont un bon tiers de cavaliers légers, 2 compagnies de conscrits (donc 200 hommes) et les trois compagnies de lanciers déjà arrivés de Corelguil, Melenire et Bragone (compte 3-400 gars). Le seigneur Rhilder leur a également confié 2 cogues (de lourds navires de transports) équipées de balistes qu'il a fait spécialement construire pour sécuriser le fleuve, garnie chacune de 30 archers et d'autant de mariniers.
Il y a eu pas mal de remous à Darverane car Rhilder refusait de céder le commandement à Féodor, il a fallu que Berinor envoie un émissaire depuis Salviane et ça leur a fait perdre 4 jours.

Maintenant forte de plus de 1800 hommes, l'armée a commencé sa progression vers le nord. Il y a environs 20 jours, l'avant-garde composées des Hotars, de la cavalerie légère et d'une compagnie de lanciers, a été rapidement accrochée par des éclaireurs Kormes qui, contrairement à la légende, ont rapidement fuit sous le nombre. Sur l'insistance des mercenaires et de ses chevaliers, Féodor de l'Escarpe a envoyé un régiment les poursuivre et ils sont bien sûr tombés dans un piège : 4 fois plus de Défunts ("korme" signifie "défunt" en langue des Vents) les attendaient en forêt et ont commencé à leur tailler des croupières jusqu'à ce que la cavalerie lourde et les fantassins envoyés à leur suite ne viennent les dégager (car Féodor n'est pas si con et avait envisagé le danger, on sent à sa lettre que Lergoran est un grand fan). La bataille a été assez saignante de part et d'autre, les Kormes se battant avec une fureur inouïe qui a coûté au moins 350 hommes aux impériaux, dont beaucoup de cavaliers gênés par les arbres.
Le lendemain, les corps de tous les Kormes avaient disparu : avec les légendes qui courent sur l'immortalité des guerriers kormes, ça a jeté un sacré froid.

C'est en fin d'après midi que l'avant-garde déjà en partie diminuée a eu son premier affrontement avec des Oloden : ceux-ci ont commencé par provoquer les cavaliers mercenaires en duel, ce qui a bien failli les faire tous tuer dans la première demi-heure, mais d'autres venteux sont venus leur prêter main-forte et ça a tourné en une bataille désordonnée, les impériaux étant complètement pris au dépourvu par la stratégie adverse. Celle-ci consistait essentiellement à harceler les flancs des régiments pour s'éloigner et revenir, quoique parfois les Oloden chargeaient carrément dans le tas, ce qui obligeait les troupes remanes à courir sans cesse pour reformer les rangs, se couvrir sur un flanc puis l'autre dans la crainte que la prochaine attaque soit vraiment puissante...
Les combats ont duré un jour et demi avant que les venteux n'abandonnent la partie devant l'afflux permanent de renforts envoyés par Féodor et les archers et lanciers qui commençaient à les contourner efficacement grâce aux navires.
(À ce point du courrier, il devient clair que Lergoran a l'habitude de poser plein de question à son cousin Herle sur la stratégie, la tactique, l'histoire militaire, l'honneur à la guerre, etc. et qu'il écrit justement pour que le templier l'aide à comprendre ce qui se passe et à bien se comporter aux yeux du commandant de l'Escarpe.)

Alors réduit à un gros millier, les troupes de Féodor ont néanmoins été rapidement rejointes par 400 conscrits gemmois ("de la Marche des Gemmes") de plus, qui auraient du être à Darverane mais avait pris un gros retard. La marche au nord a alors repris à un rythme cette fois volontairement lent : l'armée n'avançait qu'à une cadence qui lui permettent de se mettre à tout moment en formation défensive autour de ses archers, et chaque soir les fantassins s'exerçaient pendant une ou deux heures à repousser des charges de cavalerie légères avec les longs épieux de bois fabriqués dans la journée. Lergoran note que l'épieu est une arme "jetable" : uniquement composés de bois effilé et durcis au feu, l'armée se moque bien d'en briser des dizaines à l'exercice, chaque conscrit devant en tailler au moins deux par jour.
Lors des bivouacs, les centaines d'épieux ainsi accumulés sont installés en une haie circulaire où l'armée se niche pour passer la nuit.

