Brendorne

De Marches du Nord
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Brendorne en noir, au sud de la Vallée des Cerfs.
Fondé à l'époque du Royaume des Ondrènes (en -78 avant l'Ère Impériale[1]) le long du torrent Breneyn, dans un vallon boisé au Sud de la Vallée des Cerfs, le bourg de Brendorne et sa modeste abbaye tiraient leur prospérité grandissante de leurs mines d'étain et de fer (cette dernière étant aujourd'hui rattachée à Celanire), de l'élevage des chevaux nordiques et de la toute première verrerie installée dans la Région des Lacs.

Mais après que l'endroit fut entièrement rasé par les Kormes en l'an 19 de l'Ère Impériale, ses quelques 2.000 habitant massacrés jusqu'au dernier et empalés aux alentours, Brendorne est aujourd'hui considéré comme une ville maudite et plus aucune tentative n'a été faite depuis pour la reconstruire...


  1. D'après les recherches menées par Léa Celsine en croisant les archives de Darverane avec les registres de Brasure.


La destruction de la ville vue par Ryswald de Rhordamn, accessible au Conseil du Prévôt ou avec Histoire 3.▼


Encore en l'an 18, il n'y avait pas tellement de combats dans la Seigneurie des Lacs : Impériaux et Ondrènes affrontaient les sauvages dans les Gemmes et dans les Lisières, mais les Oloden ne s'en mêlaient pas vraiment, les Rimdehl étaient mis en déroute par la simple menace d'action guerrière et on pouvait donc les asservir sans mal, tous les colons de "l'Ouest" s'accordaient à dire que les Elloran étaient bien trop mous pour présenter le moindre danger...

Vers 17-18, le baron Riweld d'Orelonde pourtant s'était mis en tête de se tailler un fief dans la Vallée des Cerfs : Darverane n'était pas exactement en position de le lui interdire (il était soutenu par le vieux duc Theoben de Lorune) mais, heureusement pour le régent Ryswald, le baron était déjà confronté à l'insoumission des Solerans et à la résistance des So'Sherkan. Néanmoins, la construction de l'abbaye –qui était un énorme chantier– avait attiré beaucoup de gens à Brendorne, Caldoran et Borwyn y prospéraient, la mine de fer marchait à plein... et Ryswald était surtout préoccupé de ne pas laisser Riweld lui souffler cette dernière. Aussi, quand il fut assassiné par une sauvageonne (voire plus bas, "Fils-de-la-Cinquième-Flèche"), la première pensée du Régent ne fut pas "Diable, les Venteux se rebiffent !" mais "Une bonne chose de faite !".

Ce que le Régent n'a mesuré que bien plus tard, c'est que malgré la présence de quelques 150 Lévriers de Rordame sous les ordres d'un p'tit lieutenant, Brendorne n'était plus vraiment dirigée que par le jeune abbé Dolomire à la tête d'un petit contingent de soldat du Temple gardant un gros chantier. D'autant que Ryswald traînait à nommer un commandant car il espérait trouver quelqu'un de plus "administratif" qu'un militaire, mais plus loyal qu'un Holterois ou un Soleran, et idéalement un politique capable de préserver le pouvoir des Grafs face au Culte des Pères. Et parce que la région était réputée calme, il n'a jamais imaginé que la vacance du pouvoir féodal et militaire allait permettre à des milliers d'insurgés de prendre pied dans la Vallée des Cerfs...

Il n'y a presque pas eu de signes avant-coureur : une ou deux attaques de convoi volontiers attribuées aux brigands (qui pullulaient alors dans l'Ouest comme dans les Brèches), Ryswald croit se rappeler qu'une ou deux patrouilles avaient disparu dans la forêt entre Celanire et Brendorne... Et soudain, vers la fin des Labours 19, Solerane puis Darverane ont reçu, par pigeon (Brendorne avait le premier pigeonnier de tout l'Ouest), un appel à l'aide de la garnison de Brendorne, qui disait en substance "une armée venteuse démoniaque nous attaque, envoyez des renforts de toute urgence".

Ryswald n'ayant alors pas de vraie guerre sur les bras (notamment parce qu'il refusait ses troupes au "petit bâtard d'Orsane"), il a ordonné au commandant de Solerane de foncer sur place avec presque tout ce qu'il avait de troupes (peut-être 2-300 hommes) pendant que lui-même mobilisait plus de 1.500 guerriers entre Darverane, la Futaie et Holterune. Il savait bien que ceux-là arriveraient 6 ou 7 jours "après la bataille", mais les remparts de Brendorne n'était même pas vraiment terminés : on ne pouvait guère espérait que les habitants tiennent un siège.
Le Régent s'attendait à perdre la plupart des Solerans (en y gagnant de vraies infos sur l'ennemi), puis à trouver des centaines de blessés et une ville choquée, peut-être partiellement incendiée ou le temple abattu, mais que son armée puisse sécuriser solidement avant de lancer le nettoyage de la forêt, opposant une véritable armée ce qu'il supposait être quelques centaines de So'Sherkan plus téméraires qu'à l'ordinaire (2-3 ans plus tôt, ils avaient lancé un raid sur Whardron, repoussé sans trop de mal).