Il y a environ 10 jours, les éclaireurs ont signalé des troupes emishen de plus en plus nombreuses et bigarrées (il semblait y avoir un peu de tous les camps) provoquant sans cesse l'avant-garde depuis les sommets des collines ou abattant à l'arc les fourrageurs et les imprudents isolés. Féodor a alors ordonné une halte pour construire un vrai camp retranché en plaine et y attendre l'ennemi :
"situé sur une petite butte où plusieurs centaines d'hommes sont vite en train de défricher un grand arc de cercle, collé à la rive, entouré d'un fossé encore incomplet de presque 2m de large pour 1,5m de profondeur dont le remblais est progressivement entassé en talus, avant d'être hérissés de pieux taillés à partir de tous les arbustes des environs, il abrite une forêt de piquets de tentes encore dénuées de toile.
Entre le périmètre de construction, défendu par la cavalerie (de l'armée régulière) et l'infanterie lourde (mercenaire), de petits groupes entassent les broussailles fraîchement arrachées au sol sur des tas de bois sec pour former des meules de branchages qu'il suffira d'enflammer plus tard pour assurer un éclairage durable sur tout le glacis entourant le camp, qui se montent à une vitesse impressionnante".

Les travaux n'étaient pas encore terminés qu'un émissaire emishen (Nevel Sholdanan) est arrivé au camp en expliquant qu'il bossait pour "le fameux Capitaine Durgaut, celui dont on dit qu'il a repoussé plus de 500 kormes avec seulement trois patrouilles de vétérans" (Lergoran voudrait bien que son cousin lui dise s'il est vrai que Durgaut est un fils naturel de l'Empereur et qu'il porte un heaume rehaussé de pointes barbelées comme les élus d'Herem car, s'il trouve l'histoire élégante, il doute un peu de sa véracité).
Quand l'éclaireur indigène a commencé à décrire des troupes 3 fois plus nombreuses que prévues côté emishen, le sage Féodor a ordonné à 3 Hotars de l'accompagner lui, Lergoran de Lorune, parlementer avec l'ennemi et en apprendre plus sur ses forces exactes.
Le jeune cousin est encore plus grisé, honoré, curieux et inquiet que lorsqu'il a été choisi comme aide de camp, mais ceux qui s'y connaissent peuvent en déduire que Féodor n'a pas hésité à "sacrifier" ainsi un gamin dont l'utilité sur le champ de bataille était très limitée (quand l'escorte est plus efficace que l'ambassadeur, c'est qu'on se fout un peu des négociations).

La lettre se termine sur un exposé assez lamentable des rudesses de la vie sauvage et guerrière qui est désormais la sienne (24h à cheval dans une région vallonnée, où il s'arrête quand-même pour écrire) et du comportement de Nevel, "orgueilleux et querelleur comme souvent les races sauvages dont l'âme n'est agitée que par le vent" (que ceux qui connaissent Nevel peuvent traduire par "l'éclaireur gueule parce que le p'tit corniaud ralenti tout le monde").

Vous en savez pas ce qu'il est ensuite advenu du cousin au camp des guerriers Emishen (faudra demander à Vighnu ou Bahardabras/Dharomjarn, à l'occasion), ni comment la bataille a tourné d'ici là mais le marchands de draps croisé au Marche-Pied ("Teillard") semblait dire que les impériaux avaient vaincu (puisque la route vers Darverane est libérée des Kormes).

  1. Durgaut a pas mal entendu parlé de ce "Féodor" quand il était à Bragone : quoique seulement "chevalier", c'est un natif des Marches (il a à peine 25 ans), fait commandant par le prévôt Berinor de Salviane (peut-être l'homme le plus puissant des Marches, dont Féodor est l'officier préféré). Le Chevalier de l'Escarpe est un type qui, a bien des égards, ressemblent au Capitaine de Tal Endhil : jeune, brillant, ambitieux, de bien plus basse extraction que la plupart des officiers et apparemment pas intimidé le moins du monde, c'est à la fois un redoutable combattant, un meneur d'hommes éloquent et -paraît-il- un excellent stratège. Il s'est néanmoins fait torché par la coalition de Kainen Tahrel quand le chef Oloden a réussi à le forcer à diviser ses troupes entre Darverane et Brasure, ce second "siège" ne semblant avoir été qu'un piège, et se retrouve désormais relégué à la défense (extérieure) de la "Cité des Lacs".


La "Politique" emishen

L'organisation politique de "Emib" (le Peuple du Vent dans son ensemble) est relativement... inexistante.
Ils ne possèdent pas à proprement parler d'unité "nationale" ni seulement la notion de "nation" telle qu'elle peut exister dans l'Empire ou chez les Kerdans : ils se considèrent tous comme plus ou moins cousins, descendant des mêmes origines (assez mystérieuses), partageant la même langue, les mêmes rites et un certain nombre de principes "moralo-religieux". Au-delà de ça, ils n'ont aucune organisation "nationale" en dehors d'un point de rencontre sacré (donc "neutre") à Sheb' Risham ("le Cercle des Chefs"), un petit mont dans la Marche des Gemmes où les chefs de clan se rencontrent aux grandes occasions, quoique ça ne se soit pas produit depuis des années (depuis les grandes batailles qui ont assis la domination impériale sur le pays il y a 11 ans, pour être exact).

Le niveau d'organisation le plus général actuellement est celui des tribus : il en existe une dizaine (entre les intégrations à la société coloniale et les massacres, les Elloran n'ont pas un compte précis), généralement formées de plusieurs clans possédant chacun un Oiseau-totem. En dehors d'un très vague cousinage, ces tribus ne semblent reposer que sur un certain voisinage géographique, des relations commerciales et des traités de paix ou d'assistance militaire. Chaque clan élit ses "chefs" (apparemment une sorte de conseil des "responsables" des différents aspects de la vie du clan, présidé par le Mahriban, le "roi" du clan) qui ont surtout le devoir de gérer les affaires courantes, ne sont pas forcément décisionnaires (apparemment la coutume veut qu'ils plaident pour leurs points de vue et que l'ensemble du clan ratifie) et peuvent être démis de leurs fonctions ou démissionner...
Pour un reman, en tous cas, ça a l'air bordélique et inefficace, surtout que le dernier "Mahriban" en date était un garçon de peut-être 20 ans, Malondil, qui a été élu après que son prédécesseur ait été "démis", essentiellement parce qu'il est le fils d'un grand chef défunt, mais il n'a dans les faits pas grande autorité sur son clan (contrairement à son chaman, Kal Feilan).

Le capitaine/bailli a au moins compris que la tribu des Si'Olonil (les "falconidés" de la région des lacs) étaient en fait assez divisés puisque des trois clans qui la compose, les Elloran sont relativement partisans de la fraternisation, les Oloden très hostiles aux dirsen et les Liam'Lon complètement désinvestis de la question jusqu'à récemment (mais ils semblent venir nombreux à l'assemblée tribale).
Cette division n'est apparemment pas sans lien avec l'instabilité interne des Elloran, qui étaient plutôt la "tête pensante" de la tribu. Mais ce clan a lui-même été déchiré entre le mouvement de fraternisation et une violente insurrection il y a 15 ans, qui a été réprimée de manière particulièrement sanglante par le prévôt Rhilder (Nevel Sholdanan semble avoir alors été impliqué du côté des insurgés !?) et a créé par sécession le "clan" Korme que dirigeait Etayn-la-Louve (jusqu'à ce que le même Nevel ne l'abatte sur les ordres de Durgaut). C'est donc le bordel le plus complet, avec un Kal Feilan tentant de recoller les morceaux pendant que les Oloden menacent de lancer une nouvelle insurrection contre le prévôt vieillissant.


L'Assemblée Tribale

Ce grand rassemblement qui s'est tenu pendant trois semaines au Cercle des Cascades semble un phénomène exceptionnel : à l'invitation de Kal Feilan, des émissaires des différents clans et tribus de la région des lacs se sont réunis pour la première fois depuis près de 20 ans pour discuter de la situation politique et stratégique.
Après de longue délibération pour savoir s'ils devaient ou non participer au conflit, et sur une suggestion bien involontaire de Durgaut, les Emishen ont finalement conçu la Frontière de l'Orage, dont on reparle un peu plus bas...


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Et au milieu : Tal Endhil

Petite colonie lacustre bientôt transformée en "village-miracle" par les efforts de Fraternisation entre emishen et colons remans, Tal Endhil et sa vallée sont de fait la porte septentrionale de l'Empire de Rem, longtemps laissé entre-baillée par la seule distance depuis la civilisation, la négligence du prévôt Rhilder le Fou et la mollesse des précédents responsables face à l'indolence caractéristique des indigènes locaux, les très pacifiques Elloran.


Un peu d'Histoire

Le nord de la Région des Lacs suscite depuis longtemps quelques convoitises, ne serait-ce que par sa richesse en minerais. Mais, d'abord, c'est vraiment loin de tout : à 8 ou 10 jours de marche de Darverane, que nombre de Remans considèrent déjà comme "les confins de l'Empire", l'endroit n'est guère peuplé, il n'était guère rentable et n'a donc intéressé que quelques aventuriers pendant très longtemps.
Ainsi, le premier "découvreur" de la région était-il le navigateur kerdan Arenzio Sotorine, qui explora la région jusqu'au Grand Nord il y a 70 ans : grâce à lui, sa famille a ensuite établi le petit comptoir maritime d'Écume 6 pour commercer avec les Elloran et produire le fameux Bleu des Lacs. C'est en fait le négoce des Kerdans qui finit par donner un peu d'ampleur au petit village lacustre de Tal Endhil, que n'occupaient jusqu'alors que quelques pêcheurs indigènes, et encore seulement à la belle saison.
Tous les deux ou trois ans, l'un ou l'autre audacieux marchand ondrène partait de la petite cité minière de "Soley-Rahn" et s'aventurait à travers la passe de Nilfenan pour lui aussi commercer avec les Kerdans, les Elloran et les Liam'Lon de passage, mais c'était bien tout.