Ryswald n'aurait jamais imaginé que son général, Koarleg de Hændrigue, allait trouver la cité rasée. Koarleg était un vrai dur, un chevalier survivant de la Révolte qui avait vu son pays dévasté par les Mongrels sans se décourager, et que Darverane avait débauché d'Aroche pour une jolie solde et 10 arpents de terre (du côté de Holterune). Mais, en revenant, le général a décrit à son suzerain, d'une voix horrifiée, une ville entièrement brûlée, des bâtiments abattus quasiment jusqu'aux fondations et des milliers de pals : soldats ou prêtres, hommes et femmes, adolescents ou vieillards et même des chiens embrochés sur des pieux de 3m, sur deux ou trois rangs tout autour des ruines.
Peut-être 400 gosses de moins de 12 ans avaient été enfermés dans l'Auberge, seul bâtiment encore debout, toutes les issues barrées par des planches : quand l'armée était arrivée, les mômes étaient là-dedans depuis au moins 4 ou 5 jours, complètement traumatisés. Il y avait des corbeaux partout, des loups rôdaient par dizaines en se disputant les cadavres et la puanteur était insoutenable. Mais il n'y avait aucun ennemi en vue, même pas de piste claire à suivre. Les soldats de Solerane étaient au complet, empalés par un ou deux : on a jamais trouvé un seul survivant adulte, ni même un cadavre ennemi.
Comme l'armée de Koarleg craignait de camper à découvert, elle ne s'est pas attardée pour enterrer tout le monde, et s'est contentée de brûler les corps, la plupart avec leur pal.
Beaucoup des hommes de Ryswald ne s'en sont jamais remis.

Le vieux se souvient que l'abbé Dolomire était alors à Brasure pour mendier des fonds, et que tout ce qu'il a pu faire fut de les utiliser pour placer les orphelins en nourrice, un peu partout dans la région. C'était jusque là le curé le plus chiant que le Régent avait jamais vu, un parasite de haute volée qui lui piquait des centaines de £unes à chaque visite. Mais, après Brendorne, le p'tit abbé a plus ou moins disparu, sans doute rappelé auprès du Primat.

Au final, ce qui a le plus troublé Ryswald est encore l'acharnement : il faut des jours de travail à plusieurs centaines de gars pour tailler 1.500 ou 2.000 pieux, avant même de commencer une exécution de masse particulièrement éprouvante qui a dû prendre plusieurs jours de plus (à Darverane, la Graf Ærithrad avait d'ailleurs supprimé le pal de la panoplie judiciaire parce que c'était trop long et trop salissant). Sans compter que si beaucoup de Brendornais étaient sans doute déjà morts avant d'être empalés, il a dû falloir une garde considérable pour contenir probablement plus de 1.000 prisonniers certains de n'avoir plus rien à perdre. À moins que les Rebelles aient menacé les enfants, le vieux régent ne sait pas bien...

Quelques jours plus tard, les sauvages qu'il a fait rafler et torturer leur ont parlé des Kormes, l'Armée des Morts, complètement cinglés et prêts à n'importe quelle barbarie. Alors il a compris le message des pals : une déclaration de guerre totale où, désormais, les Morts ne ménageaient plus leurs efforts, ne connaissaient plus de loi, et pouvaient sortir de nulle-part pour rayer un bourg de la carte, puis disparaître.
Pour la première fois, même les Ondrènes des villes ont eu peur...

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▼ Légende du "Fils-de-la-Cinquième-Flèche" ou la mort de Riweld d'Orelonde, accessible aux seuls Rêveurs de la Dame Blanche.▼


[...] Le grincement de la porte avait suffit à projeter la jeune femme hors de sa litière, hagarde et bancale sur sa jambe désormais plâtrée, mais le coutelas déjà tendu devant elle. Avec une moue moins qu'inquiète, la vieille Réjane finit de rentrer ses bûches, referma le lourd battant sur le soir d'automne et rabattit par-dessus la vieille tenture qui protégeait sa chaumière du froid. L'Emishen, confuse, retomba sur sa couche en serrant dans ses bras son fils brutalement réveillé, quand la rebouteuse, son feu maintenant nourri, s'assit finalement près du foyer pour demander en Langue des Vents : « Si tu crains qu'on te poursuive jusqu'ici, 'faudrait sans doute me dire qui, et pourquoi... Mais tu peux déjà commencer par me dire ton nom, Tallalnen. »

L'enfant bientôt calmé par la tétée, la jeune mère se laissa aller contre le murs de torchis et, le regard perdu dans les bouquets de plantes séchant au plafond, réalisa qu'elle n'avait plus employé son nom depuis des mois. L'Homme l'appelait simplement la Belle mais, lors du Rite de Passage, son clan l'avait baptisée Lueur-de-la-Nef, en l'honneur de la constellation[1]. Pendant que la rebouteuse broyait des herbes pour changer son emplâtre, Lueur raconta alors l'histoire du baron Riweld d'Orelonde...