Presque trente ans après Arenzio, donc quelques années avant l'Ére Impériale, un aventurier nommé Hervald d'Anguedale décida à son tour d'explorer le secteur et, surtout, d'en prospecter les richesses souterraines : avec son équipe, il découvrit bientôt un gisement de fer dans la passe elle-même, et y fonda la Mine du Camail. Puis il repartit plus au nord, tenta de franchir la Cordillère des Soupirs, établit hâtivement quelques cartes grossières (l'abbé Dolomire en a remit une à Durgaut) et en revint à toutes jambes avant d'être mis en pièces par toutes les bêtes sauvages qui rôdent dans ce coin là (et finit ensuite sa vie on ne sait trop où).


Mais les aventures d'Hervald et sa première découverte minière attirèrent bientôt d'autres prospecteurs et mêmes deux nobles aventuriers : en l'an 6 (È.I.), les chevaliers Herritrad d'Elorsame, un lorunois, et Enguerrand de Marale se mirent en tête de conquérir le Grand Nord pour la plus grande gloire de l'Empire (et leur fortune personnelle).
Ils firent bâtir le pont de bois au sud de Tal Endhil pour livrer passage à leur armée, s'engagèrent sur le territoire des Liam'Lon... et furent bientôt massacrés dans les marais de Gehil'Arkon par les cavaliers de l'héroïne Caenniel Ghaeld.
Peinant encore à se relever de la Guerre de Horne, l'Empire de Rem décida pour une fois de signer la paix (en échange des dépouilles des apprentis-conquérants, d'après la légende) et promis de ne plus jamais franchir le Fleuve des Lacs en Paliers...

Pour autant, après les Ondrènes, l'Empire lui-même avait découvert l'existence de Tal Endhil et maintenant la frontière fixée, peu à peu, des colons vinrent y tenter leur chance, bâtir des fermes, défricher des champs... Un certain Tardil s'installa bientôt en aval pour élever des chevaux nordiques, puis Plirune arriva alors d'Archerune avec sa famille et ses ouvriers : ils achetèrent plein de terres arables, firent bâtir un moulin et donnèrent un nouvel élan économique au village. Peu après, le commerce des chevaux avait attiré un jeune maréchal-ferrant, Talbard...
Mais ce ne fut vraiment qu'en l'an 20, lorsque qu'on découvrit des gisements d'argent dans les Monts d'Azur et que fut percée la première mine argentifère que les autorités de Solerane décidèrent d'installer un donjon et une petite garnison pour protéger cette nouvelle colonie.
(Peu après, les mêmes Solerans eurent la mauvaise idée d'amener des esclaves pour travailler dans cette mine, déclenchant l'année suivante le Massacre des Cascades...)


C'était si calme, pourtant...

Jusqu'au printemps dernier, la garnison (et de fait la colonie) était dirigée par le lieutenant-mercenaire Armeld, bizarrement mort écrasé sous un arbre (!?) peu avant le printemps). Il était alors en poste depuis 5 années consécutives (c'est apparemment un record), à sa propre demande.
De ce que Durgaut a compris depuis son arrivée, Armeld était un fervent partisan du "laisser-faire" : il n'emmerdait guère les Elloran (qui ne lui causaient pas non plus d'ennuis puisqu'il n'avait pas recours à l'esclavage pour exploiter les mines), il évitait soigneusement d'envoyer des patrouilles trop loin du village et n'avait donc pas trop d'ennuis avec les Kormes, il taxait raisonnablement les marchands (impériaux ou kerdans) et, si la rumeur prétend qu'il tranchait les différents entre colons et attribuait les terres cultivables selon les pots de vin qu'on lui offrait, le peu de remous sur ces sujets témoigne là-encore d'un certain souci de ménager la chèvre et le chou.