Il était arrivé dans les Montagnes du Tranchoir deux printemps plus tôt, à la tête d'un redoutable régiment bien décidé à chasser le clan de l'Harfang des environs de Malorne. Lorsque ses Lévriers avaient attaqué son village, Lueur avait combattu de son mieux mais, comme beaucoup d'autres, elle s'était rendue quand les Dirsen avaient pris leur chaman en otage. Les Tallalnen ne savaient pas encore ce qu'il leur coûterait de déposer les armes : les Alenn et les combattants avaient été exécutés, leur chaman longuement torturé, la plupart des enfants comme les adultes valides vendus en esclavage, les femmes violées.
Comme Lueur-de-la-Nef était belle, une rixe avait éclaté entre les soldats pour savoir qui se l'approprierait, et la dispute avait attiré leur chef, le baron d'Orelonde, qui avait tranché en s'accaparant la captive. Quelques jours plus tard, des guerriers menés par Lance-de-Justice avait attaqué le convoi des Lévriers et libéré nombre de captifs mais, bien avant de rejoindre son clan, Lueur-de-la-Nef savait qu'elle était enceinte.

Par hasard, elle était la seule, et les Tallalnen y avaient vu un mauvais présage, comme si cet enfant à naître incarnait toutes les sévices subies par le village. Mais Lueur, elle, voulait cet enfant : quelle que fût la violence qui l'avait engendré, il grandissait en elle, il lui appartenait, il lui plaisait déjà. La guerre avait pourtant continué –et son clan n'avait pas cessé de lui reprocher son choix– jusqu'à ce que son fils naisse... et les attaques avaient redoublé. Les Tallalnen avaient finalement appris que tous ces combats, ces captures, ces tortures et ces exécutions se multipliaient car le baron d'Orelonde voulait un fils, que sa propre épouse ne pouvait lui en donner et qu'il comptait donc prendre celui de Lueur-de-la-Nef.
Tous ceux qui avaient insisté pour qu'elle avorte ou qu'elle abandonne le nourrisson lui intimaient maintenant de le donner à Riweld. Contemple-les-Ténèbres avaient finalement déclaré qu'il ne pouvait laisser massacrer son clan pour protéger un bâtard : comprenant que les siens ne la tolèreraient plus, Lueur s'étaient alors enfuie avec son arc, son coutelas, son cheval et son bébé.

« Les nobles ont b'soin d'héritiers mâles, et ce Lorunois semble ben décidé à voler ton fils... Je n'sais pas si tu pourras élever cet enfant en fuyant sans cesse, conclut Réjane en essuyant une larme sur sa manche.
_Non, je ne pourrais pas, répondit l'archère. Quand ma jambe sera guérie, si tu veux bien t'occuper du petit quelques temps, je retournerai au Pays des Vents pour tuer son ordure de père... »

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Après plus d'un mois dans des vêtements dirsen, en évitant les cités et les routes trop fréquentées de crainte que son accent et ses manières ne la trahissent, coupant fréquemment à travers les forêts et montagnes où elle avait passé sa jeunesse, elle rencontra au Lac des Traits une caravane de Corneilles qu'elle connaissait, et demanda l'aide de leur Chamane Louvoyante. Ravitaillée et renseignée, Lueur-de-la-Nef arriva à Brendorne avec les premières neiges, où les Lévriers étaient désormais cantonnés.

Ne sachant quelles couleurs attacher à sa lance de défi, Lueur-de-la-Nef y noua une tresse des cheveux pâles qui avaient attirés l'attention du Baron, et une bourse de cuir frappée de son blason, prise sur l'un des morts dans la chaumière de l'Homme. Elle avait planté le tout au milieu d'un chemin, sur le trajet d'une patrouille des Lévriers entre le bourg et la mine voisine, les suivant à distance pour s'assurer qu'ils la rapporteraient à leur seigneur.
Dès le lendemain, désormais toute vêtue de blanc, une poignée de neige dans la bouche pour que son haleine ne fasse pas de vapeur, elle avait abattu un soudard par surprise, d'une flèche dans la gorge. Elle avait recommencé le jour d'après, et chacun des suivants.
Quand ils menaient des battues pour la trouver, elle semaient hommes et chiens en grimpant un a-pic, en fonçant vers la tanière d'un glouton ou en nageant à travers les eaux glacées du fleuve Louvoyant. Quand ils renonçaient, elle retourner guetter un tabard jaune en bordure des villages.