Tout cela laissait à Rhilder le Fou, prévôt de la Marche des Lacs (depuis l'an 26) et donc son supérieur, tout le loisir de s'enrichir sans avoir tellement à se préoccuper de son plus lointain avant-poste... En tous cas, jusqu'à ce que la vallée des Lacs en Paliers se révèle être une base-arrière pour les Kormes de Lashdan : les rebelles s'y rassemblaient apparemment depuis des mois autour du Lac Deuxième, en toute impunité, et préparaient avec leurs alliés Arkonnelkan une grande offensive devant leur donner le contrôle de toute la vallée des Lacs en Paliers, fondant enfin une base-arrière solide pour leur rébellion.
Mais c'était compter sans l'arrivée inopportune, avec la caravane de printemps de l'an 37, d'un certain capitaine Durgaut, accompagné d'une poignée de mercenaires et marchands héroïques, qui allaient parvenir -contre toute attente- à sauver le village de Tal Endhil lors d'une sanglante bataille, puis à se rendre eux-mêmes maîtres de la région...


Enjeux Stratégiques

Du point de vue impérial, Tal Endhil est donc un avant-poste militaire de la Marche des Lacs récemment transformé en bailliage impérial, sous l'autorité du Bailli Durgaut et, par lui, de l'état-major de Bragone.
De fait, Tal Endhil est toujours la porte du Grand Nord, mais elle est désormais solidement gardée, le jeune bailliage vibre d'une intense activité économique grâce à sa Guilde Franche et tous les espoirs d'expansion sont à nouveau permis... y compris les projets de Larmond d'Orsane -un des rares soutiens politiques du bailliage- d'installer sur ses côtes un port-militaire (pour sa fameuse flotte).

On commence notamment à murmurer qu'il y aurait de l'or dans la Cordillère des Soupirs, qu'une seconde mine d'argent pourrait bientôt ouvrir (dans les hauteur du torrent des Éperviers), que la production de Bleu des Lacs a repris depuis qu'on a trouvé un alchimiste (capable de passer plus d'une huitaine d'affilée à Tal Endhil, contrairement à Vighnu Pratesh), certains auraient réussi à se procurer de l'ivoire et, bien sûr, on espère beaucoup de la fondation d'une nouvelle colonie à Ker Endhil...


Le bailli Durgaut a par contre fort à faire :

  • prioritairement, envoyer son quota de lingots d'argent à Bragone, évalué chaque année par un officier impérial et qui devrait correspondre à 50% de la production. Étrangement, si la mine a été peu à peu agrandie ces dernières années (plus de matériel, plus de mineurs), les registres officiels indiquent une production et donc des quotas presque stagnants depuis 5 ou 6 ans. Tout aussi étrangement, les stocks du donjon était quasi vides à l'arrivée de Durgaut (alors que toute la production d'hiver aurait du s'y accumuler).
  • payer annuellement des impôts au Duc-Gouverneur, fixés par lui chaque année (ça se paye aux Moissons, vous saurez alors à quelle sauve vous allez être mangés).
  • exécuter les ordres de l'état-major (actuellement, y en a pas), entretenir les fortifications
  • maintenir l'ordre et la loi impériale, protéger les colons des méchants indigènes, protéger le culte.

En termes de pouvoirs, c'est beaucoup plus simple : tant que le bailli se démerde pour que le pognon rentre et que la frontière soit bien tenue, le reste est à sa discrétion.


La Frontière de l'Orage

Cette notion à la fois morale, politique et territoriale, inspirée par le "Hagad" (la loi, ici de la guerre) a récemment pris une importance... "stratégique".

En effet, en négociant âprement à l'Assemblée Tribale pour que le tracé de la Frontière non seulement englobe Tal Endhil mais suive les limites annoncées pour le futur Bailliage de Tal Endhil, les diplomates talendans se sont a priori assurés d'être tenus hors du conflit qui ensanglante actuellement les Marches du Nord.
De fait, la vallée des Lacs en paliers et par-là même le bailliage sont défendus, au sud, par les Sentinelles de l'Orage : la force d'interposition inter-tribale, commandée par le chaman-lancier Kal Kirhan, et actuellement forte de près de 250 hommes.

Bien sûr, cela requiert des Talendans qu'ils participent eux aussi à la défense de la "Zone de Paix" où ils vivent désormais : non seulement qu'ils respectent le territoire de leurs alliés Elloran (sur les terres desquels le Bailliage se trouve techniquement), mais aussi qu'ils gardent "leur" accès par la passe de Nilfenan (où Durgaut stationnent ses Hotars dans ce but) et qu'ils maintiennent l'ordre et évitent les débordement de tous les Dirsen entrés par chez eux... et sur ce dernier point, ça a un tantinet merdé, récemment.