Elle en avait déjà tué plus que les doigts des deux mains lorsqu'au bout de trois huitaines, pour restaurer la confiance vacillante de ses hommes, le baron avait quitté Brendorne pour commander la traque en personne. Alors, pour la première fois, elle s'était montrée à eux, du haut d'une falaise, retirant sa capuche pour qu'il la reconnaisse, qu'il soit maintenant certain. Pendant trois jours et deux nuits, elle avait attiré ses hommes sur de fausses pistes pour les séparer, elle les avait fait tourner en rond pour les fatiguer, les avaient entraînés vers la caverne d'un ours ou sur le flanc instable d'une montagne et, par sa main ou la vengeance du pays, quatre de plus étaient morts.

Ce n'est qu'au troisième soir, alors qu'elle traînait un faon blessé vers leur bivouac pour y conduire les loups, qu'elle fût surprise par trois d'entre eux à la lisière des bois. Elle ne fût pas assez prompte à s'enfuir et un molosse la mordit à la cuisse : après avoir égorgé le chien, alors même qu'elle s'échappait en claudiquant, elle savait qu'elle avait perdu l'avantage. Dès le lever du jour, les soudards trouveraient sa piste et elle était cette fois bien incapable d'escalader, trop loin des eaux pour les dépister.
Elle pensa à son fils, dont une seule erreur l'avait finalement privée, et elle pria : l'enfant, qu'il lui pardonne, et l'esprit de l'Harfang qu'il lui prête sa clairvoyance quand viendrait le matin. Car le salut du nourrisson dépendait désormais de ses six dernières flèches : au moins l'une d'elles devrait atteindre le Baron. Elle déposa donc un baiser sur chacune des pointes de bronze, en leur murmurant le nom secret de son fils et en les implorant de voler juste, par la terre dont elles étaient extraites, par le feu qui les avait forgées et par le Vent qui les porterait.
Puis, appuyée sur une branche en guise de canne, malgré le sang ruisselant sous le bandage arraché à sa cape, elle passa le reste de la nuit à gravir une colline dénudée et trouva un rocher où s'asseoir pour attendre ses poursuivants.


L'aube fût claire, l'Oiseau-Totem avait entendu sa prière et le bronze vola : pendant que les soldats et leurs bêtes montaient à la curée, dressée sur son rocher, son bâton calé entre une fissure du roc et sa ceinture pour se donner de l'appui, Lueur-de-la-Nef lâcha son premier trait –elle abattit le chien qui précédait les hommes.
Respirant lentement pour lutter contre la peur et le tremblement de sa jambe blessée, elle encocha sa deuxième flèche et visa soigneusement : la corde se détendit en claquant, et un soldat tomba. Alors apparu le Baron, bouclier levé et la hache à la main. Deux hommes le précédaient, courant pédalant dans la neige qui leur montait aux genoux : elle bandait son arc quand une flèche l'atteignit au ventre.
Elle cria de douleur, faillit basculer, mais se redressa de peu : elle savait qu'elle ne quitterait plus cette colline, la blessure n'y changeait rien. Elle prit une inspiration de plus, souffla, visa soigneusement la poitrine du Père de son fils et décocha : son trait se ficha dans le bouclier de bois peint. Les deux soldats de tête n'étaient plus qu'à 50 pas, mais elle ne pouvait leur accorder aucune de ses trois dernières flèches.
Visant bien entre eux, elle lâcha sa quatrième flèche, qui frappa le Baron en pleine poitrine. Il s'arrêta de courir mais, horrifiée, Lueur le vît arracher le trait de son gambison d'une seule main gantée : le projectile n'avait qu'à peine percé l'armure.
Alors que les soudards arrivaient et qu'elle sentait sa vie s'écouler de sa jambe et de son abdomen, elle appela à pleine voix la Dame Blanche, Mère des Aspirants et des Insoumis, inspira si fort qu'elle cru que son ventre allait se déchirer, banda l'arc de toute ses forces et via le heaume à tête de chien. Il y avait une telle menace dans ce tir que les soldats se retournèrent vers leur chef en entendant le claquement du métal : une coudée de bois empenné dépassait de la visière soudain inondée de rouge.

Satisfaite, Lueur-de-la-Nef remercia le Vent, elle remercia la Dame mais, alors qu'elle allait murmurer un mot pour la vieille Réjane, elle s'effondra avant même que la meute ne l'atteigne.

  1. La constellation de la Nef est "l'étoile du Nord" de cet univers, que les Dirsen appellent "le Vaisseau"